Jean ORTIZ
Lorsque le vent souffle en sens contraire, commencer à lâcher un peu, c'est souvent capituler beaucoup. « Ensemble ! » vient de publier ce 4 août un communiqué effarant, à charge quasi totale, contre le président Maduro et son gouvernement bolivarien. On dirait ce texte repris aux médias « chiens de garde ».
Le déséquilibre de ce communiqué ne peut qu'inquiéter. Il ne s'agit même pas d'un renvoi dos-à-dos, mais d'une accusation en règle contre l'une des parties qui serait la principale responsable de la « répression des opposants », des « violences contre les manifestants », etc. Les manifestations de l'opposition donnent lieu aujourd'hui à de véritables émeutes, fomentées par des groupes violents. Les images tournent en rond dans les médias et réseaux sociaux, le plus souvent attribuées aux chavistes, alors qu'il s'agit de « guarimbas », sortes d'insurrections urbaines. La gravité de la crise, les affrontements, créés par la droite et l'extrême-droite, sont mis, essentiellement, sur le dos du Président Maduro. L'élection d'une Constituante, présentée comme une « pseudo-constituante », ne condamne pas l'Etat de droit, et ne fait pas du Venezuela une dictature. La possibilité de convoquer des élections constituantes, qualifiées par « Ensemble ! » de « farce électorale », de « nouveau coup de force », est inscrite dans l'actuelle Constitution.
Cela nous chagrine qu'« Ensemble ! » s'érige en donneuse de leçons au chavisme, même si ce dernier a commis et commet des erreurs. Pas un mot sur le bilan démocratique et social depuis 1999 (les Missions sociales, éducatives, sanitaires, les Communes Socialistes, les Conseils Communaux...). Certes, la mort de Chavez peut avoir désaxé certains aspects du processus de libération ; mais le projet global reste le même, entravé, saboté par la droite et l'extrême-droite nationales, revanchardes, prêtes à tout pour récupérer quelques privilèges perdus.
Quant au « caudillisme » en Amérique latine, c'est une vieille antienne, usée jusqu'à la corde. Le Venezuela n'a pas l'exclusivité du « caudillisme », ni de la rhétorique ultra-gauche.
Nous avons mené tant de combats, noué tant d'amitiés, avec les camarades d' « Ensemble ! » que de voir leur organisation se tirer une balle dans le pied, emboîter le pas aux Etats-Unis et à l'Union Européenne, nous peine profondément. Le Venezuela fait d'abord face à une guerre non déclarée de l'impérialisme nord-américain. Derrière la crise, même si ce n'en est pas la seule cause, la main des Etats-Unis est de plus en plus visible. Ne nous trompons pas d'adversaire, camarades. Ceci dit en toute fraternité. Se tromper de cible principale peut affaiblir notre combat commun en France. « Un peu d'internationalisme éloigne de la patrie, mais beaucoup y ramène » (Jean Jaurès). La solidarité ne saurait être aveugle, certes, mais la conditionner à des contingences nationales, c'est lâcher beaucoup, face à nos adversaires de classe, là-bas comme ici.
Jean Ortiz
EN COMPLEMENT : Le communiqué d'Ensemble : ensemble-fdg.org