14/03/2019 mondialisation.ca  8 min #153414

Au Moyen-Orient, les mauvais choix européens s'accumulent

Depuis ces derniers mois, une nouvelle polémique enfle et commence à agiter la sphère politico-médiatique européenne : que faire des nombreux ressortissants désignés comme « jihadistes » qui rentrent ou désirent rentrer dans leur pays d'origine après s'être battus contre l'Etat syrien ?

Question sensible qui renvoie au plan sécuritaire autant que juridique, sans oublier l'opinion publique, mais qu'il convient comme toujours, de contextualiser pour tenter d'en comprendre les tenants et aboutissants.

La raison de la question est simple : dans leur guerre frontale mais non-avouée contre la Syrie, les Européens se sont trompés - comme presque chaque fois qu'ils suivent les injonctions américaines - d'alliés, et ne peuvent que constater leur échec.

En lieu et place d'opter pour dénoncer les manœuvres qui tendaient à déstabiliser le gouvernement de la République arabe syrienne, laisser cette dernière régler ses questions intérieures et en respecter ainsi la souveraineté, ils se sont alignés sur ceux qui voulaient renverser le président Bachar al-Assad, au premier rang desquels les USA en appui à Israël qui poursuit son objectif de semer le chaos dans la région pour diviser les Etats en sous-Etats morcelés, affaiblis, dont la dévastation nécessitera plusieurs générations avant de les remettre à flots, si tant est qu'ils y parviennent.

Après l'Afghanistan, l'Irak, la Libye, il était entendu que le tour de la Syrie - farouche et fidèle opposant au régime israélien - était arrivé. Avant celui du Yémen, et de l'Iran programmé mais pas encore activé sur le registre militaire, tant ce dernier Etat a pu anticiper les sordides plans occidentalo-sionistes et représente un défi de taille à quiconque voudrait s'y confronter.

On connaît aujourd'hui l'hypocrisie des cercles politico-médiatiques occidentaux pour travestir la réalité à travers une information contrôlée : les médias dominants entre les mains de quelques milliardaires liés au pouvoir sont passés maîtres dans la désinformation des citoyens. Mais, à l'heure d'internet, s'il s'agit de ne plus prendre le risque de cacher les choses qui ne peuvent échapper à la vigilance des internautes, il faut, plus encore qu'avant, leur donner l'apparence de la vertu. C'est de cet art sémantique que sont nées les formules « Droit d'ingérence », « Frappes chirurgicales », « Guerres humanitaires », « Révolutions de couleurs », et j'en passe...

Ainsi, dans la foulée des « Printemps arabes » et après huit années d'une guerre illégale masquée sous l'euphémisme de la coalition en « Guerre civile » voire « Révolution syrienne » mais qu'il convient de qualifier « d'internationale » voire « mondiale » puisque près de 80 pays y participent de manière directe - par intervention militaire - ou indirecte - par soutien logistique, financier, diplomatique, ou humanitaire - le bilan est au sens premier du terme, catastrophique. Les infrastructures de la République arabe syrienne sont dévastées, les victimes - morts & blessés - se comptent en millions, et les déplacés et/ou réfugiés également. Sans parler des enfants qui ont perdu leurs parents et se retrouvent démunis, abandonnés et parfois livrés à eux-mêmes. Ni de l'accès à une eau potable ainsi que de la famine qui touchent plusieurs régions et dont personne ne parle.

Les pays qui se sont aventurés dans cette énième sale guerre contre un Etat arabo-musulman, se posent dès lors la complexe question de leurs ressortissants qui ont eu la mauvaise idée de rejoindre les combattants de ce qui est communément désigné sous l'appellation Daesh ou Etat Islamique - regroupant toutes sortes d'organisations de mercenaires dont les composantes changent de nom en fonction des évènements, des lieux et des liens qu'ils nouent sur le terrain.

Sauf qu'il ne faudrait pas oublier que nos gouvernements qui se sont coalisés aux va-t'en-guerre US et ont détruit l'Etat syrien, ont financé, soutenu, formé, armé ces mercenaires hostiles à cet Etat souverain, pensant ainsi s'appuyer sur leur aide connexe.

L'incompétent L. Fabius, pro-sioniste notoire, alors ministre des Affaires étrangères du gouvernement Hollande - tout aussi pro-sioniste - et qui n'en était pas à sa première bévue, a déclaré à travers des propos dignes de ragots de comptoir que « Bachar al-Assad ne méritait pas d'être sur la Terre », allant jusqu'à relayer une déclaration émanant de responsables arabes opposés au président syrien « qu'al-Nosra faisait du bon boulot ». Si une telle éloquence pour un diplomate permet d'en situer le niveau, elle indique pour qui sait lire entre les lignes, l'orientation du gouvernement français.

