21/09/2018 reporterre.net  6 min #145951

Pour permettre l'extension d'une mine de charbon, la police allemande évacue la Zad de Hambach

Steffen M., mort à Hambach pour « informer les gens de ce qu'il se passe »

Steffen M., 27 ans, est mort mercredi 19 septembre dans la forêt de Hambach pendant son évacuation par la police allemande. Proche des milieux écologistes, il était considéré par les militants comme un « ami » et les accompagnait « en tant que journaliste ». Sur place, l'expulsion a cessé, l'heure est au recueillement.

  • Berlin (Allemagne), correspondance

Un épais silence règne ce jeudi dans la Zad de la forêt de Hambach. Des bougies et des branches de fougère ont été déposées au pied des cabanes perchées dans les arbres du secteur Beech Town, là où Steffen M. a perdu la vie  après avoir chuté d'un pont suspendu à 14 mètres de hauteur. Des petits groupes viennent s'y recueillir. « Allumez vos bougies, chantez ! est-il écrit sur un petit panneau de bois posé au sol. Montrez-lui qu'ici, personne n'abandonne ! »


Steffen M., le 18 septembre, dans une vidéo où il explique avoir gagné les arbres pour témoigner au plus près de l'évacuation policière.

Âgé de 27 ans, Steffen M. était originaire de Leverkusen, cité industrielle à 80 kilomètres environ de la forêt de Hambach, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Il se présentait sur son compte Twitter comme « artiste, metteur en scène et journaliste ». Il étudiait depuis trois ans à l'Académie des arts numériques de Cologne et travaillait au Junges Theater Leverkusen, un théâtre local qui propose des formations aux métiers du spectacle vivant. Il écrivait des poèmes et des textes et participait à des courts-métrages en tant que réalisateur et comédien.

Proche des milieux écologistes et de gauche de sa région, le jeune homme suivait depuis un an le combat des zadistes de Hambach, des militants qui tentent depuis six ans d'empêcher l'énergéticien RWE de détruire cette forêt millénaire pour y étendre une mine de charbon à ciel ouvert. « C'était un ami, qui nous accompagnait en tant que journaliste », a confirmé mercredi soir le collectif de zadistes Hambi bleibt !. Selon les témoignages de ses proches recueillis par le journal allemand Tageszeitung, il voulait documenter la vie des habitants de la Zad au quotidien, mais travaillait aussi à un projet de réalité virtuelle dans la forêt de Hambach, équipé d'une caméra à 360 degrés.

Vidéo réalisée par Steffen M. le 28 août dernier lors d'une perquisition de la police sur la Zad de Hambach.

Sur internet, il montrait l'évacuation de la forêt lancée mi-septembre par le gouvernement régional : les opérations des policiers pour accéder aux cabanes, les arrestations de militants, les discussions entre forces de l'ordre et zadistes. Travaillant d'abord depuis le sol, Steffen M. a décidé au sixième jour de l'évacuation de grimper dans une cabane de Beech Town.

« Suivre le travail d'évacuation et informer les gens de ce qu'il se passe »

Dans  une vidéo, le blogueur expliquait alors sa démarche : « Comme on a constaté ces derniers jours qu'il était difficile pour la presse de se déplacer dans la forêt et de suivre l'évacuation, parce que la police a bouclé tout un immense secteur, je suis maintenant dans les arbres, à 25 mètres de haut, pour suivre le travail d'évacuation et informer les gens de ce qu'il se passe », racontait-il.

Selon ses proches, « il était important pour lui que toutes les parties du conflit soient entendues », écrit le Tageszeitung. « Malgré tout son engagement, il a toujours essayé de trouver un équilibre entre différents points de vue », confirme l'Académie des arts numériques de Cologne. Sa dernière vidéo, montrant deux policiers dans une nacelle approchant d'un zadiste suspendu à une corde,  a été postée moins d'une heure avant sa chute mortelle.


La passerelle depuis laquelle Steffen M. est tombé.

Depuis, la majorité des 3.500 policiers déployés pour l'évacuation s'est retirée. Les nacelles et plateformes utilisées par les forces de l'ordre ont elles aussi quitté la forêt, sur décision de leur loueur : la société a expliqué, par communiqué de presse, « n'être absolument pas d'accord avec la façon de procéder » sur place.

Seuls restent les policiers chargés de sécuriser le lieu du drame et d'autres zones potentiellement dangereuses. Un groupe d'enquêteurs a commencé les investigations. La piste criminelle est écartée par le parquet d'Aix-la-Chapelle. « Cela ressemble à un accident », a affirmé la procureure générale Katja Schlenkermann-Pitts à l'agence de presse allemande DPA.

Dès mercredi soir, des rassemblements spontanés ont rendu hommage à Steffen M. dans de nombreuses villes d'Allemagne, notamment Aix-la-Chapelle, Essen et Lübeck. Ce jeudi, l'ONG Campact a organisé une minute de silence devant le parlement régional avant de remettre, comme prévu, une pétition signée par plus de 500.000 personnes pour demander la fin de l'évacuation et de la destruction de la forêt de Hambach. « Après le terrible accident d'hier, on ne peut pas continuer à évacuer [la forêt], a déclaré l'ONG sur Twitter. Il faut une solution politique. »


Lors d'une minute de silence pour Steffen M., jeudi 20 septembre, devant le parlement régional de Rhénanie-du-Nord-Westphalie.

Le gouvernement de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a suspendu les opérations d'évacuation mais demande aux zadistes de quitter les lieux. « Nous avons maintenant l'espoir que ceux qui sont dans les cabanes sortent de la forêt, pour que rien d'autre ne se produise », a lancé le ministre conservateur de la région, Herbert Reul. Un appel rejeté par les occupants de Hambach.

 reporterre.net

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