29/09/2017 histoireetsociete.wordpress.com  8 min #133511

Karl Marx, Un révolutionnaire, un moment de pur bonheur et les interprétations...

Quelques réflexions (un peu provocatrices) sur l'influence trotskiste dans le Pcf

Après s'être donnés à Mélenchon qui les a traités comme des moins que rien, je crois que les dirigeants du PCF n'ont toujours pas compris ou peut-être ne veulent-ils pas comprendre. A savoir que ce n'est pas en se diluant qu'on se fera accepter mais en sachant exactement qui on est et ce qu'on veut. la maitrise de notre propre histoire fait partie de cela.

Je découvre avec un certain bonheur à quel point la fraternité des communistes n'est pas un vain mot. Je suis dans un cellule où le débat a lieu et il est de qualité. Toutes les semaines avant la réunion de cellule nous distribuons des tracts en général contre la loi travail dans certains points fixes qui malheureusement ont une aire trop étendue.

On se donne rendez-vous pour des activités, hier c'était le repas champêtre des retraités CGT à Fabregoules, dans un parc où depuis longtemps ont lieu les rassemblements. Nous avons tous revu le film La Sociale, en présence de l'historien Michel Etievent. En arrivant il y avait le délégué de la France insoumise, Sammy Josuha. Disons tout de suite qu'il n'a rien d'un perdreau de l'année, nous avons fait ensemble mai 68, moi j'étais PCF et lui trotskiste. Je n'ai aucune antipathie pour lui mais je me dis que c'est bien caractéristique qu'il soit là le représentant de la france insoumise, je le soupçonne tout à coup de venir surveiller les biens, sièges, lieux de rassemblement du PCF pour s'emparer de la cage sans les oiseaux, en espérant qu'ils se cacheront pour mourir.

Je continue à penser à ce film de Peck sur le jeune Marx, incontestablement il connaît marx et il a tenté de faire un film matérialiste. De ce point de vue rien à voir avec Guedeguian, c'est le palier au-dessus. Mais comment un cinéaste qui aime son métier, un marxiste, un révolutionnaire peut-il prétendre nier la révolution bolchevique, effacer du tableau toute trace de celle-ci à la mode dite stalinienne, voir la diffamer en violation de la pensée de marx lui-même. Ainsi à la fin du film dans le générique final on voit tous les mouvements révolutionnaires sauf la Révolution d'Octobre qui les a pourtant permis. Et dans le film Marx déclare au passage que les Russes sont inaptes à la Révolution matérialiste. Pourquoi cette haine pour cette révolution, serait-ce parce qu'il est trotskiste? pas de l'obédience de Mélenchon qui lui est depuis pas mal de temps en collusion avec la tendance droitière du mouvement ouvrier comme Jospin ou Cambadelis, non de la tendance gauchiste, tiermondiste, ce qui est plus sympa. Mais la haine, c'est le mot exact pour les bolcheviques revient à gommer jusqu'à l'oeuvre de Trotski lui-même.

On regarde le film la sociale et là je suis à nouveau frappée par le même travers. La seule référence à l'Union soviétique c'est la signature du pacte germano soviétique avec Staline aux côtés de Ribbentrop, pas un mot sur Munich. Non ce rapide cliché est censé expliquer la mise en prison des militants communistes. J'imagine Ambroise Croizat, le héros du film, découvrant que le rôle de l'Union soviétique est ainsi caricaturé. la manière où à cause de cela son action de communiste s'en trouvait incomprise. Pas un mot, je dis bien pas un mot sur les rapports de forces à la Libération, sur le rôle de l'Union soviétique, la peur de la contagion de la bourgeoisie qui la force à céder au programme de la résistance. Comme il n'y aura pas un mot sur l'évolution qui à la chute de l'Union soviétique va effectivement attaquer les conquêtes sociales. On voit bien Thatcher et Reagan, mais rien pas un mot sur l'attaque contre l'URSS, sur l'affaiblissement du camp socialiste. Ici, comme dans le jeune Marx, le rôle de l'Union soviétique y compris son système de santé, son rôle dans la prévention a été gommé.

Et tous mes braves communistes et cégétistes retraités enthousiastes légitimement à voir enfin une partie de leur histoire enfin reconnue, la manière dont elle explique les combats nécessaires aujourd'hui, ne voient pas l'escamotage dont ils sont victimes. Ils ont oublié la grande leçon de Lénine. C'est parce qu'il s'est basé sur les formidables développement du capitalisme mondial (impérialisme stade suprême du capitalisme) et plus particulièrement de la Russie y compris aujourd'hui dans sa partie asiatique, il a pu envisager cette formidable accélération de l'histoire et la prise du pouvoir non par l'étape bourgeoise mais par le prolétariat, et cette leçon est restée celle des communistes. Ce n'était pas un hasard si tous les textes en discussion respectaient le schéma suivant: les rapports de force dans le monde, en France, nos tâches et le parti qu'il nous faut pour les accomplir. Le réformisme a toujours isolé la combativité ouvrière. Aujourd'hui comment mener une lutte conséquente contre le capitalisme financiarisé, contre son bellicisme si on n'a pas un minimum de conscience du champ global. Alors que de grandes questions comme la paix, les délocalisations, l'impunité fiscale en découlent.

