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franceculture.frÀ Rouen, Commercy et Epinal, trois histoires de "gilets jaunes" qui ne parlent (presque) pas de politique mais de rencontres, de solidarités, d'échanges; bref de lien social. Ou comment, en plus de ses revendications, ce mouvement rallume une flamme depuis longtemps éteinte pour certains.
Les fiançailles de Karine et Dylan, mardi 24 décembre 2018.• Crédits : Eric THIEBAUT - PHOTOPQR - L''EST REPUBLICAIN
Ce mouvement permet enfin d'être entendu. De pouvoir enfin s'exprimer.
Julien a vingt-sept ans. Il vit et travaille près de Rouen. Il a rejoint le mouvement des "gilets jaunes" dès le premier week-end. C'était la première fois qu'il participait à une manifestation. Chaque samedi, chaque dimanche et plusieurs soirs dans la semaine après le travail, il passe du temps sur les ronds-points où il raconte avoir enfin trouvé un endroit où s'exprimer, échanger, défendre ses valeurs et ses combats. Malheureusement, son engagement ne passe pas la porte de son bureau où le jeune homme craint de ne pas être compris par ses collègues.
Je viens d'une famille populaire et, dans ce mouvement, je retrouve la solidarité que l'on pouvait avoir entre nous.
Même si je suis fier de ce que je fais tous les week-end, s'afficher gilet jaune dans le monde de l'entreprise n'est pas toujours simple. Mon manager les appelle « grilleurs de saucisses ».
Elisabeth a soixante-six ans. Mariée pendant vingt-huit ans à un militaire, elle a dû attendre le divorce pour pouvoir travailler et s'engager dans la vie locale. Pour elle, le groupe des gilets constitue la famille d'amis et de citoyens dont elle a toujours rêvé. Habituée à s'occuper de son père âgé, de sa sœur handicapée et de sa fille malade, elle y retrouve une énergie et une solidarité qui lui avaient manquées.
Je me sentais un petit peu isolée et là le fait que le petit jeune me tutoie, parce que je suis "gilets jaunes", ça donne de la vigueur. On retrouve un peu de dignité.
Parfois," j'oublie d'enlever mon gilet pour aller à la pharmacie ou en ville... J'y pense pas, ça fait partie de ma tenue.
Karine a vingt-trois ans et vit à Épinal. Petite, elle était connue comme celle qui n'avait pas sa langue dans sa poche. Lorsque le mouvement commence, après un an de petits boulots et d'économies, elle abandonne son projet de road trip et décide de rallier le rond-point de Golbey. Elle y reste jours et nuits et fait la connaissance de Dylan. C'est le coup de foudre et leur rencontre défraie la chronique des journaux locaux : le 24 décembre, tous les deux se fiancent sur leur rond-point, en jaune.
Notre premier baiser, c'était le jour où les CRS sont arrivés sur le rond-point.
Il m'a dit : "Chiche, je t'épouse !"
Reportage : Alice Babin
Réalisation : Yaël Mandelbaum
Merci à Karine, Dylan, Elisabeth, les gilets jaunes de Commercy, Julien et PH.
Musique : "Make Me Down A Pallet On Your Floor" par Piers Faccini et Blick Bassy - Album : "Mother Time" (2017).
Courtesy of France-Culture
Source: franceculture.fr
Publication date of original article: 02/02/2019