01/07/2018 globalwitness.org  7 min #143120

Parc des Virunga : Soco International soupçonnée de corruption en Rdc

Virunga : Une société britannique a financé des soldats accusés de corruption et de violence lors de sa quête pétrolière dans le plus vieux parc national d'Afrique

10 Juin 2015

« Le Serious Fraud Office du Royaume-Uni et le département de la Justice des États-Unis doivent entreprendre une enquête approfondie sur les pratiques de Soco dans les Virunga pour déterminer si, notamment, les lois anti-corruption ont été violées. La société ne doit pas être autorisée à vendre sa concession (le bloc V) avant qu'une enquête indépendante et crédible ne soit menée et publiée, et que des mesures appropriées soient prises. »

Interrogé sur les chèques et les reçus révélés aujourd'hui, Roger Cagle, vice-PDG de Soco, a répondu que le major Feruzi avait été affecté à Soco afin de satisfaire l'obligation d'avoir un agent de liaison militaire dans la région. Cagle a déclaré que « ni lui [major Feruzi] ni aucun autre soldat n’ont jamais été employés par Soco. Tous les ordres reçus [par les soldats] émanent du gouvernement congolais. Tous les arrangements financiers ont entièrement été pris en accord avec le gouvernement, et en toute transparence. » Roger Cagle ajoute que Clifford Chance, avocat de Soco, « enquête sur la question » et que toute allégation de cette nature serait traitée avec le « plus grand sérieux » par l'entreprise « qui tient à fonctionner suivant les meilleures pratiques professionnelles ». Dans une lettre adressée à Global Witness en 2014, Soco a nié avoir violé la loi britannique sur la corruption, et condamné l'usage de la violence et des menaces. Un représentant de Soco a également dit que la compagnie n'avait pas payé le major Feruzi.

Pour Nathaniel Dyer « les réponses en demi-teinte de Soco à ces graves allégations doivent prendre fin maintenant. La société doit s'engager à respecter les limites actuelles des Virunga, et être tenue responsable pour toute malversation passée. »

Retour sur l'affaire : chèques, mensonges et vidéo

Les preuves démontrent qu'au printemps 2014, à l'époque de ses explorations sismiques d'importance cruciale dans les Virunga, Soco a payé le major Feruzi tout en niant être en quelconque rapport avec lui. À seulement cinq semaines d'écart, la société a effectué deux paiements au major, les 24 avril et 29 mai 2014. Entre ces deux dates, l'entreprise a fait trois déclaration distinctes et officielles, à la BBC, à Global Witness et à ses propres actionnaires, dans lesquelles elle niait tout paiement au major Feruzi ou soutenait qu'il n'avait aucun rôle pour la compagnie.

En mai, deux semaines seulement après que le major Faruzi a reçu quatre chèques pour un total de 15 600 $ endossables sur un compte bancaire congolais au nom de Soco, un porte-parole de Soco a déclaré à Global Witness : « Il [le major Feruzi] n'a pas reçu d'argent de nous... Nous ne le permettrions pas et les comptent l'attestent. » Une chronologie plus détaillée des événements est également disponible  ici.

 Des reportages de mars 2015 affirment que les soldats qui surveillaient les installations de Soco ont été payés par la société et ont battu les habitants qui tentaient de pêcher sur le lac. Selon la BBC,  Soco a soutenu n'avoir jamais payé le major Feruzi ni autres soldats, directement ou indirectement. « Les salaires des soldats ont été payés par le gouvernement de la manière habituelle. »

Caption : Reçu manuscrit

Dans l'un des reçus manuscrits ayant fuité, le major Feruzi dit avoir reçu l'argent de Damas Vunabandi ; l'autre évoque un « M. Damas ». Damas Vunabandi était à l'époque agent de protocole de Soco. Damas est également le frère de Célestin Vunabandi, à l'époque ministre du gouvernement congolais, payé par Soco pour faire du lobbying en faveur du pétrole.

« Les dates sur ces documents montrent que Soco a réalisé ces paiements alors que ses officiels savaient qu'il existait de bonnes preuves selon lesquelles le major Feruzi avait proposé des pots de vin, et avait menacé et violenté des opposants à l'exploration pétrolière, a déclaré Nathaniel Dyer. Pire encore, la société a continué à nier avoir payé le major Feruzi ou autres soldats. Ces documents montrent donc que les dénégations de tous ces paiements étaient fausses. »

Ces nouvelles preuves tombent alors que les activités de Soco dans le parc sont sous le feu d'une critique généralisée. En mars 2015, Tessa Munt, alors chef d'un groupe de députés britanniques trans-partis et anti-corruption,  a demandé à ce que les autorités britanniques et américaines enquêtent sur les affirmations selon lesquelles Soco aurait enfreint la législation anti-corruption. En février 2015, l'Église d'Angleterre a suivi l'exemple d' Aviva, autre actionnaire de Soco,  en exprimant publiquement ses inquiétudes sur le comportement de Soco.

Notes:

  1. Les documents montrent que le major Burimba Feruzi, officier de l'armée congolaise accusé de corruption et d'intimidation, a reçu des milliers de dollars à au moins deux reprises. Global Witness met au jour quatre chèques émis à l'ordre du major, endossables sur un compte bancaire local au nom de Soco. L'intitulé du compte « SOCO EXPL ET PROD BLOC V / GOMA » enregistré à la Banque Internationale de Crédit (BIC) est imprimé sur les chèques. Les quatre chèques séparés datés du 15 mai 2014 sont émis à l'ordre du majori Feruzi pour un total de 15 600 $. Global Witness possède le reçu manuscrit et signé par l'officier pour le même montant. Un deuxième document de la main du major confirme la réception de 26 650 $ au 30 avril 2014.
  2. Les ONG locales et internationales ont accusé le major Feruzi et les troupes sous ses ordres (chargées de protéger les installations de Soco) de graves violations des droits de l'homme. Des opposants aux activités de Soco ont été battus, détenus voire tués,  selon les habitants et  Human Rights Watch. Les arrestations, la violence et les menaces que les adversaires de Soco ont subies ont été vérifiées et documentées dans Foreurs dans la brume, le rapport de Global Witness.
  3. La présence de Soco dans les Virunga est controversée. L'exploration pétrolière est interdite dans ce site protégé par l'UNESCO en vertu de la Convention du patrimoine mondial, et les opposants affirment que les activités de Soco sont illégales au regard du droit congolais.
  4. Le géant pétrolier français Total, qui a également obtenu une concession qui recouvre partiellement le parc des Virunga, s'est engagé en  2013 à ne pas prospecter à l'intérieur des limites actuelles du parc des Virunga, excluant ainsi toute possibilité de retour en arrière si le gouvernement congolais décidait de modifier les limites du parc. En  2014, Total a étendu cet engagement à tous les sites du patrimoine mondial de l'UNESCO.
  5. À la suite de son sommet à Doha en juin 2014, le Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO a demandé « un engagement écrit clair de Soco et de toute autre compagnie pétrolière de ne procéder à aucune exploration ni exploitation pétrolière et gazière au sein d’un bien du patrimoine mondial, y compris le Parc national des Virunga. » Soco a dit que la société ne se consacrerait plus à sa concession, mais n'a fourni aucun engagement écrit affirmant respecter les limites actuelles des Virunga. En fait, lorsque le Times a demandé à Soco de préciser si la société excluait de revenir aux Virunga si les frontières devaient en être redessinées,  Soco a décliné tout commentaire.

 globalwitness.org

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