Par Tyler Durden
Paru sur Zerohedge sous le titre Spare Us The Thought Police! Germans Rage As New Hate Speech Law Backfires
Comme nous le relations récemment, dans ce qui était officiellement une noble tentative d'élimination de discours de haine sur les réseaux sociaux, le 1er janvier 2018, l'Allemagne a instauré une loi qui force les sites web à censurer les contenus censément illégaux au regard de la nouvelle loi et à les supprimer sous 24 heures. Comme nous l'avions observé la semaine dernière, quelques heures seulement après le passage de la loi, elle s'est retournée contre ceux qui la soutenaient en faisant sa première victime, le compte Twitter d'un magazine satirique allemand qui citait des propos anti-musulmans.
Incidemment, ce résultat censément « imprévu », mais parfaitement prévisible est exactement ce que nous, et de nombreux autres, avions prédit. Et aujourd'hui, les Allemands comprennent enfin que chaque fois que le gouvernement se mêle de définir ce qu'il est possible de dire ou non - la liberté la plus fondamentale est la liberté d'expression - le résultat est toujours mauvais. [Nous ne serions pas aussi catégoriques que Zerohedge, un site US libertarien qui, en tant que tel, voue un culte à la liberté d'expression garantie par le 1er amendement de la Constitution des États-Unis. Pour nous, la liberté d'expression a ses limites, en premier lieu celles que posent les interdits fondamentaux qui assurent la survie de la société, Ndt].
Selon le journal allemand à grande diffusion Bild, la nouvelle loi censée contenir les discours de haine sur le web « étouffe la liberté d'expression et fait des martyrs des politiciens anti-immigration qui voient leurs posts supprimés ».
La loi qui a pris effet le 1er janvier peut imposer des amendes allant jusqu'à 50 millions d'euros aux sites qui manqueraient à retirer les discours de haine dans les délais et menace les profits de géants des réseaux sociaux comme Twitter et Facebook. Citons une dépêche de Reuters,
« Epargnez-nous la police de la pensée, s'il vous plaît », clamait un titre du Bild de mercredi dernier au-dessus d'un article qui appelait la loi « un péché » contre la liberté d'opinion garantie par la Constitution allemande.Bien que la loi exige des réseaux sociaux qu'ils suppriment ou bloquent des contenus clairement criminels dans un délai de 24 heures, le rédacteur en chef du Bild Julian Reichelt dit qu'elle pourrait s'appliquer à tous et à n'importe quoi, puisqu'il n'y a pas eu de définition de ce qui est « clairement criminel ».
Prévue pour empêcher des groupes radicaux de gagner de l'influence, « elle a précisément eu l'effet contraire », a-t-il averti.
« La loi contre les discours de haine sur Internet a eu des ratés dès son premier jour. Elle devrait être immédiatement retirée, » a écrit Reichelt, ajoutant que la loi transforme les politiciens de l'AfD en « martyrs de l'opinion ».Deux exemples d'application de la loi : les tweets supprimés de la députée de l'AfD Beatrix von Storch qui critiquaient la police pour avoir twitté en arabe, disant qu'elle avait cherché à « apaiser les hordes de barbares violeurs musulmans ». La police a depuis demandé à la justice de diligenter une enquête contre elle pour incitation possible à la haine.
Il y a aussi eu un tweet supprimé d'un autre membre du Parlement de l'AfD, Jens Maier, qui appelait Noah Becker - le fils de l'ancien champion de tennis Boris Becker - un « demi-nègre ». [Bref, la nouvelle stratégie de la droite se fait jour : envoyer des tweets racistes, attendre qu'ils soient supprimés dans les délais puis hurler à la censure et se poser en victimes du totalitarisme gouvernemental, Ndt].
En réponse aux critiques, le ministre de la justice Heiko Maas a défendu la loi, disant au Bild que la liberté d'opinion ne donne pas carte blanche à l'expansion de contenus criminels sur Internet.
« Les appels au meurtre, les menaces, les insultes et les incitations à la haine ou les mensonges sur Auschwitz ne relèvent pas de la liberté d'opinion, mais d'attaques contre la liberté d'opinion des autres, » a-t-il déclaré.
Ce n'est pas la seule limitation de la liberté d'expression en Allemagne : le pays a des lois des plus strictes contre la diffamation, l'incitation au crime et les menaces de violences, avec des peines de prison pour la négation de la Shoah ou l'incitation à la haine contre des minorités. [On peut effectivement, dès lors, se demander pourquoi une nouvelle loi quand l'arsenal législatif allemand répondait déjà à tous les besoins en matière de lutte contre les contenus criminogènes, NdT]. Une fois que les procès en cascade vont démarrer et que les réseaux sociaux auront sanctionné quelques milliers de personnes, cela ne fera qu'enhardir les critiques, qui pourront s'en prendre à « tout et n'importe qui », puisque, comme l'a correctement noté le rédacteur en chef du Bild, « il n'y a pas de définition de ce qui est manifestement illégal ». Incidemment, cette définition inexplicablement absente, qui ne peut qu'immédiatement mettre tout éditeur de contenu sur la défensive, est précisément ce que le gouvernement souhaitait.
[Ajout d'Entelekhia : la nouvelle loi n'est pas seulement critiquée à l'extrême droite par des racistes désolés de ne plus pouvoir s'en prendre à des minorités. La gauche allemande, dont Sahra Wagenknecht, la meneuse parlementaire de la gauche radicale, appelle également à son retrait. Et de façon très justifiée : en Allemagne, étant donné le flou de la loi, plus personne ne sait ce qui peut être dit en public ou pas. Voir la dépêche Reuters 'German opposition calls for abolition of online hate speech law' du 7 janvier].
Traduction Entelekheia
Article reproductible en citant les sources, Zerohedge et Entelekheia.fr pour la version française.