26/01/2018 euractiv.fr  6min #137365

À Davos, le Fmi met en garde contre l'arrivée d'une crise encore plus forte

Langues :  English |  Deutsch

 Commentaires  Imprimer

L'économie mondiale se développe plus vite que prévu, au grand bonheur des grands patrons qui arrivent cette semaine au Forum économique mondial à Davos. Un espoir rapidement douché par le FMI, qui assure que la prochaine crise frappera plus fort et plus tôt que prévu.

L'économie mondiale continue de dépasser les prévisions. Le Fonds a revu à la hausse de 0,2 % la croissance attendue pour cette année et l'année prochaine. En Europe, le FMI a également renforcé ses perspectives de 0,3 % pour 2018 (2,2 %) et 2019 (2 %).

Quelques heures avant l'ouverture officielle du forum à Davos, en Suisse, Christine Lagarde a toutefois mis en garde contre « le risque de complaisance ».

L'économie croît non pas parce que les pays ont développé leur potentiel de croissance grâce à des investissements dans le capital humain ou la technologie. Au contraire, les réformes entreprises sont évasives et la croissance n'a bénéficié qu'à une certaine élite.

« Nous ne sommes pas satisfaits », a-t-elle insisté, car « trop de personnes sont laissées pour compte de l'accélération de la croissance. »

 Décalage frappant entre le moral des entreprises et la défiance des citoyens à Davos

Les responsables des plus grandes entreprises sont divisés sur les bénéfices de la mondialisation, mais sont tous « extrêmement positifs » vis-à-vis des prévisions de croissance, révèle une enquête PwC.

Dans le contexte d'une croissance fragile et de défis de taille, comme un niveau de dette élevé, l'économiste en chef du FMI, Maurice Obstfeld, a soutenu que « la prochaine récession arrivera plus tôt que prévu et serait plus difficile à résoudre ».

Il a expliqué aux responsables politiques que la dynamique économique était due à des facteurs « peu durables », comme la stimulation monétaire et une politique budgétaire favorable. Par conséquent, il appelle les pays à adopter des mesures visant à améliorer la résilience de leur société face à une révolution numérique en constante évolution et à améliorer leur intégration.

Maurice Obstfeld a reconnu qu'un grand nombre de pays européens avait mis en place des réformes structurelles importantes depuis la crise de 2008, y compris l'Italie et l'Espagne, alors que le président français, Emmanuel Macron a prévu des « mesures assez ambitieuses ».

Capacité budgétaire

Pour ce qui est de la réforme de la zone euro, la finalisation de l'Union bancaire avec un système européen de garantie des dépôts représenterait un pas en avant, comme le fait de doter l'union économique et monétaire d'une capacité budgétaire.

Les inégalités croissantes et l'instabilité et l'incertitude persistantes sur la planète seront les grandes préoccupations du Forum économique mondial de cette année.

L'incapacité des partis traditionnels à mieux distribuer les gains économiques a mené à la montée des partis populistes dans le monde entier. Donald Trump a également remporté les élections aux États-Unis en s'adressant aux « laissés pour compte » de la mondialisation.

« L'essor de modèles de gouvernance encore plus nationalistes ou autoritaires pourrait toutefois déboucher sur le blocage des réformes économiques nationales et sur le retrait de l'intégration économique transfrontalière », a mis en garde le FMI quelques jours avant l'arrivée de Donald Trump à Davos.

À ce jour, même les PDG d'entreprise ne parviennent pas à dire comment la situation économique florissante profite à leur société.

Pas de bénéfices pour tous

Selon une enquête mondiale publiée lundi par le cabinet de conseil PwC à Davos, 46 % des patrons d'environ 1 300 entreprises pensent que la croissance économique mondiale ne bénéficie qu'à certaines personnes, alors que 48 % la décrivent comme « généralisée ».

Pour le président de PwC monde, Bob Moritz, quel que soit le côté où ils se trouvent, les directeurs d'entreprise commencent à se rendre compte du problème et « sont prêts à prendre des mesures ».

Pourtant, malgré les inégalités criantes et les troubles sociaux, le sentiment d'urgence sur la nécessité d'agir s'efface à mesure que les économies avancées continuent d'améliorer les perspectives de croissance de leur produit intérieur brut (PIB).

Au total, 57 % des chefs d'entreprises interviewés se sont dits confiants vis-à-vis de l'économie mondiale pour cette année, 28 points de plus qu'en 2017.

L'échec du PIB

Le Forum économique mondial a donc préconisé lundi de commencer à voir l'économie d'un autre œil, et d'intégrer des indicateurs pour mesurer non seulement ce que l'économie génère, mais aussi la redistribution des richesses et des revenus, la durée de vie, la productivité, le niveau de la dette et de chômage.

« Pendant des dizaines d'années, nous avons mis l'accent sur la croissance économique au détriment de l'équité sociale, ce qui a mené à des niveaux sans précédent d'inégalité des salaires et des richesses. Les gouvernements sont passés à côté d'un cercle vertueux dans lequel le partage des richesses renforce la croissance, qui elle-même est créée sans causer trop de dommages à l'environnement et sans faire porter le fardeau aux générations futures », estiment les experts du Forum.

 Face à la hausse des inégalités, Davos s'inquiète pour le futur de l'humanité

La reprise économique pourrait cacher le début d'une nouvelle grande crise, notamment fondée sur les inégalités, prévient le Forum économique mondial lors de son rapport annuel sur les risques dans le monde.

Dans un rapport publié lundi, le Forum économique mondial reproche aux économistes et aux responsables politiques de « dépendre de manière excessive » du PIB.

Pourtant, les chefs d'entreprise interrogés par PwC concèdent que les indicateurs financiers ne sont pas suffisants pour dresser un véritable portrait de la situation économique.

Les indicateurs financiers « ne peuvent pas être la seule mesure de succès dans une économie mondialisée. D'autres mesures plus larges, reflétant des objectifs sociétaux, doivent également être prises en compte », a indiqué Bob Moritz.

Maurice Obstfeld reconnaît que les économistes ont des difficultés à mesurer la distribution de la richesse, mais selon lui, le PIB doit garder son rôle d'« ancre » et être complété par d'autres indicateurs reflétant les aspects sociétaux ou le coût environnemental de la production. « Il est impossible de produire un seul chiffre pour résumer le bonheur des gens », a-t-il conclu.

 euractiv.fr