07/06/2018 tlaxcala-int.org  20 min #142194

2018: La contre-révolution libérale règne à Quito

 Achille Lollo

Deux arguments qui ont contribué, au niveau mondial, à montrer sous un jour positif la « Révolution Citoyenne » en Équateur, ont été les décisions du président Rafael Correa et de son gouvernement d'octroyer l'asile politique au fondateur de Wikileaks, Julian Assange, le 16 août 2012.

Par la suite, le 5 février 2017, l'ancien ministre des Affaires étrangères, Ricardo Patiño, a annoncé que l'Équateur aurait commencé à jouer le rôle de « garant des conversations » (garant des négociations) entre les insurgés de l'ELN et le gouvernement colombien.

Cependant, le 19 avril 2018, bien qu'il soit prévu que les négociations entre l'ELN et les émissaires du président colombien Juan Manuel Santos doivent s'achever le 18 mai, le nouveau président de l'Équateur Lenin Moreno Garcés, a annulé tous les engagements pris par le gouvernement Correa et a ordonné le retrait immédiat de l'Équateur des négociations avec l'ELN (1). De plus, le président Moreno a remis cette organisation sur la liste des groupes terroristes, obligeant l'armée à mener de nombreuses opérations de ratissage le long de la frontière colombienne.

Une décision apparemment irréfléchie

En fait, cette prise de position fait partie des manœuvres diplomatiques conçues par le Département d'Etat US pour faciliter l'élection d'Iván Duque, le candidat du parti d'Alvaro Uribe que la Maison Blanche aimerait faire élire en Colombie. En fait, Iván Duque serait le président idéal pour les USA, parce que c'est un authentique fascistoïde, prêt à devenir le fer de lance de la politique US en Amérique latine. C'est-à-dire qu'il est idéologiquement prêt à lancer l'armée colombienne dans une aventure militaire contre le Venezuela bolivarien.

Dans le même temps, le 19 mars 2017 - immédiatement après son élection - le nouveau président équatorien, a signé un décret de suspension des activités du Secrétariat du Renseignement (SENAIN). Cet organe avait été créé en 2009 par le Président Correa lorsque le Parlement a adopté la nouvelle loi sur la sécurité publique, et avait pour mission de centraliser les activités des services secrets, qui étaient auparavant constitués d'un département pour chacune des branches des forces armées et de la police. Une situation qui entraînait de fréquents conflits, et impliquait une soumission totale aux antennes de la CIA et aux représentants du Pentagone.

Si bien qu'en 2009, le gouvernement Correa a expulsé l'ambassadrice US Heather Hodges, le premier secrétaire de l'ambassade Mark Sullivan et 20 fonctionnaires du Pentagone. En effet, il a été démontré que l'ambassadeur Hodges avait encouragé le coup d'État tenté en 2010 par la police de Quito contre le président Correa, qui en a réchappé grâce à l'intervention des troupes spéciales loyales au gouvernement.

Lenin Moreno

Le démantèlement du SENAIN est une démonstration supplémentaire de ce que le président Lenin Moreno Garcés veut un rapprochement politique et géostratégique avec la Maison Blanche, qui a immédiatement chargé l'ambassadeur Todd Chapman de prendre contact avec l'exécutif équatorien afin de définir un nouvel accord commercial, de relancer la coopération militaire avec les Forces Armées et la police, de collaborer à la reconstruction des services de renseignement purgés des sympathisants de Correa et ainsi, de liquider l'affaire Assange. (3)

En effet, en ce qui concerne « la question Assange », le nouveau Président Moreno a mis en place une série de restrictions pour empêcher Julian d'utiliser les locaux de l'ambassade de l'Equateur à Londres et d'effectuer «....des opérations d'information qui nuisent à l'image politique et aux relations diplomatiques de l'Équateur ». En particulier, Assange s'est vu interdire de rencontrer d'autres personnes que ses parents proches, sa connexion Internet a été coupée, et on lui a imposé le silence sur l'évolution de la situation politique en Catalogne (4).

