23/09/2018 mondialisation.ca  6 min #146058

Les deux Corées signent un accord militaire pour réduire les tensions

Laissez les Coréens régler eux-mêmes leurs problèmes

C'est le Printemps en Corée. L'amour et la paix ont déferlé sur toute la péninsule montagneuse alors que les dirigeants des deux nations rivales cherchent à mettre fin à près de sept décennies d'hostilité entre elles.

On ne peut sous-estimer le désir ardent que ressentent la plupart des Coréens des deux côtés de la Zone Démilitarisée (DMZ) pour une certaine forme de réunification - ou du moins de rattachement - des deux nations. Étonnamment, la guerre de Corée de 1950-1953 ne s'est pas terminée par un traité de paix, de sorte que la Corée du Nord et la Corée du Sud sont en pleine guerre malgré les tentatives passées pour y mettre fin. Pendant la guerre, 33 686 Américains sont morts et 128 600 ont été blessés, et les deux Corées ont déploré plus de 2 millions de morts. Les pertes chinoises ont été lourdes.

La DMZ est probablement la frontière la plus fortement militarisée au monde, avec des centaines de milliers de troupes et des milliers de chars et de canons qui s'affrontent. J'ai vu peu de sites militaires plus impressionnants. Seule la frontière entre le Pakistan et l'Inde au Cachemire présente un spectacle martial et une menace similaires.

Bravo aux dirigeants de la Corée du Nord et de la Corée du Sud pour avoir désamorcé les tensions entre eux. Tous deux méritent le prix Nobel de la paix. Kim Jong-Un et Moon Jai-In ont fait un grand bond en avant en essayant de mettre fin à la guerre de Corée. La plupart des Coréens - à l'exception des chrétiens anticommunistes de droite en Corée du Sud - sont ravis.

En tant qu'observateur et ami de très longue date de la Corée, je suis moi aussi ravi par le sommet amical Moon-Kim et je lui souhaite bonne chance. Mais je m'inquiète aussi du rôle de Washington.

Le président Donald Trump a certainement brisé la glace avec la Corée du Nord et a joué un rôle clé dans le lancement des pourparlers de paix. Félicitations à lui.

Mais je crains aussi que la question dite de la dénucléarisation ne ruine les efforts visant à mettre fin à la guerre de Corée. Washington exige que la Corée du Nord rende compte et démantèle ses armes nucléaires sous la supervision des États-Unis. C'est la position clé des Américains.

Il est intéressant de noter que tout en formulant ces exigences, les États-Unis vont de l'avant avec un nouveau programme d'ogives nucléaires « plus petites », le B61-Modèle 12, conçu comme un perforateur de terre et destiné aux cibles stratégiques. Ce programme d'un billion de dollars est conçu pour la guerre et non pour la dissuasion. Les critiques avertissent qu'il rendra une guerre nucléaire beaucoup plus probable.

La Corée du Nord, qui possède un petit nombre de missiles de longue portée à pointe nucléaire d'une fiabilité indéterminée, affirme sa volonté de « dénucléariser » pour répondre aux exigences de Washington. Mais pourquoi ? La Corée du Nord exige la « réciprocité » des Etats-Unis. Jusqu'à présent, rien n'indique que les États-Unis aient accepté de fermer leurs bases aériennes en Corée du Sud ou au Japon, de retirer leurs armes nucléaires de l'Asie du Nord ou de retirer tout ou une partie de leurs 28 500 soldats en Corée du Sud.

L'administration Trump s'est convaincue qu'un accord à sens unique avec la Corée du Nord est possible. Ses partisans extrémistes, John Bolton et Mike Pompeo, sont considérés comme hostiles à toute concession américaine. Ils veulent que la Corée du Nord se rende sans condition, pas qu'elle négocie. Tous deux sont des néoconservateurs qui craignent que les bombes nucléaires de la Corée du Nord ne trouvent leur place chez les ennemis d'Israël au Moyen-Orient. C'est précisément pour cette raison que les néoconservateurs avaient saboté un accord entre Washington et Pyongyang sous le président Bill Clinton.

Les Nord-Coréens mangent de l'herbe depuis une génération pour pouvoir acquérir des armes nucléaires. Les abandonneraient-ils juste pour une tape sur le dos de Washington ? La Chine pousserait-elle Pyongyang dans cette direction ? J'en doute fort. Le monde ne parle à Kim Jong-Un que parce qu'il possède et peut livrer des armes nucléaires.

Même beaucoup de Sud-Coréens sont fiers de Kim pour avoir fait reculer les puissants Etats-Unis.

Le président sud-coréen, Moon, a fait un travail courageux dans sa nouvelle politique « sunshine ». C'est un homme courageux et intelligent et un changement bienvenu par rapport aux anciens dirigeants de droite sud-coréens qui étaient totalement sous la coupe des Etats-Unis. Les Coréens parviendront beaucoup mieux à régler leurs nombreuses divergences s'ils sont autorisés à régler leurs problèmes sans ingérence lourde de la part d'étrangers, qu'ils soient américains ou chinois.

Une bonne façon de commencer serait que les Etats-Unis mettent fin à leur guerre économique punitive contre la Corée du Nord et cessent définitivement leurs exercices militaires provocateurs chaque automne.

Deux grandes puissances, les États-Unis et le Japon, ne sont pas pressées de voir la Corée réunifiée en une puissance de 80 millions d'habitants travailleurs. Ils vont continuer à secouer le pot coréen.

Eric Margolis

Article original en anglais : Let Koreans Settle Their Own Problems

Traduit par Pascal, revu par Martha pour  Réseau International

La source originale de cet article est  ericmargolis.com
Copyright ©  Eric Margolis,  ericmargolis.com, 2018

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