20/09/2018 reporterre.net  7 min #145930

Les gendarmes évacuent violemment la Zad du Moulin, près de Strasbourg

À Strasbourg, François Ruffin apporte son soutien aux opposants au Gco

Une audience cruciale pour le sort du grand contournement ouest (GCO) se tenait à Strasbourg mercredi 19 septembre. Le député insoumis François Ruffin s'était déplacé pour manifester son soutien aux opposants. Ce jeudi, le tribunal a suspendu l'abattage d'un alignement d'arbres.

  • Strasbourg et Kolbsheim (Bas-Rhin), reportage

Les opposants au grand contournement ouest de Strasbourg commencent à bien connaître les abords du tribunal administratif. À chaque audience désormais, plusieurs dizaines d'entre eux se serrent sur l'étroit trottoir de l'avenue de la Paix, bordée d'arbres et d'une piste cyclable qu'ils tentent de laisser dégagée.

Ce mercredi 19 septembre, près de 150 personnes étaient présentes. Parmi les nouveaux soutiens, le Syndicat des avocats de France (SAF),  qui s'est indigné de la décision de procéder à des coupes d'arbres avant l'étude des divers recours en référé, « une atteinte intolérable au principe du recours effectif ».

La semaine dernière, les opposants ont en effet déposés plusieurs référés au tribunal administratif, afin de suspendre les travaux du GCO. Ce mercredi, deux référés ont été examinés : l'un concernait l'autorisation unique des travaux, pour la partie gérée par l'entreprise Arcos, filiale de Vinci, le second avait trait à l'abattage des alignements d'arbres.


Mercredi 19 septembre 2018, devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Dans la salle, vers 10 h, on a ainsi débattu étude d'impact, actualisation d'éléments datant de 2006, alternatives non étudiées, « saucissonnage » du dossier, participation citoyenne ou encore coefficient de renaturation. Les échanges ont été pointus, techniques. L'avocat d'Alsace Nature, Me François Zind, s'est notamment appuyé sur des éléments des avis défavorables des deux dernières enquêtes publiques, réalisées au printemps. Avoir obtenu la semaine précédente  la suspension du permis d'aménager un viaduc à Kolbsheim, où se situait la Zad, a redonné confiance aux arguments juridiques des opposants.

Au même moment, le député France insoumise François Ruffin est arrivé devant les grilles du tribunal administratif. Il y a rencontré Germaine, doyenne des opposants et habitante de Kolbsheim, devenue une figure de la contestation du haut de ses 89 ans et de son déambulateur. C'est la première fois qu'un député non alsacien s'intéresse de près au sujet. François Ruffin a expliqué avoir découvert l'existence du GCO « à la radio ».

Passé quelques phrases d'encouragements, des félicitations pour la députée Martine Wonner (LREM), qui s'est engagée avec véhémence contre le projet  (au prix d'un gazage), il a estimé d'un point de vue plus politique que ce dossier était symptomatique de la politique de transport des marchandises en Europe.


À Kolbsheim, le déboisement a été conduit rapidement.

François Ruffin : « L'État est colonisé de l'intérieur par des représentants d'intérêts privés »

C'est pour cette raison qu'il s'est rendu sur les collines de Kolbsheim, à une quinzaine de kilomètres de là, en milieu de journée. Une « commission d'enquête officieuse et décentralisée », comme il l'a appelée. La visite a été filmée et diffusée en direct sur sa page Facebook. Assis sur un banc dans un champ d'où il surplombe la forêt grandement déboisée, il a écouté un à un les opposants, prenant beaucoup de notes.

On a parlé de l'utilité contestée du projet, de l'intervention policière, qui a choqué des habitants de cette campagne prospère, ou de souvenirs plus personnels « mes petits enfants l'appelaient la forêt des dinosaures », s'est émue une riveraine de 65 ans. Au loin, on entendait les tronçonneuses.

« Désormais, le mot lobby n'est plus suffisant, a dit M. Ruffin. L'État est colonisé de l'intérieur par des représentants d'intérêts privés. La question économique est toujours prioritaire dans les arbitrages. Compte tenu de l'urgence climatique, je voudrais que tous les dossiers passent par le ministre de l'Environnement et, aujourd'hui, on dirait qu'il n'y en a plus. »


Le députe François Ruffin, le 19 septembre, à Kolbsheim.

Il a ensuite estimé que la construction du GCO était le reflet d'un choix historique de l'aménagement des pays européens : « Les camions sont un mode de transport pas cher pour éloigner les lieux de production des lieux de consommation, a-t-il expliqué. Au train, on fait payer le prix du rail, c'est pour cela qu'il n'est pas compétitif. Le prix de l'entretien de la route est externalisé. Et, malgré cela, on a des transporteurs roumains qui vivent avec leur gamelle sur des aires d'autoroute. »

Interpellé par courriel par des opposants, il s'est décidé à venir à Strasbourg afin de leur apporter son soutien le jour d'une audience décisive. « Ici, je m'embête moins qu'à l'Assemblée », a d'ailleurs lâché le journaliste fondateur de Fakir. Le député de la Somme n'a pas exclu de revenir sur le tracé du GCO, « si je peux être utile ». Il a également promis de sensibiliser les 16 autres députés de La France insoumise : « Quand vous manifestez, cela nous donne une porte-voix dans l'hémicycle », a-t-il lancé.

Décision décisive la semaine prochaine

Compte tenu de la complexité des arrêtés autorisant les travaux du GCO, la décision du juge administratif est prévue mardi 25 septembre. Un autre recours en référé, d'impact plus secondaire, sur une opération visant la coupe de 30 arbres doit être rendue ce jeudi 20 septembre.

Contacté, le constructeur Arcos a indiqué attendre la décision du 25 pour procéder ou non aux travaux définitifs. La société continue en revanche les travaux préparatoires (sondages géotechniques et archéologique).

De son côté, Alsace Nature espère que les éléments développés par son avocat vont permettre d'établir « un doute sérieux » sur la légalité de actes. Cela aurait pour conséquence de suspendre leur effet immédiatement, dès le 25 septembre, avant de les juger sur le fond plusieurs semaines plus tard.

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