02/03/2019 reseauinternational.net  9 min #152863

Le Pakistan autorise son armée à réagir à toute « agression » indienne

Cachemire, jouer aux portes de l'enfer

par Guadi Calvo

La frontière indienne toujours brûlante

Le Pakistan est revenu à sa plus haute tension depuis l’attentat du 14 février, au cours duquel un kamikaze du groupe Jaish-e-Mohammed (JeM) (Armée de Mohammed) a lancé un véhicule chargé d’explosifs sur un bus militaire, tuant environ 50 agents de sécurité à Pulwama au Cachemire.

Après l’attentat, le Premier ministre hindou Narendra Modi a menacé d’apporter une « réponse adéquate » peu après les élections générales de mai, au cours desquelles Modi se présente pour un second mandat. Le néo-fasciste ne pouvait pas rester les bras croisés et a averti qu’il avait donné « toute liberté » aux forces armées pour décider du moment et de la nature de la réponse appropriée.

Mardi dernier, le 26 février, 12 Mirages 2000 indiens ont traversé la ligne de contrôle à 3h30 du matin et ont largué 1 000 kilos de bombes sur un camp d’entraînement JeM près de la ville de Balakot, dans la province de Khyber-Pakhtunkhwa au Pakistan, à environ 10 kilomètres de la frontière indienne. C’est la première action qui atteint un tel niveau de conflictualité depuis la guerre indo-pakistanaise de 1971. Le Premier ministre pakistanais Imran Khan a condamné l’attaque et a déclaré qu’il répondrait « au moment de son élection« .

L’Inde a déjà dénoncé à maintes reprises que le Pakistan abritait différents groupes extrémistes qui opèrent à la frontière et ont perpétré d’innombrables attaques dans le Cachemire hindou. Selon toute vraisemblance, ces gangs sont encouragés et financés par La Direction pour le Renseignement Inter-services (ISI), l’agence pakistanaise qui, dans de nombreux cas, semble agir indépendamment des autorités civiles d’Islamabad et des commandants naturels de l’armée.

Selon des sources hindoues, l’attaque aérienne a détruit le camp d’entraînement, tuant « un grand nombre » de moudjahidines, dont certains de leurs commandants, sans blesser de civils. Selon les mêmes sources, les bombardements auraient eu lieu face à l’imminence d’une nouvelle attaque des militants du JeM, qui aurait été décelée par le renseignement indien.

Bien que les échanges d’artillerie et d’armes légères sur la ligne de contrôle, le point le plus chaud de la frontière, soient très fréquents, il n’y a pas eu d’incursions dans ces zones, du moins publiquement reconnues, depuis la guerre de 1971.

Les activités terroristes n’ont pas cessé après l’attaque de Pulwama : le lundi 18, les séparatistes ont tué un commandant de l’armée indienne et au moins trois autres soldats.

De leur côté, les sources d’Islamabad, au sujet des bombardements indiens de mardi, ont nié l’efficacité de l’attaque, arguant que les navires pakistanais avaient réussi à mettre les Mirages indiens en fuite et qu’ils n’avaient largué que quatre à cinq bombes dans la nature pendant leur fuite. Malgré ce déni, les autorités pakistanaises ont encerclé la zone et la police locale n’a même pas été autorisée à entrer.

New Delhi et Islamabad se sont accusés mutuellement d’attaquer des villages et des postes militaires près de la ligne de contrôle (LdC), le point le plus chaud de la frontière du Cachemire. Un porte-parole militaire pakistanais a déclaré que six civils avaient été tués par des tirs ennemis, tandis que le commandement indien a affirmé que les villages de Kamalkote et Kalgo avaient été attaqués sur son territoire, mais qu’il n’y avait pas eu de morts.

Au petit matin de mardi, l’armée pakistanaise, rompant le cessez-le-feu, a commencé à attaquer avec des armes de gros calibre, dont des mortiers de 120 mm, dans différents secteurs de la LdC. Tout au long de la journée de mercredi, le Pakistan a abattu des chasseurs indiens MiG 21 Bison volant au-dessus de son territoire. L’un des pilotes a été fait prisonnier par un groupe de civils, puis exhibé à la télévision et sur les réseaux, le visage ensanglanté en raison du harcèlement de la foule. New Delhi a légitimé cette information en annonçant le nom du pilote : Abhinandan Varthaman.

