10/07/2019 mondialisation.ca  10 min #158977

Augmentation de l'ingérence militaire étasunienne en Argentine

L'hécatombe économique du gouvernement néo-libéral de Mauricio Macri noie l'Argentine dans la mer des intérêts militaires et géopolitique de Donald Trump.

Sous le patronage des États-Unis, la Conférence des Armées Américaines a réalisé des exercice militaires à la Triple Frontière de l'Argentine, du Brésil et du Paraguay, et le responsable du Commandement Sud, Craig Faller, a visité Buenos Aires pour finaliser plusieurs accords et aligner l'Argentine contre la Russie, la Chine et le Venezuela

Chronique d'une Argentine occupée en « défense de l'environnement »

La protection de la biodiversité est devenue l'excuse pour la réalisation de pratiques d'occupation à la triple frontière entre Brésil, Argentine et Paraguay, cœur de la réserve aquifère Guarani.

La province Argentine de Misiones a été l'épicentre d'un « Exercice International d'Opération Inter-agences en Protection de l'Environnement et des Ressources Naturelles », organisé par la Conférence des Armées Américaines (organisation inter-américaine surgie après la révolution cubaine sous égide du Pentagone), l'Armée Argentine et le Sous-Secrétariat de Protection Civile de cette province.

Ceci est possible grâce aux nouvelles réglementations que le gouvernement de Mauricio Macri a imposé pour permettre l'articulation des institutions de protection citoyenne (pompiers, défense civile, entre autres), des forces de sécurité intérieures (police), des forces armées argentines, et leur actuel alignement néo-conservateur avec les forces étrangères.

Le nouveau cadre juridique, comme celui amené par la loi 27287 promulguée en 2016 sur le Système de Gestion des Risques, rompt la trame juridique dont se dota le pays au retour de la démocratie en 1983.

Les exercices se réalisèrent dans la localité de Puerta Libertad, aux environs du barrage Urugua-i, en présence de représentants des armées de 15 pays, parmi lesquels se détachaient celles du Canada, des USA et de l'Espagne.

Lors d'une entrevue avec le quotidien « El Independiante » de Misiones, le sous-secrétaire de Protection Civile de la Province, Enrique Parra, mis en évidence la centralité militaire dans ces prétendus exercices civiles : « Nous avons travaillé en d'autres opportunités avec les forces fédérales. Ce qui se passe, c'est que l'armée vient avec toute sa structure et nous allons nous incorporer à sa structure de travail ».

Le portail Infobae, spécialisé dans l'information de l'agenda néo-conservateur du pays, évalue la participation aux opérations à 450 civils et militaires. Pour sa part, la presse de Misiones détailla la réalisation de quatre grands exercices militaires qui, derrière la narration de la protection du milieu ambiant, paraissent être dirigés vers une préparation de l'action civile et militaire face à une éventuelle attaque militaire ou « terroriste ».

Le premier exercice simule une fissure du barrage de Urugua-i. La seconde simulation, la chute d'un avion en pleine selva de Mission. Le troisième traitait du naufrage d'une embarcation dans le lac Urugua-i et le dernier fut la simulation d'un accident de camion contenant des produits chimiques à risque.

« Terrorisme » international dans le pays ?

Depuis que Macri a assumé la présidence, en plus d'une opportunité, dans la presse hégémonique, il a été question de cellules dormantes de Hezbollah dans la zone de la Triple frontière - précisément la zone où se sont déroulés les exercices militaires - un fait qui n'a jamais pu être vérifié.

Au contraire de ce que publiait le matraquage médiatique, le Hezbollah est une organisation politico-militaire qui surgit au Liban en 1982 en réponse à l'invasion israélienne sur son territoire. Son statut d'organisation « terroriste » pour les USA apparut quand en 1983, en pleine guerre contre l'occupation israélienne et occidentale, par le biais d'attaques suicides, ils tuèrent 258 étasuniens dans un casernement de Marine des USA à Beyrouth.

Ce qui est étrange, c'est que après la guerre, le Hezbollah s'est transformé en un parti légalement constitué qui compte actuellement un nombres d'élus des plus importants au Parlement Libanais. Ce qui l'a conduit a faire partie, sans problèmes, du gouvernement de coalition du président chrétien, Michel Aoun.

En Argentine cette organisation fut accusée, de manière réitérée mais sans aucune preuve, des attentats contre l'Ambassade d'Israël et à la AMIA (1992 et 1994), et même d'être responsable de l'assassinat du procureur Alberto Nisman (alors que tout indiquait qu'il s'agissait d'un suicide)

Le Commandement Sud étasunien visite l'Argentine

Par hasard ou par lien de cause à effet, les exercices militaires de Mission coïncident avec la visite de l'Amiral Craif Faller, Chef du Commandement Sud des Forces Armées des USA en Argentine, avant qu'il ne se dirige vers le Chili. L'objectif de cette tournée est de présenter la Chine, la Russie et le Venezuela comme des dangers pour les « démocraties » de l'hémisphère.

« Je crois qu'une alliance forte entre nos deux pays laissera hors de la compétition d'autres pays, y compris la Russie et la Chine », affirma le chef du Commandement Conjoint des forces armées nord-américaines qui assistent, contrôlent et interviennent en Amérique Latine.