À ce sujet, l'ancien président Rafael Correa a déclaré dans un entretien accordé à Rome le 17 mai : «....Toutes les restrictions que l'ambassade de l'Équateur à Londres applique contre Julian Assange, ne sont que les premières représailles mises en place par le président Moreno, après que le ministère des Affaires étrangères a été contraint, en décembre 2017, conformément aux normes internationales, d'accorder la citoyenneté équatorienne à Assange. Tout le monde sait que le nouveau président a cédé aux pressions de la Maison-Blanche. En fait, Moreno voudrait extrader Assange, même s'il ne sait pas comment justifier cette décision, car Julian est devenu une personnalité internationale, persécutée par les USA où, comme tout le monde le sait, il serait condamné à la prison à vie parce que différents hackers ont téléchargé sur Wikileaks des milliers d'e-mails secrets en provenance du Pentagone et de la CIA. Assange, en tant que rédacteur en chef de WikiLeaks, serait ainsi accusé des délits d'espionnage et de conspiration ! »

La purge des « correistes » et l'arrestation de Jorge Glas

Tout de suite après le retour en Belgique de l'ancien président Rafael Correa, le nouveau locataire du Palais de Carondelet, avec l'appui de l'opposition, en particulier du parti CREO du banquier Guillermo Lasso et des trois partis des pasteurs évangéliques (PRE, SUMA et Fuerza Ecuador), à partir du 29 avril 2017, a réalisé une véritable purge du gouvernement et des ministères, éloignant de ceux-ci, tous ceux qui étaient considérés comme des partisans affichés du président Correa.

Pas même le parti « Alianza Pais », fondé par Rafael Correa, n'a été épargné par la purge voulue par Lenin Moreno Garcés, qui, paradoxalement, est le président de ce parti. C'est ainsi que la « purification » a divisé le parti en quatre éléments. Le groupe Moreno est composé de 22 membres élus avec lui. Ils ont été rejoints par 25 autres parlementaires qui par pur opportunisme, ont signé le manifeste de soutien à Moreno et approuvé l'expulsion des correistes. Leurs adversaires, 27 députés correistes historiques, ont été contraints de quitter le "Movimiento Alianza Pais" pour former un autre parti.

Ainsi, le Président Moreno, avec l'appui des cinq principaux partis d'opposition (CREO, PRE, SUMA, FE et PSC) a construit au Parlement une majorité qui a approuvé dans les mois suivants tous les changements constitutionnels, l'abrogation des lois les plus importantes promues par les gouvernements précédents, soutenant aveuglément la campagne médiatique de Moreno lui-même contre son vice-président Jorge Glas. Une campagne de dénigrement qui a forcé le pouvoir judiciaire à arrêter Jorge Glas, d'abord pour corruption et ensuite pour « association illégale ».

Une procédure judiciaire truquée qui, le 25 août 2017, a abouti à la démission volontaire, en guise de protestation, de Ricardo Patiño, Paola Pablón et Virgilio Hernández, puis de tous les dirigeants de gauche de « Alianza Pais » qui occupaient des postes au sein du gouvernement et des secrétariats d'État.

Après l'arrestation puis la condamnation de Jorge Glas à six ans, la purge décidée par Moreno s'est abattue sur les échelons inférieurs du parti "Alianza Pais", paralysant surtout les projets amazoniens dans le domaine de l'énergie et les infrastructures liées à la santé publique et à l'éducation.

Ce faisant, Lenín Moreno Garcés, applaudi par l'opposition et par les maîtres de la Maison Blanche, a pu décréter la fin de la "Revolución Ciudadana" et du "Buen Vivir", grâce aussi à l'aide de la caste bureaucratique de la confédération indigène CONAIE et de celle des églises évangéliques FEINE, sur laquelle pèse l'énorme responsabilité politique de la défaite de Rafael Correa lors du référendum du 5 février 2018.

Rencontre des dirigeants de Pachakutik avec Guillermo Lasso et la direction du CREO, avril 2015

Le virage à droite des indigénistes de la CONAI [Commission Nationale des Affaires Indigènes] et de Pachakutik, en accord avec les évangéliques

Très peu de gens se souviennent que le 11 décembre 1999, la seconde « Rencontre Américaine pour l'Humanité et contre le Néolibéralisme » s'est tenue à Belém, au Brésil, et qu'une délégation du Parti indigéniste équatorien Pachakutik y était présente. Dans un premier temps, la délégation équatorienne a suscité une grande émotion, car ses membres sont arrivés dans les vêtements traditionnels des treize ethnies indigènes. Cependant, lorsque les représentants du Pachakutik ont exposé leur programme politique, la désillusion fut générale, surtout de la part des zapatistes mexicains qui ont réagi en les traitant de «.... petits-bourgeois de la forêt ! » (5)

On a tout de suite compris que la confédération des peuples autochtones, CONAIE, était fortement influencée par les pasteurs évangéliques (tous d'origine US et canadienne) du CLAI (Consejo Latinoamericano de Iglesias), tandis que le parti Pachakutik était une courroie de transmission des idées d'inspiration écologiste formulées par ses conseillers US, payés par le « Fond Indigène » de la Banque mondiale. Il faut souligner que la « radicalisation » des thèmes environnementaux a fourni un excellent antidote politique contre le rapprochement entre le parti Pachakutik et la Confédération CONAIE et la gauche équatorienne et donc les théories du socialisme de classe.

