20/09/2018 les-crises.fr  18 min #145917

Je fais partie de la Résistance à l'intérieur de l'Administration Trump.

Cher haut fonctionnaire anonyme de l'administration Trump, votre lâche éditorial ne vous conduira à aucune rédemption. Par Mehdi Hasan

Source :  The Intercept, Mehdi Hasan, 06-09-2018

L'aile ouest de la Maison-Blanche à Washington, D.C., le 1er février 2018. Photo : Mandel Ngan/AFP/Getty Images

CHER HAUT FONCTIONNAIRE ANONYME DE TRUMP,

Vous prétendez, dans  les pages d'opinion du « défaillant  » New York Times, que les hauts fonctionnaires travaillant pour le président des États-Unis « travaillent diligemment de l'intérieur pour contrecarrer certaines parties de son programme et ses pires inclinations ».

« J'en sais quelque chose », ajoutez- vous dramatiquement. « Je suis l'un d'eux ».

Excusez-moi mais quel était le but de cet article particulier? Et qu'attendez-vous de nous tous ? Une carte de remerciement ? Une salve d'applaudissements ? L'éternelle gratitude de la nation ?

Allez vous faire voir !

Il n'y a pas de rédemption, vous ou vos collègues ne serez pas disculpés dans cet immonde spectacle qu'est l'administration. Vous pensez qu'un éditorial dans le grand journal suffira ? N'en rajoutez plus. On ne peut pas écrire un article admettant les pulsions « anti-démocratiques » du président tout en disant que l'on veut que son administration « réussisse ». Vous ne pouvez pas publier un article de 965 mots excusant les « pires inclinations » de Donald Trump tout en omettant toute référence à son racisme, son sectarisme, son islamophobie, son antisémitisme et son nationalisme blanc.

Vous avez bien cependant trouvé de la place pour faire l'éloge de vous-même et de vos collègues officiels. « Des héros méconnus ». « Adultes dans la salle ». « Résistance silencieuse ». « État stable ».

Vous vous moquez de moi ? Où étaient vos « héros méconnus » lorsque cette administration  enlevait des enfants à leurs parents et  les enfermait dans des cages ?  Les droguant et  les privant d'eau potable ?

Où étaient vos « adultes dans la salle » quand cette administration a laissé mourir  3 000 Américains à Porto Rico parce que, apparemment, c'est une île « entourée d'eau, de beaucoup d'eau, d'eau de mer  » ? Où étaient-ils quand le président niait que l'ouragan Maria était une «  vraie catastrophe » et lançait  des essuie-tout aux survivants ?

Où était votre « résistance tranquille » lorsque le président vantait les racistes d'extrême-droite comme des «  personnes très bien » et imputait la violence à Charlottesville aux «  deux camps » ? Comment avez été « silencieux » lorsque, plus tard, il a renié sa dénonciation tiède et tardive des «  KKK, néonazis, tenants de la suprématie blanche et autres groupes de haine » comme «  la plus grosse putain d'erreur que j'aie faite » ?

Où était votre « état d'équilibre » lorsque le président  a licencié le directeur du FBI parce que, a-t-il dit à NBC News, «  ce truc sur Trump et la Russie est une histoire inventée de toutes pièces » ? Ou bien quand il a renvoyé  Preet Bharara, procureur du district sud de New York, et  Sally Yates, la procureure générale par intérim ? Ou quand il  a twitté, plus tôt cette semaine, que le procureur général Jeff Sessions n'aurait pas dû inculper deux de ses alliés républicains pour ses crimes financiers présumés ?

La réalité est que vous et vos collègues fonctionnaires êtes des catalyseurs pour Trump ; vous êtes ses protecteurs et ses défenseurs. Vous le dites vous-même. Pourquoi n'y avait-il que des « chuchotements au sein du cabinet pour invoquer le 25e amendement », qui prévoit que le cabinet peut  destituer le président s'il n'est pas en mesure de faire son travail ? Pourquoi ne pas l'invoquer et laisser Mike Pence prendre la relève ? (au fait, êtes-vous  Mike Pence ?)

