05/11/2018 europalestine.com  8 min #147888

Ce qu'il faut savoir à propos des fruits et légumes exportés par Israël...

Après avoir expulsé la plupart de Palestiniens de la Vallée du Jourdain, qui fait partie intégrante de la Palestine, mais qui a été prise d'assaut en raison de son sol très fertile et des "accords d'Oslo" qui lui en accordait le contrôle (en tant que "zone C"), Israel a installé ses colons, et fait trimer les ouvrier agricoles Palestiniens comme des bêtes. Des conditions d'exploitation rapportées par le magazine canadien Briarpatch.

Yousef, Samih, et Hasan* sont épuisés. Ils ont les yeux lourds et Samih est affalé sur sa chaise. Il est plus de dix heures du soir et les jeunes de 14, 15 et 16 ans doivent se lever dans moins de six heures.

« Nous n'avons pas le choix, explique Yousef. Si nous n'allons pas au travail, on nous mettra à la porte. C'est la pleine saison ».
Les trois adolescents palestiniens travaillent ensemble dans les champs de poivrons et de piments qui appartiennent à la colonie illégale de Tomer en Cisjordanie. Cette dernière qui fait partie de la Palestine, est sous occupation militaire depuis son invasion par Israël en 1967.

Les garçons sont au travail chaque jour à 5 heures et demie du matin, et récoltent poivrons et piments qui sont vendus partout en Israël, en Cisjordanie et dans le reste du monde. La plupart de leurs collègues sont des adolescents comme eux, certains n'ayant que 13 ans.

Malgré le dur labeur physique et leur jeune âge, ils nous disent qu'on ne leur permet aucune pause pendant la journée, même pas pour aller aux toilettes ou prendre une boisson : « Nous allons aux toilettes avant de partir au travail. Si on se fait prendre à la ferme, ils nous punissent », nous informe Yousef.

Ils sont aussi exposés aux pesticides utilisés dans les champs : « Les gars ont une machine qui pulvérise les pesticides », nous dit Hasan. Ceux qui le font, portent un masque mais c'est au moment où les ouvriers récoltent les piments. Or nous n'avons ni masque, ni gants ».
« Nous respirons les produits chimiques - toxiques. On utilise des tentes en plastique pour les fermes. On est donc enfermé. Nous le sentons dans les yeux » nous dit Yousef.

On ne leur donne pas d'eau potable. Ils doivent donc boire l'eau provenant du tuyau qui alimente les capiscum. Ils ont peur qu'elle soit polluée par des produits chimiques.

« Je me suis presque sectionné le doigt au travail, à cause des cisailles qu'on nous donne. Les colons ne nous donnent aucun jour de congé, quand on est malade ou blessé. Mon doigt m'a fait souffrir pendant 10 jours. Aucune aide médicale », nous dit Hasan.

Ces garçons font partie des 1.800 ouvriers palestiniens qui peinent dans les colonies israéliennes de la vallée du Jourdain. Les terres sur lesquelles ces colonies se sont établies furent volées aux Palestiniens. C'étaient en majorité des terres appartenant à des agriculteurs palestiniens, exploitants individuels.

Yousef, Samih et Hasan habitent tout près, dans le village de Fasayil où les occupants ont volé des centaines de kilomètres carrés de terres. Plus de 7% des alentours du village ont été saisis par le gouvernement israélien pour construire quatre colonies : Tomer, Gilgal, Petza'el et Netiv HaGdud. C'est illégal, selon le droit international. Pourtant, ces colonies et bien d'autres encore, ont attiré près de 11.000 colons dans la vallée du Jourdain.


Maisons palestiniennes du village de Fasayil

Près de 90% de la vallée du Jourdain a été classée Zone C - terre cisjordanienne qui est totalement contrôlée par Israël. Dans la Zone C, pour ainsi dire toute construction palestinienne est interdite par les autorités israéliennes, quel que soit son usage, y compris le logement et l'infrastructure.

La vallée du Jourdain est également utilisée par Israël comme terriain d'entraînement militaire : environ 46% de sa superficie a été déclarée zone militaire fermée. On voit des groupes de soldats rôder dans les collines au cours de leurs manœuvres militaires, et régulièrement détruire les maisons, les fermes et l'approvisionnement d'eau. On déclare les villages champs de tir militaires : les habitants sont contraints d'évacuer leur maison au dernier moment ou sans être prévenus. Les gens vivent constamment sous surveillance, sous le regard d'un nombre croissant de caméras positionnées au bord des routes. Les Palestiniens de la vallée du Jourdain doivent aussi faire face au harcèlement régulier de la part des colons et des soldats, que ce soit la violence, le vol, les injures ou la destruction des récoltes.

