25/05/2019 wsws.org  6 min #156870

Québec: il faut faire de la lutte à Abi l'étincelle d'une contre-offensive ouvrière

Par le Parti de l'égalité socialiste (Canada)
25 mai 2019

Le texte qui suit sera diffusé par des sympathisants du Parti de l'égalité socialiste (Canada) lors d'une manifestation de soutien aux employés en lock-out de l'Aluminerie de Bécancour, organisée le 25 mai à Trois-Rivières.

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Cela fait plus de 16 mois que les travailleurs de l'Aluminerie de Bécancour (ABI) luttent courageusement contre l'assaut tous azimuts des géantes multinationales Alcoa et Rio Tinto sur leurs emplois, régimes de retraite et conditions de travail. Durant cette période, deux choses sont devenues claires:

1) Le lock-out d'ABI s'inscrit dans une offensive patronale menée à l'échelle internationale. Alors que la crise capitaliste s'aggrave de jour en jour, toutes les grandes entreprises sont déterminées à augmenter leurs parts de marché sur le dos des travailleurs. Dans les dernières années, face à une compétition accrue sur le marché de l'aluminium, Alcoa et Rio Tinto ont imposé des reculs majeurs à leurs employés partout dans le monde, y compris à Alma au Québec et plus récemment en Espagne et en Australie. De manière similaire, des coupures massives d'emplois ont été imposées par les constructeurs automobile Ford, GM, Volkswagen et Tesla pour que leurs gros actionnaires continuent de s'en mettre plein les poches. Et les gouvernements à travers le monde mettent la hache dans les programmes sociaux en imposant une brutale austérité capitaliste.

2) La détermination des lockoutés d'ABI à défendre leurs conditions de travail fait partie d'un regain des luttes ouvrières sur une échelle internationale. Ce n'est pas seulement le résultat d'un ras-le-bol généralisé devant la dégradation du niveau de vie de la grande majorité. Ce qui monte parmi les travailleurs est un vaste sentiment d'opposition aux inégalités sociales et à l'austérité capitaliste. Le mouvement des «gilets jaunes» en France, les manifestations de masse en Algérie, les luttes de dizaines de milliers d'enseignants aux États-Unis, en Ontario, en Pologne et ailleurs dans le monde - ce ne sont là que les premiers signes avant-coureurs des grandes luttes sociales qui sont maintenant à l'ordre du jour.

C'est vers ce mouvement international de résistance des travailleurs que les lockoutés d'ABI - et les autres sections de la classe ouvrière au Québec et au Canada anglais qui font face aux mêmes attaques patronales - doivent se tourner.

Mais depuis le début du conflit, le syndicat des métallos et la FTQ ont tout fait pour isoler les travailleurs d'ABI et canaliser leur énergie vers des appels futiles aux actionnaires de la compagnie et divers représentants de l'establishment politique - les maires et députés de la région, et depuis octobre dernier, le gouvernement populiste de droite de la CAQ.

Cette politique des syndicats est maintenant en lambeaux. Le premier ministre François Legault, que les syndicats présentaient comme un potentiel «allié des travailleurs», a répondu en dénonçant à maintes reprises les «gros salaires» des employés d'ABI ainsi que leurs demandes «exagérées». Dans l'une de ces dénonciations hystériques, cet ancien PDG d'Air Transat, ex-ministre péquiste et multimillionnaire a déclaré: «Si on exige 92.000$ avec des fonds de pension payés à 60% par l'employeur,... si on exagère sur l'ensemble des demandes, il y a un risque que ces emplois-là, ça va faire faire peur».

Et ça vaut pour les employés non seulement d'ABI mais de tout le secteur industriel de la province, a ajouté le premier ministre Legault - connu depuis longtemps pour ses appels à plus de privatisations, plus de baisses d'impôts pour les riches, et plus de coupes dans les services publics.

Legault lance ainsi un signal clair que son gouvernement - qui agit au nom de toute la classe dirigeante québécoise et canadienne au même titre que les Libéraux de Justin Trudeau à Ottawa ou les Conservateurs de Doug Ford en Ontario - va intensifier l'assaut frontal que mène la grande entreprise sur les emplois, les salaires et les services publics.

Déjà, dans son «hypothèse de règlement» du conflit chez ABI, le gouvernement caquiste est allé plus loin que la compagnie en ouvrant davantage la porte à la sous-traitance - ce qui a encouragé Alcoa et Rio Tinto à exiger des concessions encore plus draconiennes.

Depuis le début du conflit, le syndicat des métallos et la FTQ ont isolé les lockoutés d'ABI, tout en se disant ouverts aux demandes de la compagnie - régime de retraite entièrement financé par les travailleurs, élimination des droits d'ancienneté, abolition de centaines d'emplois. Leur seule condition était que cet assaut brutal sur les travailleurs soit «négocié», c'est-à-dire que la compagnie accepte d'utiliser leurs services pour imposer un retour aux conditions de travail des années 30.

À l'offensive internationale de l'élite dirigeante, la classe ouvrière doit répondre par une stratégie mondiale. C'est vers la classe ouvrière internationale, la seule force sociale ayant un intérêt objectif à lutter contre les inégalités sociales et le système de profit, que les travailleurs d'ABI doivent se tourner.

De nouvelles organisations de lutte sont nécessaires. Les appareils syndicaux pro-capitalistes sont devenus un obstacle à l'unification de la classe ouvrière. Au cours des dernières décennies, en réponse à la mondialisation de la production, ces organisations nationalistes se sont transformées en police industrielle qui impose à leurs membres les concessions exigées par le grand patronat. Fois après fois, les syndicats ont saboté les mouvements d'opposition qui menaçaient l'ordre établi, y compris la grève étudiante de 2012 et la lutte des travailleurs du secteur public en 2015 contre le démantèlement de la santé et de l'éducation.

Il existe un véritable potentiel que la lutte à l'ABI devienne la bougie d'allumage d'un vaste mouvement de toute la classe ouvrière au Québec et à travers le Canada pour la défense des emplois, des salaires et des conditions de travail de tous, et pour une vaste expansion des services publics.

Pour ce faire, les travailleurs d'ABI doivent bâtir un comité de lutte indépendant des syndicats. Sa première tâche serait de lancer un appel explicite aux employés d'Alcoa et Rio Tinto en Australie, aux États-Unis et à travers le monde en faveur de grèves de solidarité dans le cadre d'une lutte unifiée pour la défense des emplois et conditions de travail de tous. Cet appel devrait également s'adresser à tous les métallos et aux travailleurs de tout le secteur industriel nord-américain comme première étape d'une contre-offensive ouvrière en opposition à l'austérité capitaliste.

Une telle mobilisation de la force militante des travailleurs doit être basée sur une perspective politique socialiste, celle d'une offensive mondiale de la classe ouvrière pour réorganiser la société afin de satisfaire les besoins humains et non les profits d'une minorité.

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