Une réalité qui se manifeste par le fait que, après la rébellion paysanne contre la dollarisation du président Mahuad, décrétée en janvier 2000, les « ponchos rouges » ont été immédiatement remplacés par les "ponchos dorés", qui, au nom du discours sur "le droit plurinational et la défense territoriale de l'environnement", ont évité une alliance de classe avec l'opéraïsme de gauche, pour rechercher, au contraire, une cohabitation étroite avec la classe dominante.

Une opération politique qui, en peu de temps, s'est traduite dans le mouvement indigéniste par l'affirmation d'une petite bourgeoisie d'ethnie quichua (ou kichwa) et la création d'une solide bureaucratie qui a commencé à contrôler la CONAIE, l'Ecuarunari [Ecuador Runakunapak Rikcharimuy, Movimiento de los Indígenas del Ecuador] et leur parti politique Pachakutik. (6)

Ces entités politiques se sont toujours opposées au programme d' "Alianza Pais", et en particulier à Rafael Correa, au point que le dirigeant de la fédération indigène Ecuarunari, Carlos Perez Guartambel, pour justifier le soutien du mouvement indigéniste aux candidats de droite en 2006, a déclaré à l'agence « ANDES » : « Il vaut mieux soutenir et voter pour un banquier que pour une dictature !».

En réalité, il ne s'agit pas là d'une exception, mais d'un projet élaboré par les sectes évangéliques et pentecôtistes des USA et du Canada, en particulier l' Assemblée de Dieu. Elles ont multiplié les "missions d'évangélisation" précisément dans les pays d'Amérique latine où la gauche marxiste était profondément populaire. Par exemple, en Bolivie, le MRTK-L (Mouvement Révolutionnaire Tupaj Katari de Libération), était contrôlé par les pasteurs évangéliques qui se sont servis de ce mouvement indigène pour transformer le MRTK-L en un parti allié de façon permanente avec le parti de la bourgeoisie, le MNR (Mouvement Nationaliste Révolutionnaire), puis avec les gouvernements militaires.

N'oublions pas que : a) le vote des députés évangéliques brésiliens a été décisif dans le vote de la destitution de la présidente Dilma Rousseff. (b) en Colombie, les pasteurs évangéliques ont soutenu le parti d'Alvaro Uribe et, conjointement avec les membres du Centro Democrático, ont voté contre l'accord de paix avec les FARC. c) au Chili, le nouveau président conservateur comptait sept pasteurs évangéliques comme conseillers politiques dans sa campagne électorale. d) au Venezuela, tous les dimanches, les pasteurs de l' Assemblée de Dieu obligent leurs fidèles à faire des « oraisons contre le diable Maduro » ! (7)

En Équateur, le conflit entre le mouvement indigène et les églises évangéliques d'une part, et le gouvernement Correa d'autre part, s'est exacerbé le 22 mars 2012, lorsque le lider du CONAI, Jorge Herrera et celui d'ECUARUNARU, Carlos Pérez Guartambel, avec les pasteurs de la FEINE (Fédération Evangélique Indigène), ont envahi les rues de la capitale Quito en scandant le slogan « Les entreprises minières chinoises hors de l'Équateur ».

Cette manifestation, invoquant les questions environnementales, reprenait les mêmes slogans que la droite nationaliste pour attaquer et discréditer le programme de développement minier que le gouvernement de Rafael Correa avait défini avec un groupe d'entreprises chinoises pour extraire du cuivre, du précieux molybdène, ainsi que l'or, l'argent, le zinc et le plomb.

