Par Gregor Link
3 juin 2019
Le Parti de gauche a obtenu 5,5 % des voix en Allemagne dans les élections européennes de la semaine dernière. Par rapport aux élections européennes de 2014, il a subi une perte considérable de voix dans pratiquement tous les États fédérés (lander). Cela s'applique avant tout aux États où le Parti de gauche gouverne ou dirige l'opposition au sein du parlement. Le parti a reçu des résultats pleinement mérités pour ses politiques gouvernementales très droitières.
Les élections européennes ont été caractérisées dans toute l'Europe par une défaite spectaculaires des partis conservateurs et sociaux-démocrates qui ont dominé les événements politiques sur le continent pendant des décennies. Ni en Allemagne, ni en France, ni au Royaume-Uni, ces partis n'ont obtenu la majorité des voix. En Allemagne, les chrétiens-démocrates (CDU-CSU) et les sociaux-démocrates (SPD) ont obtenu à des résultats électoraux historiquement bas; le seul SPD a perdu 11,4 points de pourcentage par rapport à 2014.
La raison en est la colère énorme que des millions de travailleurs éprouvent à l'égard des politiques de droite du militarisme, des inégalités sociales et des mesures autoritaires. Le Parti de gauche est perçu à juste titre non pas comme une opposition à ces politiques, mais comme partie prenante de celles-ci.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes: En Thuringe, où le Parti de gauche gouverne avec les Verts et le SPD au niveau de l'État depuis décembre 2014, le Premier ministre «de gauche» Bodo Ramelow a le deuxième taux d'expulsion le plus élevé en Allemagne.
Pas plus tard que le mois dernier, on a appris que le ministre de la Justice de Ramelow, Dieter Lauinger (Verts), avait fait poursuivre l'association d'artistes Centre pour la beauté politique, à l'initiative de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) d'extrême droite, pour «formation d'une organisation criminelle». L'AfD, en revanche, est devenue la deuxième force la plus forte aux élections européennes en Thuringe, presque au même niveau que la CDU. Elle a réussi à tripler son score par rapport aux dernières élections européennes.
Le Parti de gauche est au gouvernement de l'État dans la capitale, Berlin, depuis 2002, avec une seule interruption. Aujourd'hui, Berlin est considérée comme la «capitale de la pauvreté». En 2002, le Sénat (exécutif de l'État) «rouge-rouge» du SPD et du Parti de gauche de l'époque s'était mis d'accord sur la «loi sur la protection contre les risques», au moyen de laquelle il s'était engagé à garantir les dettes de la Berliner Bankgesellschaft à hauteur de 21,6 milliards d'euros. Dans les années qui ont suivi, le Parti de gauche, avec ses partenaires de la coalition, a mené une politique de dévastation sociale sans précédent dans l'Allemagne d'après-guerre jusqu'à ce jour.
Pendant les deux mandats du Sénat rouge-rouge, de 2002 à la fin de 2011, des dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public ont été supprimés, les salaires des employés restants ont été réduits de jusqu'à 12 %, 10.000 places d'étudiants et 216 chaires ont été supprimées et 150.000 appartements publics ont été privatisés. Aujourd'hui, si le Parti de Gauche fait ce qu'il veut, ces mêmes appartements doivent être rachetés avec des fonds publics à un coût dix-sept fois supérieur.
Plus récemment, l'actuel Sénat rouge-rouge-vert a fait la une des journaux lorsque le Conseil berlinois pour les réfugiés a fait état d'une «horrible déportation collective» au cours de laquelle de graves violations des droits de l'homme auraient été commises. Entre autres choses, le Conseil des réfugiés énumère «l'administration forcée de sédatifs» à un homme handicapé mental, «les séparations forcées de familles», «les passages à tabac par la police», et «l'immobilisation» et le transport d'une mère avec plusieurs enfants.
A Berlin, le Parti de gauche a été sanctionné aux élections européennes par une perte de 4,3 points de pourcentage. Seuls les partis de la grande coalition du gouvernement fédéral des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates y ont vu des pertes plus importantes.
Dans le Brandebourg, où le parti de gauche gouverne avec le SPD depuis novembre 2014, il a perdu 7,3 points de pourcentage. Il y a quelques mois à peine, la coalition rouge-rouge a adopté une nouvelle Loi de sécurité, qui ne se distingue guère de la fameuse «Loi sur les tâches de la police» en Bavière. Elle permet à la police d'utiliser des grenades à main dans la lutte contre les «terroristes», la détention préventive de plusieurs semaines des prétendus «auteurs», des enquêtes secrètes et la déclaration d'interdiction de résidence et de contact. En outre, la police a été équipée de caméras, et les périodes de stockage des vidéos de surveillance ont été considérablement allongées.
Aujourd'hui, le SPD et le Parti de gauche s'emploient à renforcer la branche des services secrets du land. Le projet de loi, approuvé par le Parti de gauche, prévoit de porter le nombre d'agents de renseignement de 93 à 120, de renforcer le recours aux informateurs confidentiels (IC) et de limiter le contrôle parlementaire sur l'agence. A la fin de l'année dernière, le maire du Parti de gauche de Francfort-sur-l'Oder avait menacé les réfugiés syriens de les expulser vers la zone de guerre.
L'AfD, dont la politique a été explicitement confirmée par cette affaire, a plus que doublé ses résultats électoraux dans le Brandebourg et est donc, comme en Saxe, la force politique la plus puissante de l'État. La politique de droite du Parti de gauche favorise la montée de l'AfD et lui ouvre la voie.
Le Parti de gauche n'est pas un parti de gauche, mais un parti de droite. Partout où il est au pouvoir, il sauve des banques, détruit le système de protection sociale, renforce l'État allemand et son appareil de sécurité et expulse brutalement les réfugiés dans les zones de guerre. Rien dans sa politique n'est de «gauche».
Dans un entretien accordé à l'hebdomadaire Der Spiegel cette semaine, Katja Kipping, cheffe du Parti de gauche, a clairement indiqué l'intention du parti de poursuivre et d'étendre cette politique. La participation à l'exécutif du Land de Brême, où le Parti de gauche a obtenu 10,4 % des voix aux élections du land en même temps que les élections européennes, pourrait être «un signal important pour le gouvernement fédéral», a-t-elle ajouté. Le soir des élections à Brême, Kipping avait appelé à une coalition rouge-rouge-vert et fait appel à la «responsabilité conjointe» du SPD, des Verts et du Parti de gauche.
Le bilan du Parti de gauche montre le caractère antisocial d'une telle coalition gouvernementale.
(Article paru en anglais le 1er juin 2019)