23/03/2019 mondialisation.ca  7 min #153827

« Scènes apocalyptiques » au Mozambique après le passage du cyclone Idai

Un désastre humanitaire historique se produit en Afrique du Sud-Est à la suite du cyclone Idai

Le cyclone Idai a tragiquement mis à jour les terribles conditions sociales et économiques qui touchent des millions de travailleurs et paysans au Mozambique, au Zimbabwe, au Malawi et à Madagascar, laissant derrière lui une crise humanitaire historique dans Sud-Est de l'Afrique.

Quelque 1,7 million de personnes étaient sur la trajectoire directe de ce qu'un porte-parole de l'Organisation météorologique mondiale a décrit comme «l'une des pires catastrophes météorologiques de l'hémisphère sud». Les Nations Unies ont lancé un appel initial de plus de 40 millions de dollars d'aide d'urgence pour plus de 400.000 personnes au Mozambique, le pays le plus durement touché par la tempête. La somme est infime comparée aux immenses besoins sociaux.

Au moment de la rédaction de ces lignes, le nombre officiel de morts est de 504, dont 308 au Mozambique, 139 au Zimbabwe, 56 au Malawi et un à Madagascar. Ce chiffre devrait augmenter substantiellement à mesure que le contact sera rétabli avec des zones plus reculées ou totalement dévastées. Le président mozambicain Filipe Nyusi a déclaré, après avoir constaté les dégâts causés cette semaine, qu'il estimait à plus d'un millier le nombre de morts dans le pays.

La tempête a touché terre à Beira, au Mozambique, vendredi dernier, détruisant une grande partie de la quatrième ville du pays avec des vents dépassant les 175 kilomètres à l'heure, détruisant des habitations et provoquant des inondations sous l'effet de la pluie et de la tempête océanique. «Pas un seul bâtiment n'a été épargné. Les lignes électriques sont coupées, terrassés par les chutes d'arbres.» Gerald Bourk, du Programme alimentaire mondial, a expliqué à NPR que 500.000 habitants vivaient dans une ville très peuplée et que ses habitants sont entassés dans des quartiers où les maisons sont des constructions de fortune. «Il faudra des mois pour que les habitants de la ville et la ville elle-même s'en remettent.»

Des personnes fuyant les inondations et réunies au camp d'évacuation de Bangula, à Nsanje au Malawi, le 12 mars 2019 (Crédit: L. Masina/VOA)

Chimanimani, une ville de montagne comptant quelques milliers d'habitants, a été l'une des plus durement touchées au Zimbabwe. Il y a eu au moins 40 enterrements dans la petite ville depuis le début de la semaine, après qu'un glissement de rochers ait détruit un dortoir rempli d'étudiants endormis et que les eaux déchaînées aient emporté les habitants.

Les effets de la tempête se sont également fait sentir en Afrique du Sud, où une vague continue de coupures de courant a été exacerbée après la coupure des lignes de transmission du barrage hydroélectrique de Cahora Bassa, dans l'ouest du Mozambique.

Une semaine après l'arrivée de la tempête sur les côtes, alors que les eaux de crue commencent à se retirer, on ne sait toujours pas combien de centaines de milliers de personnes dans la région touchée ont été bloquées par l'impact de la tempête et ont besoin de secours ou d'aide d'urgence. Les routes principales ont été détruites, rendant de nombreux villages et villes accessibles uniquement par bateau ou par avion.

Un lac intérieur d'eaux de crue atteignant six mètres de profondeur a recouvert une superficie estimée à 3.000 kilomètres carrés, soit une superficie supérieure à celle de l'État américain de Rhode Island. Des corps ont été repérés flottants dans les eaux de crue à Beira et dans toute la région. Des milliers de personnes sont coincées sur les toits et les îles au milieu des eaux.

Des habitants de Nhamatanda, une région située à 60 km au nord-ouest de Beira, ont déclaré à l'AFP que l'eau est arrivée soudainement et a emporté leurs voisins. «L'eau est venue comme un tsunami et a détruit la plupart des choses. Nous étions de prisonniers sur le toit», a déclaré Jose Batio à l'agence de presse après avoir été sauvé avec son épouse.