Pour s'assurer le soutien sans faille du mouvement indigéniste, le nouveau président, Lenín Moreno, alors qu'il entamait la purge des correistas le 4 juillet 2017, a proposé à la bureaucratie de la CONAIE de négocier son appui à son gouvernement. À cette fin il a fait don de deux bâtiments publics aux bureaucrates de la CONAIE, l'un dans la capitale Quito et l'autre à Conocoto, avec la formule d'un « prêt à usage pour 100 ans ». Lénine Moreno a ensuite signé l'amnistie présidentielle pour quatre dirigeants autochtones reconnus coupables de crimes de droit commun. Par ailleurs, en échange de leur soutien électoral, Moreno a promis aux pasteurs de la FEINE de modifier le système actuel d'instruction publique pour donner plus de place (et bien sûr un financement) aux écoles privées dirigées par des pasteurs évangéliques ou liées aux différentes églises pentecôtistes.

Le point de vue de l'ancien président Rafael Correa

Le jeudi 17 mai, dans la salle de conférences de l'Hôtel Abitart à Rome, l'ancien président Rafael Correa a tenu une très longue conférence de presse où il a réaffirmé pendant près de deux heures l'innocence du vice-président Jorge Glas. Nous l'avons résumée ici :

Qui était Jorge Glas :

Ingénieur électricien, il a fondé, le 19 février 2006, avec Rafael Correa, Ricardo Patiño et Gabriela Rivadeneira, le « Movimiento Alianza País », « País » étant l'acronyme de de Patrie Active et Souveraineté. Le mouvement a élaboré une plate-forme politique pour soutenir le projet de révolution civile "Revolución Ciudadana", qui s'inspire du Socialisme du XXIème siècle (d'inspiration chaviste). Le 14 août 2009, Jorge Glas a été nommé ministre des Télécommunications. Puis, le 5 avril 2010, il a été appelé à assumer le rôle de ministre Coordonnateur des secteurs de l'énergie. Durant cette période, il a travaillé avec les techniciens du ministère sur la mise en service de 10 barrages hydroélectriques et sur des études géologiques en vue de l'extraction du cuivre, du molybdène, de l'or, de l'argent, du plomb et de l'étain. C'est également sous sa direction qu'ont été exécutés les travaux de caractère environnemental de réhabilitation des zones où les mines devaient être implantées. Le 24 mai, il a été nommé vice-président de Rafael Correa, Lenin Moreno ayant été invité par le Secrétaire de l'ONU à assumer la fonction d'envoyé spécial de l'ONU sur le handicap et l'accessibilité à Genève. Avec l'élection de Lenín Moreno à la présidence, Jorge Glas a été nommé vice-président, puis suspendu de ses fonctions le 3 août par le décret n° 100 du président Moreno.

Jorge Glas était un concurrent potentiel de Moreno aux prochaines élections

En fait, Jorge Glas était plus à gauche que Lenín Moreno et, étant donné que l'ancien président Rafael Correa avait décidé de se retirer de la politique pour se consacrer à sa famille et à l'enseignement universitaire à Bruxelles, tout indiquait qu'il y aurait tôt ou tard un conflit politique entre les deux lignes. En fait, Lenín Moreno, une fois élu, ne s'est jamais engagé du côté de la "Revolución Ciudadana" et n'a jamais voulu la continuer. Moreno a toujours opté pour un programme de réconciliation avec les oligarchies, avec le secteur privé, avec les multinationales, avec les banquiers et avec les confédérations indigénistes. Tous ennemis historiques de Rafael Correa et désireux d'un changement qui mettrait fin au "correisme", autrement dit à un gouvernement socialiste.

Les médias, la Maison Blanche et le chef de l'opposition Guillermo Lasso créent les conditions de la trahison de Lenín Moreno

Il n'y a pas de doutes que c'est pendant le séjour doré de Lenín Moreno à Genève, qu'a pris forme l'idée d'une rupture avec le programme et, surtout, avec la morale politique d'un parti idéologiquement lié au Socialisme du XXIème siècle, tel que proposé par Hugo Chávez

De plus, gagnant 15 000 dollars par mois et ayant la possibilité de dilapider 25 000 dollars par mois en « frais de représentation », il est difficile de croire à la morale prolétarienne et socialiste de Lenín Moreno. Son style de vie n'a certainement pas échappé aux antennes du Département d'État, qui dispose de dizaines de collaborateurs parmi les fonctionnaires de l'ONU. La même chose ne doit pas avoir échappé aux riches propriétaires des partis d'opposition, dont Guillermo Lasso, qui immédiatement après la défaite a cherché à établir le dialogue avec Lenín Moreno, qui l'en a immédiatement récompensé.

