Il s’agit, évidemment, d’une accusation très grave qui trouve toutefois ses fondements dans les faits que je me propose de mettre en évidence dans le présent article. Je me considère comme un croyant qui donne valeur au message évangélique et au témoignage de ce Jésus que nous ont transmis les Évangiles. Mon intervention se dirige directement au pouvoir de l’État du Vatican qui décide de ses représentants politiques dans le monde, comme c’est le cas pour tous les États, membres des Nations Unies. C’est également ce même État qui voit aux nominations des évêques et cardinaux. Ces derniers sont nommés en fonction de leurs prédispositions, non seulement à l’action pastorale, mais également à l’action politique.
En Amérique latine, plus que partout ailleurs, les pouvoirs de cet État du Vatican sont mis à contribution, de façon toute particulière, pour contrer, sur le terrain politique, tout mouvement, parti politique et gouvernement aux prétentions socialistes et anti-impérialiste. Le seul fait de se déclarer socialiste et anti-impérialiste constitue un motif suffisant pour se joindre à toutes les autres forces politiques et économiques qui sont directement visées par ces gouvernements émergents dont, évidemment, les Etats-Unis et ses alliés en Amérique latine.
Dans les faits, que représentent-ils ces gouvernements qui se présentent dans le cadre des démocraties existantes et qui se retrouvent démocratiquement élus pour mener à bien le mandat reçu du peuple?
Ils deviennent, dès le départ, des gouvernements à abattre, à détrôner d’une façon ou d’une autre. C’est que l’État, sous ces nouveaux venus, n’est plus l’état des oligarchies et encore moins des États-Unis pour qui l’Amérique latine est sa cour arrière sur laquelle il a tous les droits. On se souviendra du sort réservé à Salvador Allende lorsqu’il a accédé au pouvoir de l’État chilien. À ce moment, tous les moyens ont été mis en place, d’abord pour qu’il n’arrive pas au pouvoir, mais ce fut sans succès, puis par diverses autres mesures, connues aujourd’hui sous l’expression, de guerres économiques, pour finalement se transformer en un Coup d’État militaire des plus sanglants de l’époque. Ceci se passait dans les années 1969 à 1973. Les persécutions et les tortures se poursuivirent durant plusieurs années, donnant lieu et place au Plan Condorvisant à faire disparaitre tous les acteurs sociaux engagés en faveur de plus de justice et de respect des droits des personnes et des peuples.
À peu près à la même période, des généraux de l’armée argentine, s’improvisèrent à la demande de Washington pour se substituer au Président légitime et prendre en main le destin de la nation. Ils furent, également, impliqués dans les persécutions et l’assassinat de nombreuses personnes oeuvrant au service des intérêts de leur peuple.
Dans les temps que sont les nôtres, l’émergence, de nouveaux gouvernements aux ambitions démocratiques, sociales, économiques et politiques ont réveillé l’ours impérial et ses acolytes pour couper court à ces gouvernements. Je pense au Venezuela de Chavez, au Brésil de Lula, à l’Argentine des Kirchner, à l’Équateur de Correa, à la Bolivie d’Évo Morales, au Nicaragua de Daniel Ortega et à Cuba de Fidel et de Raoul, toujours harcelé par un blocus économique qui dure depuis plus de 58 ans.
QUEL EST LE RÔLE QUE JOUENT L’ÉTAT DU VATICAN ET LES ÉPISCOPATS LOCAUX À L’ENDROIT DE CES PAYS ÉMERGENTS?
Dès le départ, il importe de signaler que les révolutions amorcées par les pays émergents, plus haut mentionnés, ne s’attaquent d’aucune manière à la foi chrétienne et que, dans de nombreux cas, les leaders de ces derniers sont profondément chrétiens. Ce fut le cas de Chavez, de Lula, de Correa, et de bien d’autres. Maduro, à la manière de Chavez, se démarque par ses références à la foi, à l’amour, au Christ rédempteur, etc. Il a souvent les allures d’un pasteur évangélique, se référant souvent aux principaux préceptes des Évangiles. Evo Morales, pour sa part, s’est félicité d’avoir, en la personne du pape François, un « papa » avec odeur d’Évangile.
Par contre, ceux qui sont les plus interpelés par ces gouvernements émergents, ce sont les oligarchies locales qui bénéficiaient d’avantages économiques des gouvernements précédents, plus que tout, les États-Unis et ses multinationales, qui y perdent leur ascendant et leur pouvoir de domination. Le socialisme et la démocratie participative auxquels se nt ces gouvernements visent la reprise en main des richesses du pays pour les investir au profit du mieux-être de la population. L’éducation, la santé, le logement, accessibles à tous, sont des priorités auxquelles ils s’adonnent. Lorsqu’on regarde de près ces politiques, on y retrouve les grands objectifs de la doctrine sociale de l’Église.