Les Médecins sans frontières (MSF) ont averti que ceux qui ont survécu aux inondations sont maintenant exposés au risque de maladies d'origine hydrique, notamment le choléra, ainsi qu'à d'autres difficultés résultant des dommages subis par plusieurs établissements de soins de santé. «Je peux dire que tous les centres de santé et tous les hôpitaux ont été touchés», a déclaré à The New Humanitarian, Caroline Rose, chef de la mission de MSF au Mozambique. «Plusieurs centres de santé ont perdu leurs toits et sont en très, très mauvais état.»

Le nombre de morts et les dégâts causés par le cyclone Idai devraient être pires que les inondations au Mozambique en février 2000, lorsque le cyclone Eline aggrava les fortes pluies persistantes qui arrivèrent sur les côtes au sud de Beira. À l'époque, c'était considéré comme la pire catastrophe naturelle que le pays avait connu depuis un siècle, faisant plus de 700 morts et 463.000 sans-abri.

La saison des cyclones 2018-2019 dans le sud-ouest de l'océan Indien a été supérieure à la moyenne et 12 systèmes de tempêtes se sont formés depuis novembre. Huit de ces tempêtes, y compris Idai, ont été classées dans les cyclones tropicaux intenses, le plus grand nombre enregistré depuis le début du dépistage régulier par satellite en 1967. Alors que la température mondiale continue de monter en raison du changement climatique provoqué par l'homme, les scientifiques prévoient que le nombre de cyclones tropicaux qui s'agglomèrent dans le sud de l'océan Indien diminuera, mais que l'élévation du niveau de la mer exposera un nombre croissant de personnes au risque d'être inondées par l'onde de tempête et la pluie provenant de ceux qui arrivent sur la côte d'Afrique.

Le Mozambique, le Zimbabwe et le Malawi font partie des pays les plus pauvres du monde, conséquence de leur passé colonial, de la faillite des mouvements nationalistes petit-bourgeois et de l'exploitation économique actuelle par les puissances impérialistes, facilitée par l'élite dirigeante locale de chaque pays. Les impérialistes occidentaux considèrent que ces régions sont essentielles à l'extraction des matières premières et à rien d'autre.

Le Mozambique fut sous la férule de la domination coloniale portugaise pendant plus de 470 ans et peu de temps après que l'indépendance lui soit accordée en 1975, une guerre civile de 15 ans éclata, fomentée par l'Afrique du Sud sous le régime d'apartheid, la Grande-Bretagne et les États-Unis, qui a fait plus d'un million de morts. Selon le Fonds monétaire international, le Mozambique se classe au 180ème rang sur 186 pays pour le produit intérieur brut par habitant en termes de pouvoir d'achat. En 2016, le gouvernement du pays avait une dette de plus de 9,8 milliards de dollars auprès de prêteurs étrangers, principalement le FMI et la Banque mondiale.

Le Zimbabwe, établi en tant que colonie britannique de la Rhodésie en 1880, n'accéda à l'indépendance qu'en 1980. Le pays est sous le contrôle du régime de la ZANU-PF depuis lors, d'abord sous Robert Mugabe et maintenant Emerson Mnangagwa, dont les résultats ont été désastreux pour la majorité de la population. Plus de 70 pour cent des Zimbabwéens vivent dans la pauvreté et la montée en flèche de l'inflation a rendu l'accès à un logement décent et à d'autres produits de base hors de portée pour des millions de personnes.

Le Malawi, une colonie britannique à partir de 1880 jusqu'à l'indépendance en 1964, reste l'un des pays les moins développés du monde. L'espérance de vie d'un enfant né au Malawi n'est que de 50 ans et les taux d'infection de VIH/sida restent élevés chez les adultes. Environ 27.000 personnes meurent chaque année du VIH/sida et en conséquence plus de 500.000 enfants sont devenus orphelins.

L'exploitation criminelle et le sous-développement de ces pays entraînent inévitablement des destructions généralisées, même dues aux phénomènes météorologiques qui peuvent être prédits plusieurs jours à l'avance. Alors que la pauvreté est endémique et les infrastructures scandaleusement déjà insuffisantes, les travailleurs et les agriculteurs de ces pays n'ont aucune option de secours en cas de tempête.

Niles Niemuth

La source originale de cet article est  wsws.org
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