La trahison n'a donc pas été la conséquence d'un coup de tête de la part du président Moreno. Au lieu de cela, c'est un nouveau parcours politique négocié entre Moreno et le banquier Lasso, avec la Maison Blanche et les puissantes sectes évangéliques et pentecôtistes, qui pourrait assurer à Lenín Moreno un second mandat présidentiel.

Le traître

L'épuration

Immédiatement après son élection, Lenin Moreno, sous le prétexte de moderniser et de rendre moins onéreuses les structures des Secrétariats d'État, a commencé à en changer les responsables, en les remplaçant par des hommes de confiance. Il a ensuite décidé de suspendre les activités des secteurs dont les administrateurs et les fonctionnaires fidèles à Rafael Correa étaient majoritaires. Ainsi, avec l'appui inconditionnel des journaux et des télévisions privés (nationales et étrangères) et des partis d'opposition, il a suspendu les activités du Secrétariat du renseignement (SENAIN). Un organisme qui, par son travail silencieux, avait pu empêcher en Équateur ce que la CIA a ensuite réussi à fomenter au Venezuela : le sabotage de l'économie et la guerre économique à grande échelle.

L'attaque contre le parti "Alianza Pais"

Cependant, la progression de la purge n'a pas échappé aux membres de la direction du parti "Alianza Pais" qui, sous la direction de Ricardo Patiño et Gabriela Rivadeneira, avaient convoqué la direction du parti pour décider de l'expulsion de Lenín Moreno. Mais, prévoyant cette décision, Lenín Moreno avait promu l'ambitieuse Mónica Rodriguez à la présidence du Tribunal Contencioso Electoral (Tribunal du Contentieux Électoral). Celle-ci, avec les juges Miguel Pérez et Vicente Cárdenas, a annulé la décision de la direction d' "Alianza Pais", la déclarant "irrecevable" et nommant président du parti Lenín Moreno, qui a immédiatement menacé d'expulsions et de suspensions - avec l'appui du TCE - tous les parlementaires qui soutiendraient la motion de Ricardo Patiño. Ainsi, le parti s'est divisé entre opportunistes partisans de Moreno et opposants partisans de Correa, ces derniers décidant d'abandonner le parti.

La destitution de Jorge Glas

Les conseillers de Lenin Moreno et l'ambassadeur US Todd Chapman, ont alors attiré l'attention du président sur le fait que le ministère US de la Justice avait créé un manuel d'opérations juridiques pour monter un système infaillible d'inculpation pour corruption, corruption passive, concussion, responsabilité politique dans les délits de corruption et, enfin, association de malfaiteurs. C'est ce manuel qui a guidé les enquêtes des juges d'instruction du Paraguay pour légitimer le coup d'État légal, à savoir la destitution du président Fernando Lugo, puis celle de Dilma Roussef au Brésil. Ce même manuel a également servi à criminaliser toute la direction du PT et à obtenir la condamnation et l'emprisonnement de l'ancien président Inácio Lula da Silva. De cette façon, Lula ne pourra plus être le candidat du PT pour les douze prochaines années !

Ces considérations ont aidé la Présidence à élaborer les étapes du processus d'épuration. Donc, dans un premier temps, les médias se sont résolument engagés aux côtés du président Lenin Moreno dans sa campagne contre la corruption des secteurs bureaucratiques de l'administration publique. Dans un second temps, les médias ont commencé à bâtir un scénario terrible, accusant tous les membres des gouvernements de Rafael Correa de corruption. Ensuite, Jorge Glas, comme ministre coordonnateur des secteurs de l'énergie, a été mis en cause spécifiquement et accusé de corruption. Enfin, après que les médias eurent fabriqué un épouvantail à l'usage de l'opinion publique, la magistrature a immédiatement accusé Jorge Glas de corruption, le mettant en détention provisoire.

Le coup d'État

Ne pouvant prouver devant la Cour les accusations portées par les médias, selon lesquelles Jorge Glas aurait reçu un total de 14 millions de dollars de la société brésilienne Oderbrecht pour l'avoir favorisée dans 5 marchés publics, les magistrats ont requalifié les charges de corruption en « association de malfaiteurs». C'est pourquoi Jorge Glas aurait dû être élargi et comparaître libre. En même temps, il aurait pu reprendre ses fonctions de vice-président. Pour éviter cela, le président Lenín Moreno a ordonné aux juges de prolonger la détention provisoire « pour empêcher Jorge Glas de fuir ». Immédiatement après, le président a signé le décret n° 100, qui stipule que «....Jorge Glas est suspendu de ses fonctions de vice-président pour avoir quitté le pays de manière injustifiée ».

