11/11/2018 2 articles reseauinternational.net  6 min #148130

Les Marines : des machines conçues pour tuer et mourir

Je me suis rendu compte que moi-même et beaucoup d’autres qui revendiquons le titre de Marine, avons vu notre altruisme, notre dévouement et notre patriotisme exploités ; on nous demandait, mieux, nous obligeait, de faire des sacrifices dans des guerres mal conçues, inutiles, injustes et immorales.

Par Camillo Mac Bica, Ph.D.

Le 10 novembre marque le 242e anniversaire du United State Marine Corps. C’est une période de commémoration au cours de laquelle les Marines actuels et anciens reconnaissent l’histoire et les traditions glorieuses de la branche militaire dans laquelle ils ont servi avec tant de fierté. Moi, cependant, je suis déchiré.

En tant qu’ancien officier du Corps des Marines ayant servi pendant la guerre du Vietnam, j’avoue encore de temps en temps avoir été un Marine, peut-être aussi avec une certaine fierté. Pourtant, j’ai réalisé que cet aveu englobe bien plus que la pompe et le faste avec lesquelles nous célébrons le 10 novembre chaque année.

J’ai réalisé ce qu’être un Marine implique réellement, depuis que, en tant que jeune homme, j’ai subi, le mot enduré serait plus approprié, une expérience profonde qui a changé ma vie, Marine Boot Camp, la période de formation durant laquelle tout ce que j’étais, tout ce à quoi je croyais, tout ce que je défendais et tenais pour sacré, était brutalement et méthodiquement détruit, avec le vide résultant rempli de nouvelles valeurs, « vertus » et capacités appropriées pour le rôle que je devais assumer.

Le Corps des Marines construit des hommes (et des femmes), dit-on, mais d’un type spécifique. Je me suis rendu compte qu’une grande partie de ce processus de conversion et de conditionnement physique, émotionnel, psychologique et éthique est destiné à créer des instruments efficaces de mort et de destruction, des machines à tuer qui obéiront aux ordres des dirigeants politiques et militaires de notre pays sans hésitation ni question.

J’ai réalisé que l’entraînement de Marine se concentre sur la construction d’une fraternité et une camaraderie intenses avec d’autres personnes portant l’uniforme. Quiconque a expérimenté la folie du champ de bataille comprend que lorsque ça commence à vraiment chauffer de partout, nous tuons et nous sacrifions, non pas pour dieu, le drapeau, le pays ou même pour le Corps, mais pour l’homme ou la femme se trouvant à nos côtés.

Je me suis rendu compte que moi-même et beaucoup d’autres qui revendiquons le titre de Marine, avons vu notre altruisme, notre dévouement et notre patriotisme exploités ; on nous demandait, mieux, nous obligeait, de faire des sacrifices dans des guerres mal conçues, inutiles, injustes et immorales. J’ai réalisé qu’en tant que marine, je ne me battais pas pour la liberté – la nôtre ou, dans mon cas, celle des Vietnamiens -, comme on l’entend si souvent, et aussi que j’étais un agresseur, un envahisseur et un occupant qui se battait pour le profit des entreprises et l’hégémonie nationale placée dans une situation intenable de survie où il fallait tuer ou être tué.

J’ai réalisé qu’en vivant selon les principes des Marines, je suis devenu un meurtrier, une prise de conscience qui m’a causé (ainsi qu’à bien d’autres) une profonde culpabilité, une honte et une détresse morale. Pour nombre d’entre nous, le SSPT (syndrome de stress post-traumatique) et les blessures morales ont rendu difficile, voire impossible le rétablissement après la guerre, et la mort par sa propre main devient une alternative préférable à une vie avec les séquelles de la guerre.

Je sais peu de choses de la vie de Ian David Long, le dernier d’une pléthore de tireurs de masse dans ce pays. Ce que je sais, c’est qu’il était un produit de l’entraînement des Marines, imprégné des comportements et des valeurs d’un guerrier, renforcé par les horreurs du champ de bataille, pour finalement prendre la vie de douze étrangers, et ensuite mettre fin à la sienne. Quand vous fabriquez des Marines, créez des tueurs, les envoyez à la guerre pour tuer et détruire, parfois ils ne peuvent pas tout laisser sur le champ de bataille. Ian David Long a été une autre victime de la guerre avec 12 innocents comme dommages collatéraux… quand la guerre revient à la maison.

Donc, cette année, le 10 novembre, je ne mangerai pas de gâteau d’anniversaire, ni ne porterai un toast au Corps. Je ne célébrerai pas non plus la mythologie. Je me contenterai plutôt de regarder la réalité de l’expérience, de reconnaître tout le processus comme une mascarade, une tromperie et un outil pour ceux qui profitent de nos efforts, de nos sacrifices, de notre sang et de nos vies.

Je reconnaîtrai à nouveau mon identité de Marine et j’accepterai la responsabilité et la culpabilité de ce que j’ai fait et de ce que je suis devenu. Enfin, je m’exprimerai pour m’assurer que d’autres jeunes hommes et femmes ne soient pas induits en erreur en adhérant à la mythologie et attirés dans le « culte des Marines ».

 Source :  veteranstoday.com

Traduction  Avic Réseau International

 reseauinternational.net

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