Dans cette certitude occidentale de détenir la vérité en tous sens et en tous lieux, et ce privilège commode d'en appeler aux « Droits-de-l'Homme » à la moindre occasion - mais de préférence quand cela nous arrange - comment être cohérent et donc crédible, en refusant d'accueillir ces ressortissants égarés qui sont partis se battre contre le gouvernement syrien quand nos propres armées et gouvernements ont fait - et continuent d'ailleurs - pareil ?! Embarrassant.

La coalition qui a perdu cette guerre - même si elle n'est pas terminée et que d'aucuns s'entêtent encore - doit en assumer les conséquences. Et là aussi, l'hypocrisie est à son comble : les gouvernements arabes qui en temps ordinaires sont toisés de haut par l'occident qui n'hésite pas à les détruire, seraient pour le coup malgré leurs pays en chantiers, à même de juger ces encombrants « jihadistes » là où ils se trouvent.

Le problème étant délicat pour les raisons que je viens de rappeler, une fraction de ce petit cercle politico-médiatique, dans un sursaut d'humanisme de façade, se déchire maintenant sur la question de savoir si, quand même, il ne conviendrait pas d'établir une différence entre les hommes, les femmes et les enfants qui se trouvent pris au piège de cette guerre perdue ? Les uns arguant qu'il ne faut pas séparer les mères de leurs enfants, les autres indiquant qu'il est difficile d'établir à quel âge un enfant devient un adolescent responsable, quand d'autres encore - plus radicaux et en référence aux attentats survenus en Europe - ne veulent rien savoir et sont pour le refus catégorique de tout retour, nous offrant ainsi ce minable tableau d'adultes débattant sur les victimes d'une politique d'Etat mal pensée, suintant le racisme, et directement responsable de la situation actuelle. Dans la tête de ceux-là, les victimes deviennent ainsi les coupables et les vrais coupables que sont les responsables politico-médiatiques qui n'ont cessé d'en appeler à la guerre contre la Syrie et le renversement de son président, sont ignorés et passés sous silence.

C'est comme toujours, une manipulation à mettre au compte des agresseurs tombant sur le dos des agressés qui n'ont personne - ou presque - pour remettre les pendules à l'heure et rappeler certains faits incontournables. Et ce mélange des plans fonctionne bien puisque d'après les enquêtes, une majorité d'Européens s'opposent au retour des ainsi nommés « jihadistes » dans leur pays d'origine.

Lors de son émission du 6 mars dernier « Interdit d'interdire » sur RT (Russia Today) l'animateur Fr. Taddéï expliquait que d'après un sondage, 67% des Français s'opposaient au retour des ressortissants au pays. Par la suite, il relayait une information du Wall Street Journal signalant que les forces spéciales françaises sur place renseignaient les forces irakiennes pour que ces dernières éliminent par des frappes ces « jihadistes » ayant fui la Syrie pour se réfugier en Irak et que l'Etat français ne voulait pas voir revenir.

En d'autres mots, l'annonce est claire : gardez-les chez vous, on n'en veut plus ! Sauf que, faits prisonniers, ceux-là encombrent leurs hôtes qui, ayant des soucis autrement plus graves, veulent les renvoyer d'où ils viennent.

Situation d'autant plus lamentable qu'après la multiplication des désastres que l'occident a semés lors de sa nouvelle croisade au Moyen-Orient à la suite du prétexte des « attentats du 11 septembre », ses échecs sont patents. Ces derniers devraient pourtant indiquer l'urgence de revoir une politique étrangère européenne absurde qui ne peut aboutir qu'à des réactions violentes de ceux qui se sentent détestés et attaqués de la sorte. Utilisant alors les moyens qui sont les leurs, en représailles à la puissance de machines de guerre redoutables d'Etats dépensant des milliards - nos impôts ! - dans leurs conquêtes criminelles de pays qui ont pour malheur d'abriter des ressources convoitées pour maintenir nos niveaux de vie sans accepter d'en partager les profits de manière plus équitable.

Alors, que faire de ceux qui n'auront pas été « liquidés », témoins gênants des erreurs répétées de nos incompétents gouvernements européens ?

Il va encore s'en passer des choses, en coulisses... Et une fois de plus : pas belles, nos « démocraties éclairées », tant vantées par les 'éditocrates' et 'experts' des médias dominants ?!

Daniel Vanhove

15.03.19

Photo en vedette : Enfants dans une rue détruite par la guerre, Alep en Syrie ; source : Les Maristes Bleus

La source originale de cet article est Mondialisation.ca
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