Washington a su, tout au long des années passées, vendre l’idée aux autorités ecclésiales que ces gouvernements n’étaient que du maquillage derrière lequel se cache le communisme totalitaire et dictatorial. Avec l’arrivée du pape Jean-Paul II, ce raisonnement trouvait un bon accueil, lui qui sortait d’une Pologne communiste. C’est d’ailleurs, avec ce dernier qu’un premier Pactea été signé en vue de travailler main dans la main pour empêcher l’émergence d’un tel communisme, maquillé en gouvernement démocratique. Ce fut à l’époque, la condamnation de la théologie de libération et la présence d’une certaine complaisance avec le dictateur Pinochet au Chili et des généraux en Argentine.
Il est évident que dans le cadre d’une telle alliance, les nominations des Nonces apostoliques, des évêques et des cardinaux se réalisaient en conformité avec les objectifs poursuivis de part et d’autre. Sous Benoît XVI ce fut le même scénario qui a été maintenu.
L’arrivée du pape François a généré beaucoup d’espoir de la part des artisans pour le soutien et l’émergence de nouveaux gouvernements aux préoccupations sociales prononcées et pour une plus grande indépendance. Il semblerait que l’enthousiasme des premières années se soit transformé en une victoire des forces conservatrices et alliées de Washington. En 2014, le pape François a signé de nouveau un Pacteavec Obama, allant dans le même sens que l’antérieur, avec le pape J.P. II.
Toujours est-il que les épiscopats latino-américains s’unissent pour condamner le chavisme du Venezuela, le socialisme du Nicaragua et qu’ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour discréditer les gouvernements légitimes en place. Ils font partie de l’arsenal stratégique de Washington dont l’objectif principal est de reprendre le contrôle de ces États et de leurs richesses. Dans le cas du Venezuela, ces richesses sont énormes.
Les menaces de coups d’État et d’interventions ne manquent pas. Bien que ces menaces aillent à l’encontre du droit international, le Vatican et les épiscopats ne disent rien.
Que font les évêques pour créer un climat de coup d’État?
D’abord, ils se font visibles le plus possible pour dénoncer à l’international un Venezuela en ruine, délaissé et gouverné par des incompétents marxistes, communistes, socialistes, dictateurs, autoritarisme et j’en passe. C’est le message qu’ils diffusent autant de fois qu’ils en ont l’opportunité.
En second lieu, il faut s’arrêter à ce qu’ils ne disent pas.
D’abord, en relation avec les réalisations du gouvernement : Pas question pour eux de parler des gains en éducation, gratuite à tous les niveaux pour tous et toutes, de ceux en service de santé, également gratuit. Pas question, non plus, de parler des deux millions de logements, mis à la disposition des familles humbles. En parler, ne serait pas bon pour les objectifs qu’ils poursuivent.
En second lieu, en relation avec les préparatifs d’un coup d’État : ils se garderont de parler des guerres économiques auxquelles le Venezuela est soumis, des sanctions qui ont pour objectifs de limiter les capacités d’achat à l’international des biens essentiels pour le peuple, dont, par exemple, les médicaments. Tout cela dans le seul but de susciter le mécontentement du peuple à l’endroit du gouvernement considéré comme le grand responsable de tous ces maux. Ils ne dénonceront surtout pas les préparatifs d’un coup d’État qu’ils désirent tout autant que celui désiré, en avril 2002, contre Chavez.
Ce comportement transforme l’épiscopat en complice de Washington et, sous des dehors de bonne foi et de sincérité, il participe à la grande tromperie conduisant à l’intervention extérieure.
Il y a, en Amérique latine, un dicton qui dit« qu’aucun coup d’État militaire ne serait possible sans le soutien des évêques et du Vatican ».
Nous en sommes là,et s’il y a coup d’État au Venezuela, il y aura guerre et des milliers de morts. Le peuple vénézuélien ne se laissera pas écraser sans résister et sans se battre. Il ne sera d’ailleurs pas seul.
Le Vatican et les évêques devront assumer leur responsabilité dans ce coup d’État et les morts qui en auront été les victimes. Tout cela pour remettre le pouvoir et les richesses de ce pays aux mains de Washington.
Nous sommes bien loin des Évangiles et des pasteurs témoignant de celles-ci.
Photo: Episcopat vénézuélien
source: humanisme.blogspot.com