26/03/2019 reseauinternational.net  9 min #153953

Le Royaume-Uni développe un programme de guerre psychologique

La guerre psychologique n’est pas en soi une nouveauté, mais les nouvelles technologies lui donnent une ampleur particulière et une puissance de destruction potentielle largement concurrentielle avec les guerres traditionnelles. Si les Etats-Unis ont déjà laissé de par le monde des traces de leurs manipulations, comme avec l’organisation du Maïdan en Ukraine, la tentative de renversement de Maduro au Venezuela ou l’influence des élections au Kenya, les autres pays étaient plutôt discrets sur le sujet. La revue étudiante britannique Varsity a révélé un large programme de coopération entre l’armée et l’Université de Cambridge sur le développement de la manipulation psychologique de masse.

A l’heure où chacun fait de la surenchère médiatique pour accuser la Russie d’ingérence dans les élections malgré l’échec du rapport Mueller, où les Etats à qui mieux mieux adoptent leur législation sur mesure officiellement pour limiter les fausses informations, ou les informations dérangeantes, appelées pêle-mêle Fake news, le programme militaire britannique, en coopération avec l’Université de Cambridge, pour mieux manipuler les consciences collectives et individuelles tombe … assez mal. D’un autre côté, l’on ne peut pas dire que l’information soit trop diffusée en France …

A l’origine, l’information a été diffusée par la revue étudiante  Varsity, le 14 février 2019, qui annonçait que le ministère de la Défense lançait un programme de recherche sur la manipulation cognitive, auquel Cambridge se proposait de participer, pour un financement conséquent de 69 millions de livres sterling, même en collaboration avec Frazer-Nash Consultancy, qui soutient l’industrie de l’armement. Manifestement, l’Université ne voyait aucun problème de réputation.

Le programme comportait six branches, comme le révèle le site :

The programme claims a focus in six research areas: personnel, training and education, humans in systems, human performance, and, notably, understanding and influencing human behaviour.

One of the HSSRC’s six research areas — understanding and influencing behaviour — would follow a ‘full spectrum approach’, according to a Ministry of Defence presentation. The presentation described it as a “co-ordinated use of the full spectrum of national capabilities to achieve geopolitical and strategic aims, including military, non-military, overt and covert means, within the rule of law.”

Le programme se concentre sur six domaines de recherche : le personnel, la formation et l’éducation, les êtres humains dans les systèmes, la performance humaine et, notamment, la compréhension et l’influence du comportement humain.

L’un des six domaines de recherche du HSSRC – comprendre et influencer le comportement – suivrait une  » approche à spectre complet « , selon une présentation du ministère de la Défense. Cette présentation l’a décrit comme une  » utilisation coordonnée de tout l’éventail des capacités nationales pour atteindre des objectifs géopolitiques et stratégiques, y compris des moyens militaires, non militaires, manifestes et secrets, dans le cadre de l’État de droit « .

L’implantation du programme dans l’enceinte de la très respectable Cambridge a été réalisée par l’instauration du Laboratoire des sciences et technologies de la défense sous l’appellation post-moderne « Centre des stratégies futures », dans le cadre du programme du ministère de la Défense « capacité de recherches en sciences sociales humaines », ayant pour  but :

« la manipulation ciblée de l’information dans les domaines physiques et virtuels pour façonner les attitudes et les croyances dans le domaine cognitif« 

Il a été décrit ainsi :

The presentation described it as a “co-ordinated use of the full spectrum of national capabilities to achieve geopolitical and strategic aims, including military, non-military, overt and covert means, within the rule of law.”

La présentation l’a décrit comme une  » utilisation coordonnée de tout l’éventail des capacités nationales pour atteindre des objectifs géopolitiques et stratégiques, y compris des moyens militaires, non militaires, manifestes et secrets, dans le cadre de l’État de droit « .

Cela été schématisé de la manière suivante:

Le programme a fonctionné pendant environ un an, une quarantaine d’enseignants-chercheurs ont condamné cette activité, qui n’entre pas dans le cadre universitaire selon eux, et le programme aurait été fermé. Une  lettre collective a été adressée à la direction de l’Université :

“We do not believe that the role of a public university is to involve staff in armed conflicts by acting as a supplier of contract research to the MoD,” (…)  “Undertaking government-funded contract research of this nature is troubling enough, but looking to profit from it is shocking. What kind of paying clients did you imagine would have wanted to buy services such as these?”

« Nous ne pensons pas que le rôle d’une université publique soit d’impliquer le personnel dans les conflits armés en agissant en tant que fournisseur de recherche contractuelle au ministère de la Défense, (…) « Entreprendre des recherches contractuelles de cette nature financées par le gouvernement est assez troublant, mais il est choquant de chercher à en profiter. Quel genre de clients payants auraient-ils voulu acheter de tels services ? »

Les médias furent assez discrets sur la chose. L’on relèvera deux articles. L’un dans  TV5 Monde particulièrement fouillé, reprenant également celui du  Guardian :

Comment définir ce qui a été engagé en 2017 par l’armée britannique dans le » Centre des stratégies futures » de l’université de Cambridge ? L’expression la plus adaptée semble être « laboratoire de propagande »… Mais un laboratoire de propagande d’un genre particulier puisqu’utilisant les techniques de pointe d’influence en sciences cognitives, et une fois encore, en lien avec le scandale Cambridge Analytica.

Cette information est intéressante, tout d’abord pour rappeler que l’intérêt des guerres psychologiques n’est pas retombé, il s’allie à la guerre de l’information. En 2014 déjà, la Grande-Bretagne lançait un programme de ce type. En 2014 aussi, le Maïdan, à la suite des autres révolutions de couleurs, avait largement utilisé les réseaux sociaux pour manipuler l’opinion publique et faire sortir les gens dans la rue.

L’homme est à la fois la cible et l’arme aujourd’hui. Il est la cible d’une information calibrée et diffusée en masse. Information qu’il intègre et qu’il diffuse à son tour en masse grâce au numérique. L’individu, à savoir l’être individualisé, disparaît ainsi dans un moule globalisé, au profit de masses, qui doivent se sentir heureuses ou malheureuses, soutenir ou condamner, des dirigeants selon les besoins du lieu et du moment, baver sur commande devant leurs écrans. C’est ainsi toute la logique démocratique reposant sur des élections reflétant l’opinion publique qui est dévoyée, puisque l’opinion est manipulée à la source, puis travaillée au long cours.

Karine Bechet-Golovko

source: russiepolitics.blogspot.com

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