Le Venezuela, comme scénario géopolitique central de la région, n'échappa pas à l'analyse du commandant étasunien, quisignala que la tâche du moment « est d'étudier les rapports des services de renseignement, apprendre et parvenir à une perception claire de la situation et de la complexité du désastre pour pouvoir ainsi planifier le lendemain. »

Le chef militaire rendit visite au ministre de la Défense argentin, le radical Oscar Aguad, et à la secrétaire de Stratégie et affaires militaires, Paola Di Chiaro (liée à l'influent Fulvio Pompeo), il était accompagné de Liliana Ayalde, une spécialiste en affaires latino-américaines du Département d'État qui officiait en tant qu'ambassadrice nord-américaine au Paraguay, lors du coup d'état contre Fernando Lugo, et au Brésil pendant l'impeachment (jugement politique) contre Dilma Roussef.

La présence de Craig Miller vient simultanément avec l'offre d'avions et de véhicules blindés aux Forces Armées Argentines. En d'autres termes, l'industrie militaire étasunienne fournit les armes et le Commandement Sud les entraînements.

Mot de la fin

En temps de période électorale, il semble que la stratégie officielle est de focaliser le débat sur le Venezuela et sur leHezbollah et de cesser de parler de la faim, de la pauvreté, du chômage de millions d'argentins et d'argentines.

L'Argentine traverse une féroce récession provoquée par un projet économique qui ne vise que les bénéfices des oligopoles locaux (énergétiques, miniers), les entreprises TIC, les chaînes agroalimentaires, et « les marchés », autrement dit, la vingtaine d'acteurs financiers qui se remplissent les poches avec la « bicyclette financière » de bons et obligations, les LEBAC's et LELIQ's.

Ce projet économique ne se soutient que grâce à l'intervention directe du Fond Monétaire International (FMI) et

au strict alignement du pays sur la stratégie néo-conservatrice de Donald Trump, avec qui Macri espère se réunir de manière bilatérale dans le cadre de l'Assemblée du G20 au Japon.

Pichetto, le sénateur péroniste, qui accompagne à présent Mauricio Macri dans la formule présidentielle pour les élections d'octobre, se prononça clairement : « Nos liens ne se tissent déjà plus avec des pays complexes du Moyen Orient, la Russie ou la Chine - avec qui je suppose qu'il garder des relations - nous devons nous situer résolument dans un profil occidental et revenir à notre relation historique avec les États-Unis. »

La poursuite de ce modèle économique, régit par la valorisation financière (dans laquelle gagne seulement ceux qui ont les moyens de faire « travailler »de grandes quantité de l'argent de la spéculation) exige ce pervers alignement géopolitique. Et c'est cet alignement qui rend obligatoire l'installation de bases étrangères (de la DEA, du Commandement Sud) sur notre territoire et l'accomplissement de ces ignominieux exercices militaires d'occupation.

Les forces populaires de Missiones ont depuis remis en question les mécanismes qui permettent l'entrée de forces armées étrangères dans le pays et elles ont dénoncé le fait que le Congrès de la Nation n'a pas été informé du déroulement de ce genre d'exercices militaires.

« Depuis un certain temps cette tendance [politique] est venue en utilisant des arguments comme les désastres naturels, la prévention du narcotrafic et le terrorisme afin de permettre une plus grande ingérence politique et militaire de la part des USA », affirma Jorge Almada, militant du Front de la Patrie de Misiones, à la presse de la province, où il annoncera aussi la formation de « Trinchera Soberana », une multi-sectorielle qui a convoqué diverses mobilisations populaires contre la militarisation du territoire.

Matías Caciabue et Paula Giménez

Article original en espagnol :  Argentina. Crece la injerencia militar estadounidenseesumen Latinoamericano, le 30 juin 2019

Traduction  Anne Wolff

Note de la traductrice :

Cet accroissement de la présence militaire US en Argentine trouve sa place dans ce qui est (re)devenu une occupation régionale du territoire par les USA qui vise d'une part les ennemis : Venezuela, Chine, Russie, mais également une prise de contrôle des ressources naturelles, ici la ressource aquifère du lac Guarani, 4ème réserve d'eau mondiale, alors que la surconsommation mais surtout les irréversibles pollutions qui résultent de la fracturation hydraulique (fracking) dans l'extraction des hydrocarbures, polluent de manière irréversible une grande partie des ressources aquifères des USA, provoquant pour la population des pénuries d'eau. Un phénomène qui ira en s'aggravant. Des forces militaires US surveillent aussi le lac Guarani depuis le Paraguay. On remarquera également le rôle joué (conseils, entraînement, fourniture d'armes et autre matériel militaire) par les Forces Armées US dans la militarisation de la répression des protestations sociales et populaires dans la région, en Colombie, au Honduras,... Un pays où de nombreuses voix s'élèvent comme un avertissement : « Nous sommes le laboratoire de la reprise en main de la région par les USA ». Ici, Les marines débarquent en Argentine : zoom sur l'invasion militaire

Matías Caciabue et Paula Giménez : Chercheurs argentins de CLAE-FILA (Centre Latino-Américain d'études Stratégiques)

La source originale de cet article est  Resumen Latinoamericano
Copyright ©  Matías Caciabue et  Paula Giménez,  Resumen Latinoamericano, 2019

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