Le coup d'État a ensuite été parachevé par le vote des députés de l'opposition et de 47 parlementaires félons favorables à Moreno, qui ont légitimé le décret présidentiel. Par la suite, le Tribunal a mené un procès expéditif où Jorge Glas s'est vu infliger une peine de 6 ans de prison qui a scandalisé tous ceux qui ont un minimum de connaissances en droit pénal.

Le caractère illégal de la condamnation de Jorge Glas

Au plan international, le jugement contre Jorge Glas a été jugé « illégal » pour les motifs suivants : A) Pour statuer, les juges de la Cour ont utilisé les règles d'un code pénal qui avait été abrogé. B) Les experts et les témoins présentés par l'accusation ont mis en évidence l'absence de preuves contre l'accusé. C'est-à-dire qu'aucun d'eux n'a été en mesure de dire où, comment et quand l'accusé aurait reçu les 14 millions de dollars. En même temps, personne n'a été en mesure de dire comment et quand il aurait « autorisé la réception des 14 millions de dollars susmentionnés ». C) On a cherché à faire endosser à Jorge Glas la responsabilité des mouvements de fonds des supposés corrupteurs, sans pouvoir démontrer qui, en réalité, aurait bénéficié de ces 14 millions de dollars. D) En échange de sa liberté et la totale impunité, un directeur d'Oderbrecht, a accepté d'accuser Jorge Glas. Ainsi, il est immédiatement retourné au Brésil, ce qui a interdit toute confrontation pendant le déroulement du procès. E) Il n'y a pas de preuve écrite ou d'enregistrement téléphonique qui puisse prouver une relation entre l'accusé et le directeur d'Oderbrecht en question. F) Oderbrecht est l'entreprise brésilienne qui s'est rendue célèbre dans le monde non seulement dans le domaine du bâtiment, mais aussi pour sa pratique de la corruption, qui a été dénoncée de façon répétée au Venezuela et en Bolivie, dans divers pays africains et, surtout, au Brésil où, en échange d'une impunité totale, elle a bénéficié à nombreuses reprises de la "prime à la délation », grâce auxquelles les juges brésiliens ont pu condamner la direction du PT (Parti des Travailleurs) et l'ancien président Lula lui-même à une absurde peine de 12 ans de prison.

Glas comme Lula

En avril, l'ancien président Lula était censé lancer sa campagne électorale pour les élections d'octobre, pour lesquelles les sondages le créditaient déjà de 47% des intentions de vote. Après la retraite politique de Rafael Correa et le virage à droite de Lenín Moreno, Jorge Glas aurait été le candidat idéal du nouveau parti que Ricardo Patiño et Gabriela Rivadeneira sont en train de reconstruire.

Comme l'a justement rappelé l'ex-président Rafael Correa, cette condamnation à l'encontre de Jorge Glas «... constitue une persécution politique cruelle qui s'inscrit dans la nouvelle stratégie de l'impérialisme US, qui vise à éliminer les forces progressistes de l'Amérique latine et surtout à détruire les partis qui ont contribué à la création de l'ALBA, et au renforcement de l'UNASUR et de la CELAC.... ».

Notes

1 - EL PAÍS, "Ecuador deja de ser garante del proceso de paz con el ELN", 19/03/2018.

2 - EL TIEMPO, "El candidato uribista derrotaría a todos en una segunda vuelta", 25/o3/2018, Bogotá.

3 - TELESUR, "Estados Unidos no quiere una base en Ecuador, quiere algo más devastador", 03/04/2018, Caracas.

4 - LA Repubblica, "Julian Assange resta senza internet : l'Ecuador taglia la connessione ", 28/03/2018

5 - Conjuntura Internacional, "Dossiê Amazônia", Nr. 118, mars 2000, ADIA, Rio de Janeiro

6 - Susana Andrade, "El despertar político de los indígenas evangélicos en Ecuador", Revista de Ciencias Sociales, Nr 22, Quito, Mayo 2005.

7 - Carmen Martínez Nolo, "Repensando los movimientos indígenas", Editora Macso, Quito, 2009.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  adiatv.org
Publication date of original article: 21/05/2018

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