La sécurité sociale en France, c'est le pouvoir du prolétariat qui s'impose, certes parce que le PCF est à 29%, la CGT a une force énorme, la bourgeoisie est affaiblie par sa collaboration avec les nazis, mais aussi parce que l'immense Union Soviétique auréolée, y compris Staline, d'un immense prestige a pu créer un Etat socialiste dont les victoires sont reconnues par tous. C'est vraiment extraordinaire que ce film nie cette dimension ou l'occulte à ce point alors qu'il est très juste sur l'origine de classe de cette conquête. Il utilise le syndicalisme révolutionnaire pour opérer ce tour de passe-passe et il fait du PCF la courroie de transmission de cette combattivité syndicale. Franchement quelqu'un comme Ambroise Croizat aurait vu la faille.

Je fais part à toutes mes copines de ma découverte, et nous menons une discussion passionnée. Je pense que quand le capital a gagné contre l'Union soviétique, il s'est employé à détruire tout pouvoir soviétique grâce à un Gorbatchev et un Eltsine, mais le premier a également aidé à la démolition des autres partis, dans les ex-pays socialistes mais aussi dans deux grands pays où les partis étaient forts comme la France et l'Italie. J'ai assisté et je l'ai raconté dans un bouquet d'ortie en direct à la manière dont le PCI a été démantelé. En France, l'opération n'a pas pu être totalement menée à bien, mais il est clair qu'avec l'arrivée de Robert Hue, il y a eu un formidable « renouvellement des cadres ». La plupart des dirigeants de l'époque de Marchais ont été éliminés, ramenés à la base, les « lieutenants » de Georges Marchais, passés souvent directement de l'université à des postes de permanents, sans expérience dans les entreprises, ont pris le pouvoir. Il y a eu d'autres phénomènes étranges, ainsi dans ma propre fédération, une militante trotskiste et de la CFDT, dès son adhésion, s'est retrouvée au Comité National, et de là à la direction du PGE (le parti de la Gauche européenne), pour avoir un tel cursus il faut avoir été happée par le sommet.

L'utilisation de la social-démocratie sous ses différentes formes y compris trotskiste a joué à plein, ce fut la grande oeuvre de Mitterrand. Si en Amérique latine, les « réformes » néolibérales ont été imposées par un Pinochet et d'autres tortionnaires, en France ce fut avec Mitterrand flanqué de ministres communistes qu'il avait soigneusement choisi et après avoir convaincu les Américains que c'était le meilleur moyen d'en finir avec les communistes. C'est dans ce contexte qui reste encore à étudier que s'est produite la « transition » de la « mutation ». On voit aisément le rôle de la social-démocratie mais on voit plus difficilement combien les courants qui la constituent ont une histoire.

En ce qui me concerne je n'ai jamais été anti-trotskiste, ma position est assez proche de celle des Cubains, qui non seulement n'ont jamais traqué les trotskistes mais ont lu si besoin était ses écrits. Mais dans le même temps, ils sont beaucoup trop marxisto-léninistes-martiens pour ne pas voir les errances de certains de ses disciples. Trotski à l'inverse de certains de ses disciples n'a jamais nié le caractère socialiste de l'état soviétique, et surtout le choix léniniste auquel il participait bien qu'il soit un menchevique à l'origine, pour lui cette révolution éliminait les résidus féodaux, à condition d'être une révolution permanente et ne pas prétendre comme Staline l'instaurer dans un seul pays. En attendant pour conserver ses points d'appui dans sa lutte avec Staline, il a successivement appuyé les gauchistes et les droitiers.

Les Cubains ont tenté un pont entre les non alignés et la Révolution bolchevique qui avait su créer la rupture avec le capitalisme et instaurer un pouvoir prolétarien sur lequel avaient pu s'appuyer les conquêtes ouvrières aussi bien que les luttes d'indépendance nationale. Le grand traumatisme pour eux c'est la querelle sino-soviétique qui casse l'articulation entre anti-impérialisme et pouvoir socialiste. Toutes questions dont il faudra bien débattre pour éviter en chaque circonstance de se faire manipuler par la propagande du capital.

J'ai toujours été pour un débat sur ces questions et le livre qui va paraître « 1917-2017, Staline tyran sanguinaire ou héros national? » loin d'être un hymne au stalinisme pose des pistes pour un débat.

En ce qui concerne des films comme la sociale et le jeune Marx, il faut se réjouir qu'ils existent et les défendre me parait évident, mais dans le même temps je suis pour qu'on refuse le négationnisme historique qui consiste à prétendre effacer le rôle immense joué par l'Union soviétique. Et si nos amis trotskistes veulent s'amuser à ce petit jeu qu'ils trouvent devant eux des communistes conscients de leur propre histoire.

Oui mais voilà en ce moment j'ai l'impression que le PCF, les communistes, leur passé, sont la proie non d'une réflexion mais d'une manipulation du capital par le biais de la haine que les trotskistes et les sociaux démocrates ont toujours voué à l'union soviétique et là nous allons dans le mur.

Danielle Bleitrach

PS comment un cinéaste peut-il nier le rôle de ce que peut le cinéma dans la politique volontaire de collectivisation représentée par cette séquence de la ligne générale d'Eisenstein où un ingénieur agricole vient expliquer aux paysans l'intérêt qu'ils ont dans l'industrialisation. Je signale que le film est de 1928, une période charnière puisque la NEP échoue en 1927 et que la ligne de Staline va triompher.

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