17/10/2018 histoireetsociete.wordpress.com  5 min #147119

j'ai fait un rêve modeste et fou dans lequel les êtres humains et les arbres pourraient pousser en paix...

A Marseille, dans le quartier de mon enfance, la Plaine, on abat des arbres magnifiques, des tilleuls, personne ne sait ce qui se fait là, au profit de qui? La société chargée des travaux à un coût exorbitant refuse de répondre aux habitants. Hier ils étaient sous une pluie battante en train de tenter de s'opposer aux tronçonneuses... Les forains ont été chassés... L'autre soir dans le réunion de section, nous avons parlé de ça dans le cadre de la préparation du Congrès... Nous avons tant à faire et ce monde est fou, malade du profit. De ça et de la jeune femme qui n'a plus sa place dans l'EHPAD depuis qu'elle a témoigné de la maltraitance. Elle a vu Ian brossat. Elle est dans notre quartier. Que de temps perdu alors qu'il y a tant à faire, sans parler de nos quartiers nord rongés par la misère, les plafonds des écoles qui tombent, des enfants exclus du droit à apprendre, une jeunesse que l'on condamne, des arbres que l'on abat...

Comment vous expliquer ce que sont ces arbres pour moi...

Enfant j'habitais rue Abbé Faria et j'allais à l'école à la rue de Lodi... J'avais une accompagnatrice, une petite vieille minuscule, je commençais à la dépasser malgré mes huit ans et je voulais aller seule à l'école en protestant « Elle est plus petite que moi »... Ma mère avait pour moi des rêves d'élégance et elle me coiffait d'un chapeau en feutre, « un Deana Durbin », elle me faisait enfiler un manteau bleu marine que je m'obstinais à porter renvoyé en arrière et des gants blancs que je perdais donc elle me les cousait aux manches et je les rongeais, j'en faisais des mitaines. Je ressemblais à Shirley temple, mais ma mère prétendait qu'en fait j'avais l'allure d'un curé de campagne.... Mais revenons-en la plaine... En fait c'est un plateau, au sommet d'une colline marseillaise, deux ou trois fois par semaine, il s'y tient un marché et l'après-midi « de mon temps », on louait des vélos pour faire les fous dans les allées. Il y a tout autour des commerces, de bouche en général, c'était le « ventre » de Marseille. Dans un immeuble, j'allais à cette époque prendre des leçons de piano, avec une vieille fille qui s'obstinait à me faire jouer « plaisir d'amour ne dure qu'une moment, chagrin d'amour dure toute la vie »et je devais chanter avec elle qui chevrotait mais chantait juste alors que moi je beuglais d'une voixc irrémédiablement fausse. Elle s'appelait mademoiselle Isnard et elle avait perdu son fiancé à la guerre de 1914-18, d'où la chanson...

J'étais fascinée par les forains, les camelots qui vendaient des engins bizarres destinés à favoriser le travail de la ménagère, des produits d'entretien. Un jour l'un d'entre eux avisant mes chaussures blanches m'avait fait approcher et m'avait nettoyé le pied droit et laissé l'autre en état, tout en m'exhibant au public: regardez la différence, montre tes chaussures petite! » ma mère avait peu apprécié parce que j'avais peu de temps pour déjeuner à midi. Comme elle s'était désespérée que j'échange ma chaîne en or et sa médaille contre un porte plume où l'on voyait dans un oeillet la vierge de la garde. mais rien n'y faisait badaud, j'étais, badaud je reste et prête à me laisser fasciner par n'importe quelle saloperie pourvu qu'elle ouvre des horizons sur un ailleurs... Puis il faisait si bon dans ces allées sous les grands arbres, des micocouliers, des tilleuls et des magnolias, le vrai luxe provençal: de l'ombre et un verre d'eau fraiche, des senteurs... A propos de fragances, comment vous dire à quel point j'étais gournmande mais là encore je lâchais la proie pour l'ombre... Ma mère n'a cessé de me décrire ce repas de midi qui refroidissait sur la table en m'attendant, l'inquiétude qui montait, une heure était passée et je n'étais toujours pas là... Elle a couru à ma rencontre le coeur battant et elle m'a retrouvée le nez collé sur une devanture de patisserie d'où s'échappaient des odeurs savoureuses, chaudes. Elle prétendait que j'avais une concinelle sur l'épaule et qu'un papillon valetait autour de moi...

Les arbres que l'on coupe c'est toute une enfance et pas seulement la mienne, celle de tous ces gens qui hier sont venu sous la pluie tenter d'empêcher les tronçonneuses... ce n'est pas grand chose par rapport aux malheurs du monde, à tout ce que cette malheureuse ville subit, à ce qui se passe dans les quartiers, à ces pauvres vieux qui ne sortent plus de chez eux... Ils ont si peu de colère... disait Aragon... mais jusqu'à quand ça va durer ? Cette arogance des copains et des copains, ce refus de s'expliquer?

J'ai fait une rêve modeste et fou pas politique du tout, mais dans le fond est-ce que j'ai jamais compris quelque chose à la politique? Je voudrais un Parti Communiste en état de marche ayant une démarche stratégique offensive qui n'en fasse plus le supplétif de tous les aventuriers à la recherche de glorification personnelle... Non je veux des objectifs clairs, des buts, des dirigeants en qui avoir confiance ne serait pour pouvoir de temps en temps m'occuper d'autre chose, une bonne organisation qui nous rende efficace... je ne demande pas à ce que l'on partage toutes mes visions, mes sensibilités, mes errances sur la planète, ce que je veux c'est avoir confiance et je n'ai plus confiance.

Pour le reste, il faut se faire une raison il y a des choses que je perçois en général c'est ce qui nécessite une longue vue, un téléscope, mais pour le concret, les petites manoeuvres, je suis inapte, j'ai le nez collé sur la vitreine de la patisserie, j'échange mon collier d'or contre de la verroterie... Je suis incapable de voir ce qui se passe dans un petit collectif et je me fait rouler dans la farine par n'importe qui. Comme me disait mon cher compagnon pascal Fieschi: « Tu as de la chance d'avoir l'air impériale, parce que s'ils te connaissaient il feraient de la charpie de toi! »Ils ont fait effectivement de la charpie de moi... mais rien ne me décourage, l'injustice m'est insupportable... Je ne demande ni gloire, ni pouvoir, ni responsabilité, non simplement que nous soyons ensemble pour mener de justes combats, des gens prêts à rendre ce monde un peu plus supportable...

danielle Bleitrach

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