Les « sanctions » russes et la répression qui vient pour les Américains
Daniel McAdams | 03 août 2017 | R on Paul Institute
La semaine dernière, j'ai écrit un article et accordé une interview pour expliquer que, d'après la lecture que j'en fais, dans le nouveau projet de loi sur les sanctions contre la Russie qui vient d'être signé par le président Trump, il se trouve une mesure qui ouvre la porte à la répression sévère de certains médias alternatifs, par le gouvernement américain. L'article 221 de la « Loi sur les sanctions à adopter pour lutter contre les ennemis de l'Amérique » permet en particulier de punir les « personnes » qui « entre(rai)ent en contact avec des secteurs du renseignement ou de la défense du gouvernement de la Fédération de Russie ».
À première vue, on peut penser que c'est moi qui vois dans ce texte des choses qui n'y sont pas, mais depuis douze ans que je scrute les lois votées par le Capitole (Congrès), je puis vous assurer que ces lois ne sont jamais rédigées de façon claire et indiscutable. Il y a toujours quelque chose à lire entre les lignes, et, dans ce cas-ci, il nous faut prendre en considération toutes les fois où le directeur de la CIA et d'autres hauts fonctionnaires de la communauté du renseignement US ont essayé de faire croire que les chaînes d'information étrangères comme RT ou Sputnik News ne sont pas protégées par le Premier Amendement sur la liberté de la presse, parce qu'elles ne sont que des outils de propagande au service de services secrets étrangers.
On se rend compte, avec l'atmosphère qui règne aujourd'hui et l'hystérie anti-russe qui s'est répandue comme une épidémie de typhoïde, à quel point ce genre de notion serait facilement gobée par le plus grand nombre des Américains. Au secours ! Les Rouges grouillent sous nos lits et les Russkies ont fait main basse sur nos stations de radio !
Je ne crois pas que la répression ne s'en prendra qu'aux organes de presse financés par le gouvernement russe comme RT et Sputnik. Une fois qu'on en aura fini avec les fruits qui pendent aux branches les plus basses, on voudra cueillir les autres et la deuxième vague de la répression s'attaquera aux organisations qui osent s'intéresser à ce que fait la Russie, qui ne sont pas financées par des gouvernements mais qui contestent la ligne officielle du gouvernement US pour qui la Russie est notre ennemi numéro un, et qu'il faut renverser le gouvernement russe. Des sites alternatifs privés à grande audience comme The Duran et Russia Insider ont beaucoup de chances d'être les prochains sur la liste des traîtres à abattre, c'est-à-dire à traîner devant les tribunaux.
Trop tiré par les cheveux à votre avis ? Considérez les choses de la manière suivante (je peux vous assurer que c'est ce que font les néocons) : si le gouvernement russe et RT sont opposés aux sanctions et si vous vous exprimez via un site Web qui est lui aussi opposé aux sanctions contre la Russie, est-ce que vous ne faites pas le jeu des services secrets russes ? Est-ce que vous ne cherchez pas à influencer vos lecteurs de la manière qu'ils souhaitent ? N'êtes-vous pas « en contact » avec eux, même si ce n'est que de loin, via les ondes d'une radio ?
Et après cette deuxième vague, vous pouvez être sûrs qu'une autre poussée répressive suivra, contre d'autres médias alternatifs qui n'ont rien à voir nonj plus avec la Russie, mais qui s'opposent à la politique étrangère interventionniste US : ZeroHedge, Lew Rockwell, Ron Paul Institute, ConsortiumNews, etc.
C'est dingue d'après vous ? N'oubliez pas ceci : cette guerre contre nous a commencé dès l'année dernière, exactement quand le Washington Post a consacré sa « une » à un article accusant tous les sites que je viens de nommer d'être des « agents russes ».
Et après ceux-là, qui d'autre ? Allez-vous aux nouvelles sur certains de ces sites alternatifs ? Transférez-vous autour de vous des articles qui s'opposent à la politique US de « sanctions » contre la Russie ? Vous « entrez en contact ». Vous serez soumis aux peines prévues par la « Loi sur les sanctions à adopter pour lutter contre les ennemis de l'Amérique », qui a désormais force de loi.
Vous pourriez dire que ça ne tient pas debout. Que le gouvernement ne va jamais s'amuser à dresser des listes de suspects et à persécuter des organes d'information privés juste parce qu'ils ne respectent pas les prescriptions des néocons de Washington !
Peut-être pas encore. Mais c'est pourtant ce que sont en train de faire des organisations « non gouvernementales » subventionnées par le gouvernement.
Le Plan Marshall allemand d'aujourd'hui a beaucoup moins à voir avec l'Allemagne qu'il ne l'avait lorsqu'il a été fondé après la Deuxième Guerre mondiale. À l'heure actuelle, il est financé principalement par le gouvernement des États-Unis et ceux d'états alliés (pays baltes russophobes surtout), par des fondations néoconservatrices dont c'est la raison d'être, et par le complexe militaro-industriel. Grâce à son programme à la consonance bizarrement soviétique, « Alliance pour la protection de la démocratie », ce Plan a lancé un projet qui s'appelle « Hamilton 68: un nouvel outil pour traquer la désinformation russe sur Twitter ».
