21/02/2008  4 min #15144

Le débat SOUS la réforme de l’éducation

Sous le couvert du renouveau pédagogique (la « réforme »), le ministère de l’Éducation a procédé à des réformes néolibérales bien plus graves : utilitarisme, coupures budgétaires, ségrégation élitiste et désengagement pédagogique. Le débat à faire n’est pas sur la réforme, mais bien sous le voile qu’a imposé la réforme.

mardi 19 février 2008, par Antoine Casgrain

Les enjeux pour une éducation publique de qualité

Faire le débat « ontologique » sur les vertus du socio-cognitivisme, comme Stéphanie Demers dans son article, publié la semaine dernière sur ce site, n’aide pas à comprendre les enjeux actuels en éducation. Les taux de diplomation ont connu un recul au Québec depuis les coupures des années 1990, contrairement à la tendance inverse entretenue durant tout le XXe siècle. Les classes sont surchargées, sans aides pédagogiques. Mais surtout, depuis de nombreuses années, la classe moyenne sort ses enfants de l’école publique pour la placer dans les écoles privées. Pour faire face à cette « concurrence », on a laissé s’imposer des programmes de sélection élitiste au sein même de l’école publique. Ce faisant, on laisse les cas problèmes se multiplier à l’école « régulière ».

Les pédagogues bien intentionné-es, imbu-es de leurs recherches dans le domaine de la psychologie et de la cognition, regardent souvent leurs théories en vase clos. Ils ont travaillé à faire disparaître les classes spéciales pour intégrer les élèves en difficulté d’apprentissage avec les autres. Bien que fondée dans la théorie, en pratique, cette libération des exclus par le bas n’avait pas prévu que l’école s’écrémerait par le haut. Résultat : les élèves en difficulté ne représentent pas un ou deux individus par classe, mais des fois le quart des élèves d’une école de quartier défavorisé.

Sous le renouveau pédagogique, on prétend centrer l’éducation sur "l’enfant", un mouvement qui encourage la segmentation hâtive selon les forces et les goûts de chacun. L’école n’est plus appelé à rassembler les citoyen-nes de toutes origines. La ségrégation sociale revient à grand pas, mais enrobé de la couleur rose des projets transversaux adaptés à l’intérêt particulier de chaque enfant.

On ne peut extraire l’éducation de la conjoncture sociale, encore moins de la structure de domination. Le principal danger de notre système éducatif, ce n’est pas le retour du frère des écoles chrétiennes, l’épouvantail des partisans de la réforme, le danger c’est ce qui loge encore dans l’ancien collège chrétien : c’est-à-dire l’école privée. Le Québec n’a jamais voulu s’attaquer à ce péché mignon qui date de notre société inégalitaire d’avant le rapport Parent. Alors que les classe aisées et un part grandissante de la classe moyenne bichonne ces jeunes dans les écoles élitistes, l’État les encourage par des subventions injustifiables au regard de l’égalité des chances. Nos écoles secondaires se lancent dans une guerre de marketing absurde, encouragée par les palmarès élaborés par les canons à pensée de la droite radicale. Sans compter l’effet de ségrégation raciale qui s’opère sur l’Île de Montréal : les enfants de l’immigration sont surreprésentés dans les écoles secondaires de la CSDM, mais pratiquement absents des écoles privées et des « écoles internationales » de la banlieue. Belle intégration !

Les enjeux principaux auxquels nous sommes confrontés se résument à ceci : comment faire de l’école un milieu égalitaire pour tout le monde ? Il est largement admis que l’enfant n’arrive pas à l’école avec le même bagage culturel (de connaissances et/ou de compétence, peu importe) s’il vient d’une famille de professionnel-les ou bien d’une famille ouvrière. Essayer de trouver la recette miracle, entre la dictée ou le jeu déductif, c’est chercher dans son coffre à outil de quoi faire à souper. On peut se gargariser d’éducation émancipatrice, ce qu’on a oublié, c’est que chez Paolo Freire, la méthode d’enseignement ne précède jamais le constat social.

Peu d’acteurs sociaux osent en parler, encore moins revendiquer, l’égalité sociale dans les écoles. La Fédération de l’enseignement du Québec (CSQ) tient le fort à contre-courant du laissez-faire ambiant. Maintes études à l’appui, on peut voir les conséquences néfastes du manque d’aides pédagogiques, de ressources financières, des projets sélectifs et du financement de l’école privé.

La ministre de l’éducation, Michelle Courchesne, entonne la vieille rengaine de la bonne maîtresse d’école avec son retour à la dictée et à l’enseignement du français. Le Parti québécois est en train de s’embrouiller dans le débat stérile de la réforme. À l’heure du Congrès sur sa plate-forme électorale, les membres de Québec solidaire sont appelés à discuter de ses revendications en éducation. Osons croire qu’ils et qu’elles feront de l’équité un enjeu crucial pour une éducation publique de qualité.

Premier de deux textes.

 pressegauche.org

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