Pour sa part, l’Inde a abattu un chasseur F-16 pakistanais qui violait son espace aérien. Plusieurs avions d’Islamabad ont violé l’espace aérien indien dans les régions de Punch et Nowshera au Jammu-et-Cachemire, commettant au moins deux attaques.

Après ces quarante-huit dernières heures de vertige, les deux nations se préparent dans des mouvements clairs d’avant-guerre. Un grand nombre de soldats des deux pays ont atteint la frontière alors que tous les aéroports commerciaux du Pakistan ont été fermés, tandis que l’Inde a fermé les huit principaux aéroports du pays, dont ceux des trois plus grandes villes du Cachemire : Jammu, Srinagar et Amritsar. Toutes les compagnies aériennes commerciales opérant de l’Asie de l’Est vers l’Europe ont dû modifier leurs routes et même suspendre de nombreux vols, laissant un grand nombre de voyageurs occidentaux bloqués aux Philippines, en Malaisie, à Singapour, au Cambodge et au Vietnam.

New Delhi a ordonné la construction de 14 000 bunkers pour la population civile installée le long de sa frontière avec le Pakistan dans l’État du Jammu-et-Cachemire, afin d’éviter des évacuations massives. Ces abris étaient déjà prévus avant cette nouvelle escalade et New Delhi a poussé à fond la construction.

Les services de santé ont dû annuler les congés et les vacances et une grande quantité de fournitures médicales est stockée dans les différents hôpitaux de la région. Les autorités ont ordonné la fermeture temporaire des écoles dans un rayon de 5 kilomètres le long de la LdC, dans les districts de Rajouri et Poonch depuis mercredi 27.

Les autorités indiennes ont arrêté 300 séparatistes cachemiris dans l’État de Jammu-et-Cachemire, qui s’organisaient pour mener des émeutes à différents points de la frontière.

Campagne électorale

La vague croissante de violence au Cachemire a exacerbé les sentiments nationalistes des deux côtés de la LdC. 2018, était devenue l’année avec le plus grand nombre de violations du cessez-le-feu, mais il semble que l’attaque du 14 février est venue à bout de la patience belliciste du parti de Modi, qui voit une grande opportunité dans ce conflit pour gagner les élections en mai. Les derniers sondages indiquent que depuis l’attaque du bus militaire, Modi aurait augmenté l’intention de vote en sa faveur.

Le Premier ministre Khan, qui a convoqué d’urgence une réunion de ses généraux, a condamné la « politique indienne irresponsable » et accusé Modi de provoquer ce conflit pour des raisons électorales.

En septembre 2016, l’attaque de la base militaire indienne d’Uri, dans la vallée du Cachemire, a été la plus meurtrière jusqu’à celle du 14 février, faisant 19 morts parmi les soldats indiens dans une opération conjointe entre Lashkar-e-Taiba (Armée des Pieux), protagonistes des attaques de Bombay en 2008, et Jaish-e-Mohammad. Delhi a poursuivi les assaillants par une série « d’attaques chirurgicales », pénétrant sur le territoire pakistanais avec des commandos d’élite, à travers plusieurs points le long de la LdC, qui a détruit certains des camps avancés des fondamentalistes.

La dernière escalade majeure s’est produite entre mai et juillet 1999, dans ce que l’on appelle la guerre de l’Himalaya ou guerre de Kargil, un affrontement limité aux grands sommets de l’Himalaya au Cachemire, où des Pakistanais en marge du régime ont occupé le district contrôlé de Kargil par les Indiens. La campagne a duré 74 jours, faisant près de 1 000 victimes par camp. Le choc a pris fin lorsque l’Inde a perdu le contrôle des hauteurs autour de Kargil, contrôlant les eaux riches des dégels. Ce conflit a été le premier entre les deux pays depuis qu’ils ont tous les deux atteint le statut de nation dotée de la puissance nucléaire.

Toutes les puissances mondiales : la Chine, la Russie, les États-Unis et l’Iran, en tant que puissance régionale et voisine du Pakistan, suivent très attentivement la nouvelle escalade de cet ancien conflit qui, si elle s’intensifie, pourrait laisser toute l’humanité aux portes de l’enfer.

Source :  Cachemira, jugando a las puertas del infierno

traduit par Pascal, revu par Martha pour  Réseau International

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