Par Josh Varlin
11 juillet 2019
La Haute-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Michelle Bachelet, a publié lundi une déclaration condamnant les conditions de détention des immigrants détenus par le gouvernement américain dans des camps de concentration situés le long de la frontière sud avec le Mexique. Sa déclaration évoque la séparation des enfants de leurs parents, les «conditions scandaleuses» dans le réseau de centres de détention et d'autres violations flagrantes des droits de l'homme et du droit international qui constituent la politique officielle de l'administration Trump.
Bachelet a noté la publication d'un rapport du bureau de l'inspecteur général du département de la Sécurité intérieure (DHS) révélant une surpopulation systématique, le manque de douches et de repas qui rendaient les immigrants malades.
Children sleeping on mats with thermal blankets in a detention center in McAllen, Texas [Credit Customs and Border Protection]
L'ancienne présidente du Chili a déclaré qu'elle était «profondément choquée que les enfants soient obligés de dormir par terre dans des installations surpeuplées, sans accès à des soins de santé adéquats ni à une nourriture suffisante, et dans de mauvaises conditions d'hygiène».
Bachelet a directement critiqué l'objectif premier de la politique d'immigration de l'administration Trump, qui consiste à rassembler, enfermer et expulser les immigrants sans respecter les procédures régulières et le droit international: « Les États ont la prérogative souveraine de décider des conditions d'entrée et de séjour des étrangers ressortissants. Mais il est clair que les mesures de gestion des frontières doivent respecter les obligations de l'État en matière de droits de l'homme et ne doivent pas être fondées sur des politiques restrictives visant uniquement à détecter, enfermer et expulser rapidement les migrants en situation irrégulière».
« Dans la plupart des cas, les migrants et les réfugiés ont entrepris des voyages périlleux avec leurs enfants à la recherche de protection et de dignité, loin de la violence et de la faim. Quand ils pensent enfin être arrivés en sécurité, ils peuvent se retrouver séparés de leurs proches et enfermés dans des conditions indignes. Cela ne devrait jamais arriver nulle part».
Elle a également souligné les poursuites engagées par le gouvernement à l'encontre des organisations de défense des droits des immigrants et de leurs militants pour avoir fourni une assistance humanitaire à ces derniers: «Venir en aide à quelqu'un pour lui sauver la vie est une obligation des droits de l'homme qui doit être respectée pour tous, en tout temps. Il est inconcevable que ceux qui cherchent à fournir un tel soutien risquent de faire l'objet d'accusations criminelles».
En mars, quatre militants du groupe No More Deaths ont été condamnés à une peine de probation et à une amende pour avoir laissé des carafes d'eau et de la nourriture pour les migrants effectuant la traversée dangereuse entre le Mexique et les États-Unis. Scott Warren, un volontaire de No More Deaths, doit faire l'objet d'un nouveau procès pour avoir pris en charge et nourri les migrants après que le premier jury a refusé de le condamner.
Bachelet, une pédiatre, a spécifiquement dénoncé la détention d'enfants, déclarant: «Détenir un enfant même pour de courtes périodes dans de bonnes conditions peut avoir un impact sérieux sur sa santé et son développement: considérez les dégâts causés chaque jour en permettant à cette situation alarmante de perdurer».
Le récent rapport de l'inspecteur général du DHS a révélé que 2669 des 8000 détenus répartis dans cinq établissements du Customs and Border Protection (CBP) étaient des enfants. Sur ces enfants, 826 avaient été détenus plus de 72 heures et 50 avaient moins de 7 ans. Trois des installations manquaient de douches pour les enfants.
Même pour les adultes, Bachelet a déclaré: «Toute privation de liberté... devrait être une mesure de dernier recours».
Comme il est typique des déclarations de l'ONU, la déclaration de Bachelet contient un appel insensé aux États-Unis et aux autres gouvernements: «Travaillez ensemble pour lutter contre les causes profondes qui poussent les migrants à quitter leur domicile».
Au lieu de cela, le gouvernement Trump étend sa guerre aux immigrés au sud de la frontière américaine en coupant l'aide aux gouvernements d'Amérique centrale et en faisant pression sur le gouvernement mexicain du président Andrés Manuel Lopez Obrador, plus connu sous le nom d'AMLO, pour qu'il expulse plus d'immigrants en juin que tout autre mois depuis 2006.
Le prédécesseur de Trump, Barack Obama, a soutenu un coup d'État militaire contre le président élu du Honduras, Manuel Zelaya, en 2009, créant des conditions épouvantables au Honduras, obligeant chaque année des dizaines de milliers de travailleurs à rechercher une vie meilleure à l'extérieur du pays.
Indiquant en outre que le gouvernement des États-Unis n'a pas l'intention de tenir compte de la déclaration de Bachelet, le 3 juillet, le DHS a demandé à 1000 soldats supplémentaires de la Garde nationale de se rendre à la frontière entre le Texas et le Mexique. La demande, rendue publique lundi par le ministère de la Défense, met en œuvre une ordonnance du gouverneur du Texas, Greg Abbott, un républicain, autorisant la garde nationale de l'État à aider le CBP.
Lorsque Abbott a publié l'ordre le mois dernier, il a qualifié le Congrès de «groupe de dépravés» pour ne pas en faire supposément assez pour arrêter les immigrants. «Ils parlent d'une crise humanitaire et de la réforme d'un système d'immigration tout en refusant d'adopter des lois pour résoudre le problème», a-t-il déclaré pour justifier le déploiement de soldats pour empêcher les immigrants appauvris d'atteindre les États-Unis.
Le Corpus Christi Caller Times a rapporté que « les troupes devraient arriver à divers endroits le long de la frontière plus tard ce mois-ci pour aider les autorités fédérales».
Ils rejoindront 1900 autres soldats de la Garde nationale et 2300 soldats en service actif à la frontière.
De façon effrayante, un porte-parole du Pentagone a déclaré à CNN que les nouvelles troupes seraient déployées, car «un soutien provisoire est demandé pour les installations du CBP situées à Donna et à Tornillo, au Texas». Le DHS n'a pas donné plus de précisions suite à la demande de CNN. Cependant, cela laisse entrevoir la possibilité que les troupes de la Garde nationale rejoignent directement les camps de concentration.
(Article paru en anglais le 10 juillet 2019)