28/08/2018 3 articles reporterre.net  5 min #144982

Hulot démissionne : le verbatim

Ce mardi 28 août sur France Inter, le ministre de la Transition écologique et solidaire a annoncé qu'il quittait le gouvernement un peu plus d'une année après y être entré.

Je vais prendre pour la première fois la décision la plus difficile de ma vie. Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux là. Et donc je prends la décision de quitter le gouvernement.

Nicolas Hulot a parlé d'une décision « douloureuse », demandant à ce « que personne n'en tire profit parce que la responsabilité elle est collégiale, elle est collective, elle est sociétale. et j'espère que cette décision qui est lourde, qui me bouleverse, qui murit depuis de longs mois, ne profitera pas à des joutes ou des récupérations politiciennes. »

« J'ai une immense amitiés pour ce gouvernement auprès duquel je m'excuse de faire une mauvaise manière. Mais sur un enjeu aussi important je me surprends tous les jours à me résigner, tous les jours à m'accommoder des petits pas. Alors que la situation universelle au moment où la planète devient une étuve mérite qu'on se retrouve et que l'on change de paradigme. »

Le désormais ex-ministre a ensuite évoqué le « véritable dilemme » auquel il a été confronté : « Entre soit m'accommoder des petits pas en sachant que si je m'en vais je crains que ce soit pire. Ou soit rester en craignant que par ma présence, nous nous mettions en France ou en Europe, dans une situation d'être à la hauteur sur le pire défi que l'humanité ait jamais rencontré. » Autrement dit, M. Hulot craignait que sa présence au gouvernement laisse croire que la France est à la hauteur sur les enjeux écologiques. « Je décide de prendre cette décision qui est une décision d'honnêteté et de responsabilité », a-t-il conclu.

« Je souhaite que personne ne récupère et ne fustige le gouvernement parce qu'à l'observation c'est l'ensemble de la société et je peux m'y mettre également qui portons nos contradictions, a-t-il insisté. Peut-être n'ai-je pas su convaincre, peut-être je n'ai pas les codes. Mais je sais très bien que si je repars pour un an, cela ne changera pas l'issue. »

Une décision que M. Hulot aurait prise prise hier soir [lundi 27 août], mais « mûrie cet été » : « J'espérais justement qu'à la rentrée, fort des longues discussions que j'ai eu avec le Premier ministre, le Président, il y aurait un affichage clair. Sur le fait que c'est l'ensemble du gouvernement. L'industrie, l'économie, le budget, le transport c'est déjà le cas, l'agriculture, et bien d'autres, qui allaient être avec moi à mes côtés pour porter, incarner, inventer, cette société écologique. Je sais que seul je n'y arriverai pas. J'ai un peu d'influence, je n'ai pas de pouvoir. Je n'ai pas les moyens. »

Le déclic a été la réunion de ce lundi 27 août entre Emmanuel macron et les chasseurs : « Cela va paraître anecdotique, mais pour moi c'était symptomatique et c'est probablement un élément qui a achevé de me convaincre que ça ne fonctionne pas comme ça devrait fonctionner. On avait une réunion sur la chasse avec une réforme qui peut être importante pour les chasseurs mais surtout la biodiversité. Mais j'ai découvert la présence d'un lobbyiste [Thierry Coste] qui n'était pas invité à cette réunion. C'est symptomatique de la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir. Il faut à un moment poser ce problème sur la table. »

Au delà de ce « détail », Nicolas Hulot reconnait une « accumulation de déceptions » : « Mais c'est surtout que je n'y crois plus. Pas en l'État, pas en ce mode de fonctionnement, pas tant que l'opposition ne sera pas capable de se hisser au dessus des querelles habituelles pour se retrouver sur un enjeu supérieur. »

« À la sortie de l'été où la Californie brûle, où la Grèce brûle, où après nous-même une année terrible, à Saint-Martin, mais y compris en métropole », Nicolas Hulot pensait que la prise de conscience de l'urgence d'agir aurait avancé. Mais, poursuit-il, « petit à petit, on s'accommode de la gravité et on se fait complice de la tragédie qui est en cours de gestation. Je n'ai pas forcément de solutions. J'ai obtenu un certain nombre d'avancées. Mais quand on n'a plus la foi... »

Quant aux raisons profondes qui l'ont motivé, il a précisé : « ce n'est pas l'énergie qui me manque. Mais je n'ai pas réussi à créer par exemple une complicité de vision avec le ministre de l'Agriculture alors que nous avons une opportunité absolument exceptionnelle de transformer le modèle agricole. On se fixe des objectifs mais on n'en n'a pas les moyens parce qu'avec les contraintes budgétaires on sait très bien à l'avance que les objectifs qu'on se fixe on ne pourra pas les réaliser. »

M. Hulot explique n'avoir prévenu ni Emmanuel Macron ni Edouard Philippe de sa décision : « si je les avait prévenus avant, ils m'en auraient peut-être une fois encore dissuadé. Mais c'est une décision entre moi et moi. Je ne veux pas me mentir. Je ne veux pas me donner ce sentiment encore une fois que si je repars c'est parce que j'y crois. Suis-je à la hauteur ? Qui serait à la hauteur tout seul ? Où sont mes troupes ? Qui ai-je derrière moi ? »

Et malgré sa « profonde admiration » pour le Président et le Premier ministre, l'ex-ministre reconnait que « sur les sujets que je porte, on n'a pas la même grille de lecture. On n'a pas compris que c'est le modèle dominant qui est la cause. Est-ce qu'on le remet en cause ? »

Si Nicolas Hulot s'est effectivement prononcé contre les traités de libre-échange, il ne pouvait pas non plus ignorer la position libérale d'Emmanuel Macron, comme l'a rappelé la journaliste Léa Salamé sur France Inter. « Mais on peut évoluer, s'apporter les uns les autres. Je ne critique personne. J'espère que mon départ provoquera une profonde introspection de notre société sur la réalité du monde. »

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