Ce projet contrôle 600 comptes Twitter dont le Plan Marshall allemand prétend qu'ils sont des « comptes qui travaillent à promouvoir l'influence de la Russie et qui poursuivent ses objectifs de désinformation ». Quels comptes contrôle-t-il ? Il ne veut pas nous le dire. Comment choisit-il ceux qu'il entend surveiller ? Il ne veut pas nous le dire. Dans quel but ? Eh bien, c'est ça qui fait le plus peur : il ne veut pas nous le dire non plus.
N'est-il pas ironique qu'un machin appelé Plan Marshall Allemand se serve des tactiques de la Stasi pour réduire au silence aux États-Unis les médias alternatifs et les opinions non conformes ?
Donc, que fait au juste le projet « Hamilton 68 » ? Selon ses propres termes et en premier lieu, il « affiche les tweets des sites officiels de la propagande russe en anglais, avec un court article sur les thèmes de la journée», en précisant « "Ceci est la messagerie apparente de la Russie” ».
Mais ça va plus loin que ça. Car il dépiste et engrange des informations sur d'autres gens ou sites qui n'ont aucun lien avec la Russie, mais qui, « de leur propre initiative, répètent fidèlement et amplifient les thèmes russes ». C'est ce que le Plan Marshall Allemand appelle «le deuxième échelon du réseau des propagateurs de désinformation».
Que fait ce « réseau » de personnes qui n'ont pas de lien avec la Russie mais qui amplifient les « thèmes » russes ?
Il « reflète les priorités de la messagerie russe, mais ça ne veut pas dire que chaque nom ou lien affiché par le tableau de bord soit pro-russe. Le réseau propage parfois des histoires que la Russie aime bien ou relaie des gens qui partagent les vues de la Russie sans lui être formellement rattachés ».
Ainsi, d'après l'alliance soi-disant créée pour protéger la démocratie, vous ne savez sans doute pas vous-mêmes en la faisant que vous faites la propagande de l'État russe !
Est-ce que vous voyez ce qu'ils sont en train de faire ? Ils sont en train de se servir de l'argent du gouvernement US (et d'autres) pour éliminer tout organe d'information ou individu qui ose dévier de la ligne politique officielle des néocons sur la Russie, la Syrie, l'Ukraine, etc. Ils sont partis pour éliminer toute espèce d'information qui conteste les lubies des néocons. En la criminalisant.
En fait, ils admettent qu'ils veulent bâillonner toute opinion qui n'est pas la leur :
« Notre objectif en fournissant ce tableau de bord est d'aider les gens ordinaires, les journalistes et d'autres analystes à identifier les thèmes des messages russes et à détecter la désinformation active et les campagnes offensives dès qu'elles apparaissent. En les démasquant, nous aiderons les consommateurs d'informations à mieux y résister et réduirons ainsi l'efficacité des efforts que font les Russes pour influencer la manière de penser des Américains. En les rendant moins efficaces, nous découragerons ces activités pour l'avenir. »
La description du projet à consonance si soviétique « Alliance pour la protection de la démocratie », se termine sur un avertissement d'un autoritarisme tout à fait approprié, en provenance directe de 1984, du Zéro et l'Infini ou du guide pratique d' Erich Honecker :
« Nous ne vous disons pas ce que vous devez penser, mais nous pensons que quand quelqu'un essaie de vous manipuler, vous devriez le savoir. Ce que vous faites de cette information est votre problème. »
On en a froid dans le dos ! Et tout ça est fait avec votre argent, par votre gouvernement, et en votre nom.
Par conséquent, rien ne ferait plus plaisir aux néocons et à leurs myriades de think-tanks (la plupart du temps financés par le gouvernement) que d'empêcher la tenue de notre Conférence 2017 pour la paix et la prospérité, qui se tiendra sur le pas de leur porte ! Ils ne peuvent pas supporter un débat ouvert sur la politique étrangère hyper-interventionniste de Washington. Ils ne veulent pas entendre parler de toutes leurs guerres perdues - et ils ne veulent surtout pas entendre parler des guerres qu'ils ont encore l'intention de déclencher.
Ce n'est pas nous qui sommes les anti-Américains. Ce sont eux les Anti-Américains. Ils haïssent le Premier Amendement. Ils haïssent tout débat. Ils nous haïssent.
Comment pouvons-nous rendre les coups ? Un moyen très simple est de leur montrer que notre Conférence fait salle pleine ! Rien qu'en y venant, vous flanquerez votre poing dans l'œil d'un néocon !
Pouvez-vous imaginer leur fureur quand la Conférence pour la paix et la prospérité de l'an dernier a été diffusée sur C-SPAN ?
Grâce aux efforts de notre très généreux Comité Organisateur, nous avons pu maintenir le prix du billet aussi bas que possible. Nous voulons vous y voir tous ! Vous aurez droit à une journée pleine de conférenciers fantastiques et lucides, à la possibilité d'entrer en contact et de comploter avec des personnes qui partageant vos opinions, et vous aurez aussi un excellent déjeuner, avec du café et de thé à volonté par-dessus le marché ! Nous avons également réussi à obtenir de l'hôtel un prix très avantageux pour vous aider à économiser vos sous !
Daniel McAdams | 03 août 2017 | R on Paul Institute
Article original en anglais : Russia Sanctions and The Coming Crackdown on Americans
Source: arretsurinfo.ch