« Ma famille a des chèvres et des moutons, dit Hasan. Si l'on n'est qu'à 100 mètres de la clôture de la colonie, les militaires viennent tirer pour effrayer nos moutons. Parfois, ils nous attrapent, nous les bergers, et les moutons se sauvent partout. Les bergers sont souvent détenus par les soldats et ne sont relâchés qu'après des heures, sans pouvoir récupérer leurs moutons ».

L'accroissement des colonies israéliennes dans la vallée du Jourdain est dû au colonialisme sioniste, mais ce qui le motive également, c'est la perspective des entreprises israéliennes de gagner gros en exploitant la main d'œuvre bon marché palestinienne. Le taux de chômage à Gaza et en Cisjordanie est le plus haut du monde. Les revenus agricoles sont menacés et la liberté de circulation lourdement entravée par l'occupant, ce qui force les Palestiniens de la Cisjordanie à travailler dans les colonies sur des terres volées à leur famille. En 2017, plus de 130.000 Palestiniens travaillaient en Israël et dans les colonies.

Ils travaillent de longues heures laborieuses, sept jours sur sept. Ils sont payés 100 « NIS » (nouveaux shekels) - 36 dollars canadiens - par jour, ce qui inclut 10 NIS pour l'autobus qui les mène au travail. Le salaire minimum journalier israélien pour une semaine de six jours, auquel ont droit les Palestiniens qui travaillent dans les colonies israéliennes, est de 212 NIS (76 dollars canadiens).


Palestinien menant ses animaux, près des serres de la colonie de Tomer

La journée de travail devrait finir vers 13 heures, mais on les fait travailler au moins deux heures supplémentaires - quelquefois plus. « Si on refuse de faire des heures supplémentaires, ils nous renvoient, affirme Samih. Si on est fatigué, on n'a pas le droit de faire une pause. Si on le prend, on nous renvoie ». Souvent, les colons refusent tout net de payer les heures supplémentaires. « Le mois dernier, j'ai fait sept heures supplémentaires, mais ils ne m'ont pas donné un seul sou de plus », nous dit Khaled.

Ça rapporte gros aux entreprises des colonies, qui exportent des fruits et légumes pour les vendre partout dans le monde. Souvent, ces produits sont étiquetés « produit d'Israël », afin de cacher qu'ils viennent des colonies situées sur des terres palestiniennes - bien qu'en 2015, l'Union européenne ait demandé aux producteurs d'étiqueter clairement les produits fermiers et autres qui viennent des colonies bâties sur les terres occupées.

En 2005, 170 organisations de la société civile palestinienne se sont mises d'accord pour lancer la campagne de Boycott, de Désinvestissement et de Sanctions (BDS). Le boycott inclut les produits israéliens (y compris ceux qui proviennent des colonies), les entreprises et les institutions israéliennes. La propagande israélienne gouvernementale et sioniste traite ces militants d'extrémistes et d'antisémites, pour la simple raison qu'ils font pression sur l'état israélien, afin que celui-ci cesse d'opprimer les Palestiniens.
Le parlement israélien a qualifié d'infraction d'ordre civil, l'appel public au boycott contre l'état d'Israël. Début 2018, le gouvernement a publié une liste d'ONG dont les dirigeants feraient l'objet d'une interdiction d'entrer dans le pays.

Pourtant, ni Yousef, ni Samih, ni Hasan n'ont peur de perdre leur emploi, si le mouvement BDS gagne : « S'il n'y a pas de travail dans la colonie, on survivra, insiste Hasan. Le boycott est une bonne chose. C'est ce qu'on appelle la solidarité ».

Khaled aussi, soutient le BDS : « Je voudrais que partout dans le monde, on boycotte les produits israéliens. C'est ce qu'on appelle la résistance. Si les entreprises des colonies fermaient à cause du boycott, je serais ravi. Je trouverais du travail à Naplouse et il n'y aurait plus de colons dans la vallée du Jourdain ».

Au Royaume-Uni, en 2012, la chaîne de supermarchés coopératifs (the Co-operative Group of supermarkets), l'une des chaînes les plus importantes du Royaume-Uni, a annoncé qu'elle respectait le droit et qu'elle ne travaillerait plus avec les fournisseurs connus pour se servir dans les colonies illégales - ce qui a eu des répercussions sur quatre de ses fournisseurs : Agrexco, la société Arava export Growers ltd, AdaFresh et Mehadrin."

Enquête de Shoal Collective

(Traduit par Chantal C. Pour CAPJPO-EuroPalestine)

Source :  briarpatchmagazine.com

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