04/12/2018 europalestine.com  4 min #149135

La Cour Suprême israélienne élargit le « droit » de torturer

Vingt ans après avoir partiellement prohibé la torture, sans que cela change d'ailleurs grand-chose aux pratiques des soldats et policiers, la Cour Suprême israélienne vient de tomber le masque, en élargissant au contraire le cadre « légal » de ces traitements barbares.


(le « shabeh », l'une des tortures les plus communément utilisées contre les détenus palestiniens)

Israël avait certes signé en 1986 la Convention de l'ONU (dite « Convention de New York) bannissant les traitements inhumains, mais sans la transcrire pour autant dans son droit local.

Et si, en 1999, la Cour Suprême avait prononcé un arrêt condamnant la torture, elle avait néanmoins déclaré casher, outre ce qu'elle appelait hypocritement des « pressions physiques modérées », le recours à des brutalités extrêmes dans les cas où la personne arrêtée était susceptible de détenir des informations sur un attentat « imminent » (vieil « argument » déjà mis en avant par l'armée française pour justifier ses pratiques généralisées de torture coloniale, en Algérie en particulier).

Il est inutile de dire qu'en pratique, les policiers du Shin Bet, ont continué, au cours des 20 ans qui se sont écoulés depuis l'arrêt de 1999, à recourir systématiquement à leurs sales méthodes pour extorquer des aveux à leurs prisonniers.

La liste est longue des moyens physiques et psychologiques utilisés : prisonniers violemment secoués par trois ou quatre bourreaux pendant des dizaines de minutes, coups répétés, privation de sommeil, exposition prolongée à un froid intense ou au contraire à une chaleur brûlante, maintien pendant des heures et des heures du prisonnier dans des positions douloureuses, couverture systématique de leur tête par un sac rempli d'excréments, pour n'en citer que quelques uns.

Le Comité israélien contre la torture (PCATI), qui a déposé au nom de prisonniers palestiniens pas moins de 1.100 plaintes, s'est toujours heurté à un mur, en raison de la dissimulation des preuves, de la mauvaise volonté du système judiciaire, et de la difficulté à identifier les tortionnaires.

Un cas de plainte a néanmoins pu franchir les premiers obstacles : il concerne un militant du Hamas, Fares Tbeish, arrêté une première fois en 2011 et placé en détention administrative.

Tbeish, qui devait être ensuite condamné à trois ans de prison pour « complicité de terrorisme », avait avoué sous la torture avoir reçu des armes qu'il avait ensuite cachées, sans qu'il ait été pourtant établi, par l'accusation, que le suspect s'apprêtait à commettre un attentat.

En l'absence d'une menace « imminente », les actes de torture qu'il a subis étaient donc illégaux, y compris au regard de la jurisprudence de 1999 de la Cour Suprême, et ses tortionnaires, identifiés, étaient bien passibles de poursuites pénales.

D'où le recours, jugé dans un premier temps recevable, devant la haute juridiction.
Celle-ci n'a pas remis en cause le témoignage du plaignant sur les faits : bastonnade, privation de sommeil, déplacements incessants d'un commissariat à un autre, humiliations physiques, supplice dit de « la chaise », etc. Les stigmates de son calvaire (dents cassés, contusions multiples,...) n'ont d'ailleurs pas été contestées.

Pour autant, la Cour Suprême, a non seulement absous les agents du Shin Bet mis en cause, mais elle a au contraire élargi considérablement le champ « légal » de la torture dans « la seule démocratie du Moyen-Orient ».

« Cet arrêt montre en effet qu'aux yeux de la Cour Suprême, les mauvais traitements physiques sont un moyen légitime, et peut-être même le meilleur moyen de conduire un interrogatoire dans les affaires sécuritaires, commente dans le journal en ligne 972+ le professeur de droit Itamar Mann.

« En effet », poursuit l'universitaire, « l'arrêt autorise l'interrogatoire de toute personne considérée comme dépositaire d'informations sur une organisation terroriste, sans qu'il soit nécessaire d'invoquer le caractère imminent d'une
menace ».

De facto, tout individu réputé être un « ennemi combattant » pourra être torturé, ce qui est déjà le cas, mais dorénavant ce sera toujours avec le tampon de la légalité !

 972mag.com

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