16/01/2019 tlaxcala-int.org  7 min #150851

Cesare Battisti arrêté en Bolivie, l'Italie attend une extradition rapide

Le texte de la demande d'asile de Cesare Battisti à la Bolivie

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Voici le texte de la demande d'asile déposée le 21 décembre dernier par Cesare Battisti peu après son arrivée en Bolivie, dont le ministre de l'Intérieur Romero a affirmé, après son expulsion vers l'Italie le 13 janvier, qu'elle avait été rejetée le 26 décembre et qu'en conséquence il avait été remis à la police italienne. Nous nous permettons d'émettre des doutes sur la réalité de ce rejet en bonne et due forme, le ministre n'en ayant pas fourni des preuves. À ce jour, l'opération s'apparente à un kidnapping dans le style des « extraordinary renditions » commises par la CIA à travers le monde après le 11 septembre, et à l'enlèvement d'Illich Ramirez Sanchez, dit Carlos, par les services de Charles Pasqua au Soudan, en 1994. Nous avons conservé le style de l'original en espagnol, corrigeant simplement les fautes de frappe-Tlaxcala

Bogota, 18 décembre 2019

(Tampon d'accusé de réception de la COINARE)

Messieurs du Secrétariat Technique de la COMMISSION NATIONALE DES RÉFUGIÉS

Objet : DEMANDE DE RECONNAISSANCE DE LA CONDITION DE RÉFUGIÉ

Messieurs,

Mon nom est Cesare Battisti, né le 18 décembre 1954 à Cisterna Di Latina, Italie, au sein d'une famille communiste (mon grand-père fut l'un des fondateurs du Parti Communiste Italien). A la fin de mes études secondaires j'ai pris conscience de ce que le Parti Communiste Italien était partie prenante dans le partage de pouvoir et la corruption généralisée dans l'État italien, à cette époque. Début 1970, quand le parti expulse les intellectuels gauchistes, je rejoins d'abord une organisation de gauche appelée Lotta Continua. Durant cette période, j'ai été arrêté au cours d'actions dites « d'expropriation prolétarienne », pour financer l'organisation et la publication du journal Lotta Continua, avec un tirage quotidien de 50 000 exemplaires jusqu'en 1975.

Entretemps l'ancienne organisation Potere Operaio (Pouvoir Ouvrier, intimement liée à Toni Negri et autres) se dissout pour se transformer en Autonomia Operaia, au début des années 70.

Dans ces circonstances, je suis entré dans un collectif faisant partie de l'Autonomie Ouvrière. A cette époque, on réalisait des actions politiques et d'expropriation prolétarienne que personne ne revendiquait ou en assumait la responsabilité politique comme organisation au sein de l'Autonomie Ouvrière.

J'ai été arrêté alors que je réalisais ce genre d'actions, dont l'objectif était toujours de financer la propagande de l'organisation de lutte politique.

Cette situation de semi-clandestinité continue jusqu'en 1976, quand je rejoins une organisation armée clandestine nommée PAC (prolétaires Armés pour le Communisme).

Durent cette décennie, appelée en Italie « les années de plomb », plus de 100 organisations de diverses dimensions se sont créées. Les PAC étaient l'une d'elles.

Personnellement, moi, Cesare Battisti, après l'assassinat d'Aldo Moro en mai 1979, j'ai participé à des réunions de nombreuses organisations pour décider si cette action était compatible avec la ligne et le projet politique.

Parmi d'autres organisations, une partie des militants des PAC, dont moi, ont pris leurs distances de cette action, indiquant qu'elle était contraire à nos principes révolutionnaires et que, de plus, elle constituait un suicide politique.

C'est à cette époque qu'est née ma première fille Valentina et que j'ai écrit mon premier roman, Buena Onda, publié plus tard par le prestigieux éditeur Gallimard en français.

Grâce à la doctrine Mitterrand, je suis retourné en France en 1990, où, après que la Cour suprême (sic) de Paris avait rejeté la demande d'extradition italienne, je me suis établi et j'ai poursuivi mon métier de journaliste et d'écrivain.

A partir de cette date, protégé par la doctrine Mitterrand, j'ai constitué une famille et je me suis consacré au métier d'écrivain, publiant 13 autres ouvrages chez des prestigieux éditeurs français et italiens.

Finalement, alors que j'avais établi une nouvelle vie, et que tout laissait croire que ces faits appartenaient au passé, en 2004, la convergence de deux gouvernements de droite (Berlusconi en Italie et Sarkozy en France) fait que le pays berceau des droits humains passe outre à la Constitution, se met à juger à nouveau pour un fait déjà jugé, sans qu'intervienne aucun élément nouveau dans ces accusations (violant ainsi la Constitution). En fait, il y avait derrière cela des contrats de millions entre les États français et italien.

En 2004, je me suis vu obligé d'abandonner ma famille et de fuir au Brésil. Où j'ai continué mon métier, publiant 5 autres livres, constituant une famille, avec un fils, Raúl, qui a actuellement 5 ans.

L'ex-président Luis Ignacio Lula da Silva (après avoir acquis la certitude que ma personne n'était pas ce monstre que le gouvernement italien tentait de fabriquer, avec une demande absurde d'extradition), me concède le STATUT DE RÉSIDENT PERMANENT, en 2010.

Une fois de plus, une néfaste coïncidence, un gouvernement d'extrême-droite élu en Italie et un autre au Brésil, avec l'élection de Bolsonaro, font que, à nouveau, je sois obligé de demander de l'aide à un pays aux principes démocratiques comme la Bolivie.

Quelques jours après sa victoire électorale, Bolsonaro a promis publiquement qu'il fera tous les efforts nécessaires pour m'extrader. C'est pourquoi, ce 13 décembre, un juge brésilien

Sous l'influence du ministre de la Justice et du président Temer, a ordonné mon arrestation à des fins d'extradition et a chargé Interpol d'un mandat d'arrêt international. C'est pourquoi, dans le cadre de la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951 et de son Protocole additionnel de 1967, de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, de la Constitution politique de l'État plurinational de Bolivie, de la Loi 251 de juin 2012 et Du Décret présidentiel 1440 de décembre 2012 et d'autres traités et conventions internationaux ratifiés par la Bolivie, ma situation délicate correspondant à celle exposée dans les inserts a) et b) de l'alinéa 1 de l'article 15 de la Loi 251, je Vous demande d'examiner ma requête humanitaire et de l'accorder le statut de réfugié, pour garantir ma sécurité, ma liberté et ma vie, contribuant ainsi à la construction d'une société de paix reposant sur la justice sociale et les principes de légitimité de la rébellion sociale face aux injustices.

Je reste à Votre disposition pour que, après avoir reçu ma demande, Vous puissiez me fixer une heure, une date et un lieu pour réaliser un entretien, durant lequel je pourrai fournir plus d'informations à l'appui de ma requête.

Vous remerciant d'avance, je Vous adresse mes cordiales salutations.

Cesare Battisiti

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Source:  tlaxcala-int.org
Publication date of original article: 16/01/2019

 tlaxcala-int.org

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