11/09/2018 reseauinternational.net  6 min #145549

L'opposition armée syrienne appelle Moscou et Ankara à bombarder Idleb

Un coup de poignard dans le dos par les Turcs ? Le conseiller spécial d'Erdogan : L'occupation d'Idlib par la Turquie arrête la Syrie, la Russie et l'Iran

Par Joaquin Flores

La Turquie est de retour à ses jeux d’actions contradictoires constants et de vacillations apparentes. Dans le dernier épisode de ce drame, la Turquie triangule les attaques au phosphore blanc des États-Unis contre plusieurs sites syriens la nuit dernière, et les coups de feu tirés par les forces américaines qui se battent maintenant ouvertement pour protéger l’État Islamique dans le sud de la Syrie ciblent les forces alliées syriennes. La Turquie joue clairement sur les menaces croissantes et le bellicisme ouvert, pour pousser la Russie et l’Iran à obtenir un meilleur accord pour la Turquie, quelle que soit la façon dont ils l’imaginent.

 reseauinternational.net La déclaration faite aujourd’hui par Ibrahim Kalin, qui devrait être lue dans son intégralité dans le lien ci-dessous, est très révélatrice. L’analyse de FRN est que la Turquie n’est pas nécessairement « sérieuse » à propos de cette revendication en tant que telle, elle provient de Kalin et non de Erdogan, ce qui est significatif.

Selon Ibrahim Kalin, porte-parole du président turc Recep Tayyip Erdogan et de son conseiller spécial, la présence de militaires turcs dans la province syrienne d’Idlib, tenue par les jihadistes, garantit qu’aucune opération militaire ne pourra y être lancée. Il a fait ses études à l’Université de Georgetown et, tout en étant le conseiller spécial de Erdogan, il représente la déclaration la plus visible et la plus forte de l’influence atlantiste sur la Turquie.

Cela dit, la Turquie continue d’utiliser sa présence, en tant que monnaie d’échange, pour s’engager dans des méthodes de négociation habituelles dans cette partie du monde – accepter, se rétracter si l’accord se fait « trop facilement » ou si une opportunité de renégocier semble avoir des chances de porter ses fruits.

De l’avis de nombreux experts, cette compréhension culturelle de « l’art du deal«  n’a pas été bénéfique pour la Turquie ou les pays post-ottomans, où cette pratique reste courante. Utile pour les marchands individuels et les personnes influentes, elle ne fonctionne généralement pas au niveau de l’art politique à moins qu’elle n’opère à partir d’une position de force incontestée – une position dont l’Empire ottoman a bénéficié autrefois pendant des siècles. Au pire, un tel geste peut être considéré comme une provocation. Cependant, la culture stratégique de la Russie est telle que, dans ses siècles d’expérience de la gestion de la défaite après la défaite face à l’Empire ottoman, elle ne permet généralement pas d’être facilement provoquée sur le plan militaire ou diplomatique. Nous avons vu ce principe se confirmer à plusieurs reprises au cours des dernières années.

Voici l’idée maîtresse de tout cela :

« La présence des soldats turcs dans cette région est peut-être la seule garantie qu’une opération militaire n’y démarrera pas, puisque les forces aérospatiales russes et les forces gouvernementales syriennes de Bachar al-Assad ne mèneront aucune offensive tant que les militaires turcs seront présents« , a déclaré Kalin dans un article du  Daily Sabah.

Selon lui, « toute attaque contre Idlib sous prétexte d’éliminer les groupes terroristes compromettrait le processus de négociation d’Astana » pour la paix en Syrie.

« Idlib est une action retardée, toute attaque contre cette province syrienne n’apportera que mort et destruction, et déclencherait une nouvelle vague de migration vers la Turquie et l’Europe« , a déclaré le porte-parole du président turc.

Il faut rappeler que le gouvernement syrien a déclaré en juillet qu’il se réserve le droit de recourir à la force militaire pour récupérer la province d’Idlib si les groupes terroristes armés qui la contrôlent depuis 2015 rejettent les termes de la paix de Damas.

 reseauinternational.net En vertu des accords avec Damas, les combattants qui refusaient de se rendre aux forces gouvernementales à Alep, Homs et Eastern Ghouta ont été progressivement transférés à Idlib, qui fait partie depuis 2017 d’une zone de désescalade parrainée par la Turquie.

Fin août, le ministère russe de la Défense a rapporté que les terroristes du Front al-Nusra préparaient une manœuvre dans la province d’Idlib avec des armes chimiques contre des civils pour accuser Damas et donner un prétexte à la coalition dirigée par les États-Unis d’attaquer la Syrie.

Les États-Unis ont déclaré qu’ils tiendraient la Syrie responsable de toute attaque chimique future en Syrie, malgré l’envoyé spécial de l’ONU en Syrie, pour la crise syrienne, affirmant que les deux parties étaient capables de perpétrer une attaque chimique, dont au moins une basée sur des produits de décoloration ou d’autres substances chimiques. Et ce, malgré le fait que les États-Unis, sous Obama, aient officiellement confirmé que la Syrie s’était débarrassée de ses armes chimiques il y a plusieurs années, à mi-chemin du conflit.

Depuis 2011, la Syrie est le théâtre d’un grave conflit armé dans lequel les troupes gouvernementales affrontent des groupes d’opposition armés et des organisations terroristes.

La résolution du conflit est recherchée sur deux plateformes : à Genève sous les auspices de l’ONU et dans la capitale du Kazakhstan, Astana, coparrainée par la Russie, la Turquie et l’Iran.

Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est que la Turquie tente de renégocier les termes d’Astana, ou du moins de montrer qu’elle le souhaite, ou, c’est peut-être une ruse nécessaire pour contrecarrer les projets  des États-Unis qui possèdent encore une certaine capacité à saper l’autorité de Erdogan dans une Turquie toujours plus autoritaire.

Source :  TURKISH BACKSTAB? ERDOGAN’S SPECIAL ADVISOR: TURKEY’S OCCUPATION IN IDLIB STOPS SYRIA, RUSSIA, IRAN

traduit par Pascal, revu par Martha pour  Réseau International

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