Si comme vous le prétendez - et nous sommes tous d'accord ! - le président que vous servez « continue d'agir d'une manière préjudiciable à la santé de notre république » avec des « impulsions malavisées », alors comment pouvez-vous plaider pour autre chose que sa destitution rapide du poste ?

Votre défense est que « personne ne voulait précipiter une crise constitutionnelle ». Sérieusement ? Vous n'êtes pas d'accord avec l'ancien secrétaire d'État John Kerry pour dire que nous sommes déjà au beau milieu d'une «  véritable crise constitutionnelle », compte tenu de votre propre éditorial décrivant son « comportement erratique » et ses « décisions imprudentes » et du nouveau livre de Bob Woodward qui  décrit « un coup d'État administratif » et une « dépression nerveuse » au sein de Maison-blanche de Trump.

Vous avez à cœur de rappeler aux lecteurs libéraux du New York Times que la vôtre résistance « n'est pas la "résistance" populaire de la gauche » et que vous pensez que les politiques de ce gouvernement ont « déjà rendu l'Amérique plus sûre et plus prospère ». Vous citez la « réforme fiscale historique » et la « déréglementation efficace » comme les supposés « points positifs que la couverture négative quasi incessante de l'administration ne parvient pas à saisir ». Mais par réforme fiscale, voulez-vous dire  les réductions d'impôt que Trump accorde au 1 % des Américains les plus riches, soit presque la moitié des retombées ? Et par déréglementation, voulez-vous dire  l'abrogation des mesures de protection des océans de l'ère Obama ;  la levée des contrôles sur la pollution atmosphérique toxique et  le feu vert donné à Wall Street pour causer une fois de plus des ravages sur les marchés financiers ?

À quoi vous opposez-vous, alors ? Eh bien, il semble que votre plus grande préoccupation soit « non pas ce que M. Trump a fait à la présidence », mais comment les Américains sont « tombés bien bas avec lui et ont permis que notre discours soit privé de politesse ».

Vous plaisantez, n'est-ce pas ?  La malhonnêteté généralisée, la  corruption endémique, le  racisme effronté, l' autoritarisme croissant, les  accusations de collusion - rien de tout cela ne figure en tête de votre liste d'abus et d'infractions trumpiens ? Mais la « civilité » de notre discours le fait-elle ? J'emmerde la politesse.

De plus, que pensiez-vous qu'il se passerait quand vous vous êtes engagé à travailler pour une vedette de télé-réalité  accusée d'agression sexuelle par plus d'une dizaine de femmes et de  viol par sa première femme ? Qui  a arnaqué des centaines de prestataires,  escroqué des étudiants de l'Université Trump,  trompé sa troisième femme quelques mois seulement après son accouchement et  coupé la couverture des soins de santé du bébé malade de son propre neveu dans un accès de rage ?

Vous saviez tout cela et pourtant vous avez quand même choisi de travailler pour lui au plus haut niveau du gouvernement. Vous reconnaissez maintenant que « la racine du problème est l'amoralité du président ». Mais qu'en est-il de votre propre amoralité ? Je déteste être d'accord avec votre patron, mais vous êtes « lâche ». Vous êtes un lâche sans vergogne, un opportuniste cynique.

Ne vous cachez pas derrière l'anonymat. Ne prétendez pas que vous vous êtes « donné beaucoup de mal » pour maîtriser Trump et « faire passer le pays en premier ».

Dites-nous votre nom. Quittez votre travail. Interpellez ce président en public.

Interpellez-le pour son sectarisme, son hypocrisie, son incompétence mentale et émotionnelle pour le poste qu'il occupe. Interpellez-le devant une commission du Congrès. Ou une cour de justice.

Sinon, je le répète : Allez vous faire voir.

Cordialement,

Mehdi Hasan

Source :  The Intercept, Mehdi Hasan, 06-09-2018

Traduit par les lecteurs du site  www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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