07/12/2018 reporterre.net  5min #149299

Des victimes de la grenade explosive Gli-F4 portent plainte

Plusieurs victimes mutilées par la grenade explosive GLI-F4 portent plainte. Leurs avocats engagent aussi un recours contre le décret permettant l'utilisation de cette arme, que la France est le seul pays à utiliser.

Six plaintes vont être déposées auprès du parquet de Paris par des victimes blessées ou mutilées par des grenades lancées par les forces de l'ordre le samedi 24 novembre et 1er décembre lors des manifestations à Paris des Gilets jaunes. C'est ce qu'ont annoncé jeudi 6 décembre, lors d'une conférence de presse, leurs avocats Aïnoha Pascual, Chloé Chalot, William Bourdon, Raphaël Kempf et Arié Alimi. Les avocats vont aussi demander à la justice l'interdiction d'utiliser la grenade explosive GLI-F4.

Une des victimes est Gabriel, 21 ans, blessé par une GLI-F4 le 24 novembre. Il était venu en famille avec sa mère, sa sœur, son frère et son beau-frère. Après avoir déjeuné aux alentours de la place de la République, ils se sont retrouvés aux Champs-Élysées pour participer au rassemblement de manière pacifique. Arrivés sur place, ils ont constaté des scènes d'émeutes, particulièrement violentes, tant du côté des forces de l'ordre que celui des manifestants. Il se sont retrouvés coincés dans ce groupe. A 18 h, une grenade lancée par des policiers a explosé à proximité de Gabriel et de sa famille. « Par chance, le frère de Gabriel filmait la scène, on a pu consulter cette vidéo, qui montre qu'au moment où la grenade va être lancée et exploser sur sa main, il ne se passe absolument rien, pas de jet de projectiles. On entend l'arrivée de la grenade et à l'explosion de la déflagration les gens commencent à hurler », a expliqué Me Pascual.

Aujourd'hui, Gabriel a perdu l'usage d'une partie de sa main droite. Il a également le visage et le flanc gauche criblés de morceaux de plastique et de métal. « J'ai été personnellement choqué par le fait que la famille de Gabriel n'ait pas reçu un seul message des autorités de l'État pour s'enquérir du sort de leur fils, déplore Me Bourdon. La moindre des choses aurait été de montrer une forme de compassion de la part de l'État, ce silence est inacceptable. » Gabriel a décidé, avec sa famille, de porter plainte contre X pour des faits de violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.


Aïnoha Pascual, William Bourdon, Chloé Chalot : « Nous en appelons à la responsabilisation des agents de la force publique pour que de tels drames ne se répètent pas »

Malheureusement Gabriel n'est pas le seul blessé. « Il y a énormément de victimes invisibles qui, je l'espère, vont déposer plainte, parce que le but est de montrer qu'à chaque fois qu'un policier va utiliser ces armes, il est susceptible d'être poursuivi pénalement et d'encourir à la prison même si la loi autorise l'usage de ces armes », déclare Me Alimi.

Suite à ces nombreuses blessures provoquées par l'utilisation de la grenade GLI-F4 par les forces de l'ordre, le collectif d'avocats a lancé un appel au gouvernement pour l'interdire. « Nous avons décidé collectivement, au nom des personnes que nous représentons, de demander très officiellement au Premier ministre d'abroger le décret qui permet aux forces de l'ordre d'utiliser les grenades GLI-F4, a dit Me Kempf. « S'il refuse d'abroger ce décret, nous attaquerons son refus devant le tribunal administratif. S'il ne répond pas, nous attaquerons également son absence de réponse pour obtenir judiciairement l'interdiction de ce type de grenade. »

La GLI-F4 est une grenade qui contient une charge explosive et notamment 25 grammes de TNT (trinitrotoluène). « Elle a également une charge lacrymogène très importante et un effet assourdissant, le bruit monte jusqu'à 165 décibels, soit plus qu'un avion au décollage », explique Me Pascual. Les avocats se retrouvent néanmoins face à une difficulté, car les instructions relatives à la grenade GLI-F4 ne sont pas publiques. Il est donc difficile de critiquer son utilisation puisqu'on ne sait pas dans quelle condition elle peut être utilisée.


Aïnoha Pascual : « L'Allemagne utilise comme seul arme dans le domaine du maintien de l'ordre des canons à eaux et des gaz lacrymogènes »

Le collectif fait appel à la responsabilisation de l'État concernant cette arme que la France est le seul pays européen à utiliser. « L'Allemagne utilise comme seule arme dans le domaine du maintien de l'ordre des canons à eaux et des gaz lacrymogènes », assure Me Pascual.

« Plus le traitement judiciaire sera adéquat et rapide, plus il pourra concourir à une forme d'apaisement, de confiance dans les devoirs de l'État. Et par conséquent, nous en appelons à une responsabilisation forte, à la hauteur de la gravité de ce qui s'est passé, des très graves blessures endurées par ces familles et ces personnes que nous défendons. Et au-delà, à la responsabilisation des agents de la force publique pour que ces drames ne se répètent pas », ajoute Me Bourdon.

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