Une semaine après l’annonce du retrait US de Syrie, beaucoup de personnes sont septiques tant sont multiples les contradictions que ce supposé retrait suscite. En effet, si un premier contingent de forces US a quitté le nord est de la Syrie, c’est pour se redéployer dans le nord de l’Irak en zone kurde.
Ainsi, les USA multiplient les bases en Irak et plus précisément à Al-Anbar, à l’ouest irakien où les USA viennent de créer une nouvelle base de campement de troupes, à quelques KM de la frontière syrienne.
La question qui se pose est : quel sera le sort des troupes US qui disent vouloir quitter la Syrie? Où iront-elles? Seront-elles rapatriées ou vont-elles rejoindre leurs collègues dans les pays arabes ou africains? Vont-elles être redéployées en territoire irakien ?
1 – Rappel historique
En octobre 2016, Daesh était à son apogée aussi bien en Syrie qu’en Irak . L’Etat Islamique avait pour capitales Mossoul en Irak et Raqqa en Syrie.
Plus de 100 000 terroristes étaient venus de l’étranger (environ de 80 pays) pour constituer un nouvel État à cheval sur l’Irak et la Syrie (zone grise de la carte ci-dessous). Il faut ajouter les partisans d’ Al-Qaïda, plusieurs dizaines de milliers, dont le but est de détruire l’État syrien (zone verte)
Tous ces terroristes ont été aidés sur le plan militaire par les USA-Israël et l’Otan, sur le plan financier par l’Arabie Saoudite et le Qatar, sur le plan logistique par la Turquie Jordanie et Israël.
Tout ceci fait beaucoup de mondepour l’Irak qui sortait de trois guerres (d’abord avec l’Iran, puis avec l’Occident).
La Syrie qui commençait à décoller sur le plan économique grâce à son pétrole et à son industrie a donc été pillée (machines outils, pétrole, antiquités,…) par les islamistes aidé par les USA qui n’ont cessé de protéger par leur aviation Daesh ou Al-Qaïda lorsque l’armée syrienne s’approchait trop près notamment des puits de pétrole qu’ils pillaient.
Ainsi, c’est par milliers de camions que le pétrole extrait par les terroristes était pris en charge pour être vendu en Turquie à l’Occident au tiers du cours mondial.
A ce pillage, c’est ajouté les massacres des civils par les terroristes : décapitations, viols, projection dans le vide du haut des immeubles, civils brûlés vif dans des cages en fer,….Mais l’Occident champion des droits de l’Homme, de la Femme, des enfants, a détourné les yeux,
Tout ceci a entraîné le départ de plusieurs millions de civils vers l’étranger, laissant la Syrie exsangue au prise avec les mercenaires de l’Occident pour la dépecer. Ce pays a été détruit non seulement par les terroristes mais par les USA qui se sont acharnés à détruire son infrastructure.
Zone Rose : zone gouvernementaleZone Jaune : zone kurdeZone Grise : Daesh (État Islamique)
Zone Verte : Al-Qaïda en majorité
2 – SITUATION FIN 2018 EN SYRIE
Aujourd’hui les choses ont bien changé :
– En Irak, Daesh a quasiment disparu grâce à la réorganisation de l’armée irakienne et surtout des milices populaires multiconfessionnelles composées majoritairement de chiites : les Hachd al-Chaabi, en arabe « Unités de mobilisation populaire »
– En Syrie, l’armée syrienne réorganisée avec l’intervention Russe, l’aide du Hezbollah libanais et des conseillers iraniens ont fait reculer très sévèrement Daesh. Il ne reste que des groupes qui errent dans le désert, des villages occupées dans la région est d’Abou Kamal, les autres survivants ont rejoint Al-Qaïda ou l’armée américaine pour constituer les FDS (Forces Démocratique Syrienne) : une sorte de Daesh recyclé beaucoup plus présentable.
Zone Rose : zone contrôlée par le Gouvernement syrien
Zone Grise : zone occupée par Daech qui erre dans le désert
Comme le montre la carte ci-dessus, le territoire syrien est loin d’être entièrement libéré des forces d’occupation. En effet, plus de 30% de la Syrie est occupé par des forces sous le contrôle :
- au nord ouest de la Turquie.
- à l’est des USA (zone jaune).
- Au sud la base stratégique US d’Al-Tanf (en bleu)
Nous allons étudier ces trois dernières zones d’occupation
3 – AU NORD OUEST : l’occupation TURQUE
Le gouvernement syrien a placé le front nord parmi ses priorités et entendait y focaliser toute son armée avant la décision de Trump de quitter la Syrie.
A – Le Gouvernorat d’Efrin : zone en vert clair sur la carte ci-dessus.
L’occupation turque s’est faite d’autant plus facilement que les kurdes ont refusé toute aide de l’armée syrienne : ils ont été écrasés par l’armée turque.
