Annie ARROYO
« ¡Pobre de mí ! » (pauvre de moi !), ce sont les paroles du chant par lequel traditionnellement les « festayres » se lamentent de la fin des Fêtes de San Fermin à Pampelune.
« ¡Pobre de mí ! », c'est ce que doit se dire Juán Guaidó, le « président autoproclamé » du Venezuela. Il est en train d'expérimenter ce que nous avons tous constaté, un jour ou l'autre : quand ça ne veut pas fonctionner, rien ne va. Quoi qu'on fasse, rien ne marche !
Faisons avec lui un « état des lieux » de sa situation.
Lui qui était bien tranquille en tant que simple opposant au gouvernement bolivarien, voilà que « on » l'a propulsé en première ligne pour devenir le fer de lance de l'opposition soit-disant démocratique. Pourquoi ? Peut-être simplement parce qu'il est jeune, qu'il a une belle gueule de latino et que personne ne le connaissait.
« On » lui avait promis monts et merveilles, le soutien total des USA et d'une majorité de nations à travers le monde. Or seule une quarantaine de pays, aux ordres de l'Empire, a suivi et plus de 140, dont la Chine, la Russie et l'ONU, excusez du peu ! se sont déclarés pour Nicolás Maduro, le président élu...
« On » lui a demandé pour faire monter la pression de quitter Caracas pour la Colombie, afin de participer au sommet du groupe LIMA à Bogotá, qui regroupe des pays américains opposés au gouvernement vénézuélien. Il y est allé. Résultat : il s'est pris une volée de reproches cinglants du vice-président étasunien, Mike Pence.
D'abord, Pence lui a reproché de ne pas avoir réussi à faire se retourner l'armée vénézuélienne, avec des chiffres accablants : sur 300 000 hommes que comptent les Forces Armées du pays, seuls 300 ont déserté. Une broutille. Pire : un camouflet !
Et s'il n'y avait que ça ! Pence a ensuite souligné avec aigreur l'échec de l'opération « Aide Humanitaire », alors que tout semblait si bien réglé ! Sous les yeux de la presse internationale, quatre camions soi-disant chargés de vivres ont tenté de passer le pont San Francisco de Paula, près de Ureña, une petite ville frontalière avec la Colombie. Avec les camions, près de 400 jeunes « guarimberos » cagoulés (spécialistes des affrontements avec la police) qui avaient été « invités » à passer à pied la frontière pour appuyer le passage des camions et établir une tête de pont de l'opposition à Ureña. Mais comment le pauvre Juán aurait-il pu prévoir que les cocktails molotov lancés par les guarimberos mettraient malencontreusement le feu aux bâches de deux des camions ? Et les images des véhicules incendiés n'arrangent pas les choses : les restes des chargements sont éloquents ! A l'arrière des camions, il y avait certes des boites de thon et des paquets de biscuits, bien placés pour la photo quand on ouvre les bâches, mais tout au fond, on pouvait voir des tas de rouleaux de fil de fer, des câbles d'acier, des clous, des masques à gaz, des sifflets, du gel anti-chaleur, bref, le parfait attirail du guarimbero que malheureusement le feu n'avait pas fait disparaître. Comme on vous le dit : quand ça ne veut pas sourire... Et maintenant, ce sont les 400 guarimberos qui, bloqués en Colombie, demandent aux policiers vénézuéliens de les laisser rentrer chez eux !
Autre reproche cinglant de mister Pence : Juanito avait annoncé un peu prématurément que la « base sociale » de Maduro s'était carrément désintégrée. Or la réalité est tout autre. Il s'était aussi engagé à mobiliser tous ses sympathisants, entre autres les millionnaires vénézuéliens qui vivent à l'étranger et dont il espérait un apport décisif pour financer le ralliement des forces armées à l'opposition. Mais ceux-ci font la sourde oreille ! Pire : ses anciens « alliés politiques » de l'opposition, mis à part son « chef » Leopoldo López, ne le soutiennent plus guère.
Enfin, le coup de grâce : le vice-président des Etats-Unis ne voit pas trop comment garantir la sécurité du « Président autoproclamé » s'il remet les pieds à Caracas, comme il l'a annoncé à grands coups de tweets. Car, en franchissant la frontière, Juán Guaidó n'a pas respecté l'interdiction de sortie du territoire qui lui avait été signifiée le 29 janvier dernier par le Tribunal Suprême de Justice jusqu'à ce que se termine l'enquête diligentée par le Ministère Public. Evidemment, si l'Aide Humanitaire avait pu installer une base à la frontière, tout aurait été différent...
Au bout du compte, Guaidó se retrouve en président fantoche, sans gouvernement, sans armée, sans légitimité populaire ni internationale, coincé dans un pays étranger. Il est bien loin de ses rêves de gloire !
¡Pobre de ti, señor Guaidó !
Mais je vous laisse : nous avons tous des choses plus importantes à faire que de nous lamenter sur le sort de celui qui, en s'alliant aux ennemis de sa patrie, a montré qu'il n'est qu'un pauvre type.
Enfin, c'est mon avis !
Annie Arroyo (France-Cuba)
28 février 2019