09/10/2018 cadtm.org  6 min #146759

Brève histoire de la banque Dexia

A l'heure du dixième « anniversaire » de la crise financière mondiale et des élections communales en Belgique, retour sur l'histoire très controversée de la banque Dexia, devenue depuis Belfius. 

En décembre 2011 ATTAC et le CADTM introduisaient un recours en justice contre l'État Belge. Un gouvernement en affaires courantes accordait à la hâte à la banque Dexia une garantie de 54,45 milliards d'euros (somme réduite l'année suivante à 43,7 milliards), sans débat parlementaire et sans contreparties ! Le blocage complet du débat public et un vote d'entérinement au Parlement en 2013 a rendu caduque le recours en justice.

La menace de devoir débourser une somme pareille, c'est une épée de Damoclès sur le budget de l'État qui entraîne des recapitalisations sans fin. L'augmentation vertigineuse de la dette publique qui en résulte est utilisée comme arme de chantage pour justifier une dose supplémentaire d'austérité contre la population. De plus, nos élus sont tenus à l'écart jusqu'en 2031 par l'arrêté qui habilite le seul Ministre des finances à conclure des conventions de garantie avec les créanciers de Dexia.

L'affaire Dexia

Cas emblématique des maux dont souffre notre démocratie. Rappel en quelques mots. Le Crédit communal, fondé par Frère-Orban en 1860 pour contrer l'emprise des banques sur les pouvoirs publics (comme je vous le dis), a changé de nom et de statut en 1996 ; ce sera désormais Dexia, institution financière internationale intégrant le crédit local français et déployant l'avidité myope propre à la recherche de profit. Tout va bien pendant un peu plus de dix ans. Mais en 2008, dans la tourmente de la crise financière, la valeur de ses actifs dégringole et voilà les gouvernements belge, français et luxembourgeois qui volent à son secours sous prétexte de sauver les petits épargnants et les communes. Non seulement ils recapitalisent (en creusant davantage la dette publique) mais ils s'engagent pour des montants faramineux de garanties. En Belgique, cela se fait par arrêté royal sans consultation du parlement, donc en contravention avec la constitution.

Voilà la faille juridique qui permet au CADTM et à ATTAC (AB2 et Liège) de déposer via deux avocats une requête en annulation devant le Conseil d'État ; deux députées écolo, Zoé Genot et Meyrem Almaci, se joignent à la démarche en leur nom propre, aucun groupe politique n'ayant réagi à l'appel. La procédure judiciaire a comme conséquence que le gouvernement fait voter, au printemps 2013, une loi avalisant rétroactivement l'octroi de ces garanties. Le moins que l'on pouvait espérer, c'était un débat dans l'enceinte parlementaire. Il n'aura pas lieu. La commission d'enquête réclamée ne sera pas créée. Belfius, le nouveau nom de Dexia Belgique évocateur d'un yaourt avec actifs toxiques, bien que détenue à 100% par l'État (donc techniquement 'nationalisée'), fonctionne sur le mode des institutions privées, dans la même opacité, le même mélange des genres, qui risque bien de s'avérer à nouveau explosif. Mais, nous répète-t-on, au mépris de l'évidence, les pouvoirs publics n'ont pas vocation de gérer une banque.

Dexia - Une Chronologie : Le CADTM et ATTAC en justice contre l'État Belge
  • 1996 : Création de Dexia : Le Crédit communal de Belgique, créé en 1860, et le Crédit local de France, créé en 1987, fusionnent et deviennent Dexia. Le groupe maintient son système de prêt aux collectivités locales et l'étend partout dans le monde. Il diversifie également ses activités : gestion d'actifs, banque privée...
  • 2007 : crise des Subprimes : Via sa filiale américaine FSA, rachetée quelques années plus tôt, Dexia est partie prenante de la crise des Subprimes.
  • 2008 : l'État passe à la caisse : La banque est lâchée par les investisseurs. La France et la Belgique injectent chacune 3 milliards € et le Luxembourg, 376 millions €. Dexia obtient également 150 milliards € de garanties publiques.
  • 2011 : recours contre les garanties : Le CADTM, ATTAC Liège et ATTAC Bruxelles 2, soutenues par 2 députés, déposent un recours au conseil d'État pour faire annuler les garanties octroyés à Dexia par la Belgique.
  • Le recours repose sur 4 arguments :
  • le Parlement n'a pas été consulté sur une question qui relève directement de sa compétence ; les garanties déplacent le risque de crise sur l'État belge sans le diminuer ; le Parlement n'a pas été informé de la situation financière exacte de Dexia Crédit Local SA, ce qui est contraire au principe de publicité au budget de l'État ; la garantie est payable à première demande, sans justification, ce qui oblige l'État à garantir des engagements qui peuvent être déclarés illégaux ou contraires à l'ordre public et crée un aléa moral.
  • 2011 : vers le démantèlement : La banque est scindée afin d'en sauver les parties saines et d'isoler les risques. La ''Bad Bank'' Dexia recueille 80 milliards € d'actifs toxiques. L'État Belge reprend Dexia Banque Belgique pour 4 milliards € et crée Belfius.
  • 2012 : nouveau sauvetage : Le 31 décembre 2012, Dexia est recapitalisée à hauteur de 5,5 milliards € (53 % par la Belgique, 47 % par la France) et une garantie définitive de refinancement est actée à hauteur de 85 milliards € (51,41 % pour la Belgique, 45,59 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg). Le CADTM, ATTAC Liège et ATTAC Bruxelles 2 et les députés Zoé Genot et Meyrem Almaci renouvellent leur requête en annulation au conseil d'État des garanties octroyées à Dexia.
  • 16 mai 2013 : Le Parlement fédéral vote un projet de loi visant à faire valider par les députés de manière rétroactive les deux arrêtés royaux incriminés. Cette nouvelle loi met fin à la procédure devant le Conseil d'État puisque l'argument majeur du recours tombe. Le préambule du projet de loi est explicite : « la ratification législative serait la seule mesure qui soit à même de lever la méfiance des investisseurs du fait de l'existence des recours. » Malgré un comité de soutien composé d'une centaine de personnalités venant du monde universitaire, associatif, syndical et politique dans le but de sensibiliser l'opinion publique au danger représenté par cette garantie, des tribunes dans les journaux, des conférences de presse et des débats publics, ainsi que l'interpellation directe des parlementaires par les associations requérantes, les élus ont capitulé sous la menace des marchés financiers.


Cet article est extrait du magazine du CADTM :  Les Autres Voix de la Planète

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