Pire que cela, l’armée turque s’est livrée a des exactions digne de Daesh et Al-Qaïda : massacres des populations, pillages, incendies des maisons,…
B – Le Gouvernorat d’Idlib : zone verte sur la carte ci-dessus.
Le gouvernorat d’Idlib est contrôlé principalement par les terroristes du Front al-Nosra (Al-Qaïda) depuis 2015. Puis, cette zone a été appelée «zone de désescalade » suite aux accords d’Astana entre la Russie, l’Iran et la Turquie en 2017. Elle regroupe aujourd’hui environ 30 000 terroristes de différentes obédiences.En conséquence, cette province vit dans une grande insécurité du fait des combats entre diverses factions terroristes.
Cette zone a néanmoins pu être protégée peu ou prou grâce à des opérations entreprises par l’armée syrienne qui a réduit de moitié en 2018 la zone contrôlée par les terroristes
Un nouvel accord,dit de Sotchi du 17 septembre 2018 entre la Russie et la Turquie, crée une zone démilitarisée (zone en jaune sur la carte ci-dessous) de 20 km a l’intérieur de cette zone verte et engage par écrit la Turquie à désarmer tous les terroristes dans la zone démilitarisée.
Mais, la Turquie n’a pas joué le jeu . En effet, elle a pris soin d’enrôler le maximum des terroristes les moins virulents dans son armée en vue d’une future attaque sur le nord est de la Syrie. Ces terroristes ont déplacé leurs équipements lourds (chars et artillerie) hors de la zone démilitarisée conformément à l’accord.
Quant aux factions terroristes les plus extrémistes, Tahrir al Sham et les Turkmènes qui ne respectent pas l’accord, ils ont creusé des fossés pour cacher leurs armes sur place. La Turquie qui a la responsabilité de les supprimer n’a rien fait, bien au contraire les laissant face à l’armée syrienne comme glacis afin de protéger ses conquêtes.
La bataille d’Idlib n’aura donc pas lieu, du moins pas dans l’immédiat. Mais le gouvernement syrien tient à rétablir la sécurité dans ce gouvernorat de 3 millions d’habitants.
4 – ENTRE L’EUPHRATE ET LA FRONTIÈRE IRAKIENNE : les USA veulent créer un État à l’Est ?! (zone jaune de la carte ci-dessous)
Depuis 2014, sans mandat de l’ONU ni l’autorisation du gouvernement syrien, les USA et leurs alliés lancent,en soutien aux terroristes, régulièrement des frappes aériennes contre l’armée syrienne et ses alliés.
Or, depuis novembre 2017, les États-Unis n’ont absolument rien fait contre Daesh dans l’est de la Syrie, au nord de l’Euphrate.
A – Dernièrement les USA ont créé les Forces Démocratiques Syriennes FDS qui comptent plus de 35 000 combattants.
Sous l’appellation de Forces Démocratiques Syriennes (FDS), on trouve une coalition disparate de groupes « rebelles » en Syrie, incluant des factions kurdes, armées, entraînée et soutenues par les USA.
Mais, tous les Kurdes ne sont pas dans les FDS, bien qu’elles se vantent de compter un nombre important de Kurdes dans leurs rangs, les FDS ne sont pas expressément kurdes et sont en fait l’organisation parapluie de plusieurs milices d’anciens terroristes de Daesh ou d’Al-Nosra (groupe affilié à Al-Qaïda) q ui ont été recyclés par l’armée américaine dans le nord de la Syrie après s’être rendus à l’armée américaine à Raqqa.
Il faut ajouter les tribus antérieurement alliées avec Daesh qui ont rejoint les FDS au cours de l’année 2018. (voir Annexe).
B – Le bouleversement stratégique : l’arrivée des S-300 russe
L’élément nouveau est l’installation d’une batterie complète de S-300 russe près de Deir ez-Zord. Mais ce n’est pas tout : outre les batteries de missiles S-300, la Russie aurait expédié dans l’est syrien ses instructeurs militaires en soutien aux forces syriennes pour utiliser les S-300.
En conséquence, les batteries de missiles S-300 sont censées avant tout réduire le champ d’action de l’US Air Force. Les alliés des États-Unis, à savoir la Grande-Bretagne, la France (qui a plus de 1100 soldats!!!!) et les autres pays de l’OTAN auront donc tout intérêt désormais à tenir compte de la présence de ces redoutables armes antimissiles avant de lancer leurs avions à l’assaut des positions de l’armée syrienne ou ses alliés.
Est-ce cet élément qui a poussé Trump a annoncé le retrait des forces US, car les cartes ont été redistribuées ?
Certainement et c’est sur les FDS que demain les USA comptent pour poursuivre le combat contre l’armée syrienne après leur éventuel départ.