Par Andrew Korybko
Trump était plus agressif que d'habitude hier (11 août) quand il a déclaré qu'il n'excluait pas une « option militaire » au Venezuela, et les médias internationaux se sont mis à croire que le président envisageait une invasion. Rien ne justifie ce que Trump a dit mais, en écartant toutes les considérations morales, sa déclaration n'aurait pas dû surprendre et, d'une manière intéressante, elle pourrait même se retourner contre lui.
Tous les présidents des États-Unis réitèrent systématiquement la rhétorique selon laquelle « toutes les options sont sur la table » en cas de crise que leur pays a provoquée à l'étranger et dans ce cas c'est par une Guerre hybride imposée au Venezuela que les États-Unis cherchent à contrôler par procuration les plus grandes réserves de pétrole du monde dans la ceinture de la rivière Orénoque et briser le groupement ALBA socialiste-multipolaire.
Les vulnérabilités socio-politiques et les faiblesses institutionnelles préexistantes du Venezuela ont permis les machinations économiques américaines contre le pays afin de déclencher une révolution de couleur contre le gouvernement. Lorsqu'elles ont échouées, la tactique de changement de régime a été transformée en une insurrection urbaine et a récemment élargi ses opérations en organisant une attaque terroriste contre une base militaire dans la partie centrale du pays.
Il est fort probable que la situation se transforme en une « guerre civile » provoquée de l'extérieur avec l'intention éventuelle de déclencher une tentative de coup d'État militaire contre le président Maduro, mais les chances que les États-Unis interviennent directement dans ce scénario sont minces. L'option militaire brandie par Trump se rapporte plutôt probablement au rôle de « Lead From Behind » que les États-Unis devraient jouer en utilisant la Colombie comme partenaire régional pour faire passer des armes en douce et d'autres formes d'assistance aux « rebelles modérés » du Venezuela, tout comme la Turquie a été utilisée pour faire face à la Syrie depuis six ans.
En outre, on peut croire avec confiance que la CIA travaille dur pour essayer de faire avancer son coup militaire tant souhaité, même si ses chances de succès sont peu probables, à moins que la guerre hybride ne devienne une « guerre civile » déclenchée de l'extérieur comme en Syrie. Ces deux raisons interconnectées expliquent ce que Trump veut dire en refusant d'exclure une « option militaire », bien qu'il y ait certes le cas extrême qui ne peut pas être écarté dans lequel une « intervention humanitaire » à grande échelle se déchaînerait dans les derniers stades de la crise afin de renverser de façon décisive le gouvernement à son moment de plus grande faiblesse.
Peu importe ce que les États-Unis finiront par faire ou pas, la déclaration arrogante de Trump pourrait réellement se retourner contre lui en augmentant l'attrait du président Maduro parmi les membres de la soi-disant « opposition ». C'est une chose de détester un chef élu et d'espérer sa chute, mais c'en est une autre de soutenir activement une invasion étrangère de son pays par l'hégémon traditionnel américain, compte tenu notamment de l'histoire sanglante de l'activité militaire américaine dans les Amériques au cours du siècle dernier.
Les commentaires de Trump mettent donc les proxies de changement de régime des États-Unis en difficulté parce qu'ils sont maintenant pris dans un dilemme entre soutenir ce que le monde entier perçoit comme une menace pour envahir leur pays ou soutenir son leader légitime alors qu'ils ont organisé des émeutes contre lui depuis déjà des mois. On peut présumer que le partisan anti-est, à part égale, contre Maduro, contre une invasion américaine possible de son pays et contre les émeutes de l'opposition qui veut seulement voir se tenir des élections anticipées dans l'espoir de mener à bien un changement de régime.
Ils ont soutenu l'« opposition » jusqu'à maintenant parce qu'ils l'ont considérée comme l'option « la moins mauvaise » disponible, mais la menace militaire implicite de Trump risque d'être perçue comme le fer de lance d'une éventuelle invasion et les conditions chaotiques de la « guerre civile » dans lesquelles les États-Unis pourraient intervenir conventionnellement au Venezuela seraient alors dues à leurs actions intensives de guerre hybride.
Ce fait devrait justement arrêter momentanément les membres s'auto-identifiant comme l'« opposition patriotique » et les inciter à reconsidérer leur « mauvaise »évaluation sur « l'opposition ». S'ils s'engagent dans une réflexion sérieuse, ils verront que c'est effectivement le président Maduro qui est le « moins mauvais » des deux choix et que la meilleure façon de réaliser leur objectif de changement de régime consiste à attendre à contrecœur jusqu'au prochain vote démocratique prévu.
Continuer à jeter tout son poids derrière cette « opposition » à ce stade équivaut à soutenir ouvertement les étapes nécessaires pour créer les conditions pour la réalisation des « options militaires » de Trump contre leur pays, y compris une « intervention humanitaire ». On ne sait pas quelle proportion de l'« opposition » satisfait aux critères « patriotiques » auxquels ces points s'appliqueraient, mais si leur nombre est assez important leur « défection » passive des rangs du mouvement anti-gouvernemental en réponse à la menace de Trump pourrait influer sur l'effort de changement de régime.
D'autre part, et en abordant le sujet sous un angle cynique comme « avocat du diable », cela ne changera pas de façon tangible la situation si les États-Unis ont déjà pris leur décision de mettre en place une escalade de la guerre hybride au Venezuela au niveau de celle en Syrie, mais cela représenterait néanmoins une importante victoire morale pour le gouvernement légitime en exposant davantage la« trahison ou la connivence » de l'opposition avec les États-Unis. En tout cas, indépendamment de ce que Trump voulait signifier réellement par ses « options militaires » et malgré tout ce que les membres de l'opposition patriotique décident de faire, toutes les indications suggèrent que le Venezuela est à un tournant fatal et que les prochaines semaines décideront de son avenir.
Andrew Korybko
Article original en anglais : Trump isn't going to Invade Venezuela, but what he's planning might be just as bad, The Duran, le 12 août 2017
Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
La source originale de cet article est The Duran