26/06/2018 investigaction.net  4 min #142946

Méditerranée : l'Italie et Malte refusent de recevoir un navire avec plus de 600 migrants

Le navire Aquarius et la dérive xénophobe européenne

26 Juin 2018

Article de :  Stefano Mauro

L'histoire du navire Aquarius de l'ONG "SOS Méditerranée" avec ses 629 réfugiés africains à bord, a mis en évidence toutes les difficultés de l'UE à aborder la question de l'immigration en Europe et révèle la dérive xénophobe des mêmes Etats membres de l'Union dans leurs politiques de rejet.

Aux déclarations racistes et populistes du ministre de l'Intérieur et vice-président du Conseil italien Matteo Salvini, s'ajoutent une série de déclarations du président de la République française, Emmanuel Macron, ou du nouveau gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez.

Seulement une heure après la décision du gouvernement espagnol d'accueillir et de débarquer des migrants dans la ville de Valence, Macron a déclaré que "si ce navire avait la France comme port le plus proche, il aurait facilement pu débarquer". Aussi hypocrite, fausse et infâme que l'attitude de la Lega, puisque le même gouvernement français a refusé, dans les heures précédentes, la disponibilité et la proposition de Jean Guy Talamoni et de Gilles Simeoni, respectivement président de l'assemblée et de l'exécutif Corse, pour pouvoir accueillir le navire Aquarius "en raison des conditions météorologiques difficiles de la mer et du manque de nourriture".

Après un premier silence déconcertant, les déclarations de Macron apparaissent comme un simple calcul opportuniste visant à souligner les racines de solidarité du peuple français et à s'écarter de la position intransigeante exprimée par la leader du Front national, Marine Le Pen, alliée de Salvini.

Ces contradictions restent évidentes dans les actions du gouvernement français. D'une part, Macron fait des déclarations de soutien aux migrants. Mais d'autre part, il poursuit sa campagne pour rejeter tous les immigrés clandestins, y compris les mineurs non accompagnés, qui tentent de franchir les frontières entre l'Italie et la France. Des exemples l'illustrent, comme ces tristes événements hivernaux des réfugiés dans le Val di Susa ou les sans-papiers récemment expulsés par la police de Paris dans les bidonvilles fantômes le long de la Seine.

La maire de la capitale française, Anne Hidalgo, a récemment déclaré que "l'Europe doit surmonter l'impasse des réfugiés dublinés (jugés dans le pays d'entrée selon le règlement de Dublin, ndlr) car, lorsqu'ils arrivent en France ou en Belgique, ils vivent comme des personnes invisibles, sans aucun droit ni type de soutien".

Déclarations qui arrivent quelques jours après la tentative du Parlement européen de modifier les accords de Dublin, tentative rejetée par les pays de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), ainsi que par le gouvernement italien lui-même. Un refus qui risque de provoquer un nouveau glissement vers la droite des pays européens qui refusent de changer Dublin "parce qu'ils s'opposent à l'optique de redistribution voulue par la gauche européenne" - comme l'a déclaré Melenchon, leader de France Insoumise - "pour bloquer le flux migratoire hors des frontières européennes dans des pays tels que la Libye ou la Turquie, sans aucune protection des droits de l'homme "

Le nouveau gouvernement socialiste de Sanchez commence peut-être à montrer des signes de rupture avec cette droite européenne. Cependant, ce choix est lié surtout à "une disponibilité exceptionnelle et à une visibilité médiatique internationale" comme l'a noté la presse progressiste espagnole. Dans ce cas, la disponibilité de Sanchez est plus le résultat des pressions de Podemos ou du maire de Barcelone, Ada Colau, qu'un réel changement politique des autorités espagnoles. Les gouvernements précédents, de Zapatero à Rajoy, ont continué de la même façon à rejeter les milliers de migrants qui se pressent le long des clôtures de Ceuta et Melilla, villes espagnoles dans le territoire marocain. Sans avoir la possibilité de demander le statut de réfugié, ces migrants sont illégalement rejetés et dispersés par les autorités de Rabat, complices de la politique répressive de Madrid.

La seule note positive dans ce climat "d'hypocrisie, de racisme et d'ignorance" - comme l'a déclaré Sophie Beau, co-fondatrice et directrice de SOS Méditerranée hier à Marseille - "a été la réponse de nombreux maires ou autorités locales (Palermo, Napoli, Barcelone, Marseille, Paris) et les manifestations spontanées de milliers de personnes qui ne se reconnaissent pas dans les idées de Salvini, de Marine Le Pen ni dans cette Europe des barrières. Ils ont démontré leur solidarité avec les migrants en Italie et dans de nombreuses villes européennes".

Source originale:  Contropiano

Traduit de l'italien par S. Mauro

Source:  Investig'Action

 investigaction.net

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