11/07/2019 tlaxcala-int.org  7 min #159007

La justice italienne condamne 24 anciens militaires sud-américains à la prison à vie pour des crimes commis pendant l'Opération Condor

 Janaina César

Le jugement annulle celui rendu en première instance, le 17 janvier 2017, qui avait condamné huit des accusés (ceux qui avaient eu des postes gouvernementaux) et acquitté les 19 autres

Certaines des victimes

La Cour d'appel de Rome a condamné 24 ex-militaires boliviens, chiliens, péruviens et uruguayens à la prison à vie lundi (08/07) pour le meurtre de 25 Italiens lors de l'Opération Condor. Condor était une alliance entre les dictatures sud-américaines des années 1970 et 1980 qui permettait l'échange d'informations et de prisonniers et avait pour objectif de persécuter, torturer et assassiner les dissidents politiques, sans aucune hésitation.

La peine annulle celle prononcée en première instance, le 17 janvier 2017, qui avait condamné huit des accusés (ceux qui avaient eu des postes gouvernementaux) et en avait acquitté 19. La La Cour d'Appel présidée par la juge Agatella Giuffrida, a également condamné les hommes du deuxième échelon, les considérant comme coauteurs des crimes.

La Cour a reconnu coupables les Chiliens Hernán Jerónimo Ramírez, Rafael Ahumada Valderrama, Pedro Octavio Espinoza Bravo, Daniel Aguirre Mora, Carlos Luco Astroza, Orlando Moreno Vásquez et Manuel Abraham Vásquez Chauan, les Péruviens Francisco Morales Bermúdez, Germán Ruiz Figuero et Martín Martínez Garay et le Bolivien Luis Arce Gómez.

Les Uruguayens sont José Gavazzo Pereira, Juan Carlos Blanco, José Ricardo Arab Fernández, Juan Carlos Larcebeau, Pedro Antonio Mato Narbondo (caché au Brésil), Luis Alfredo Maurente, Ricardo José Medina Blanco, Ernesto Avelino Ramas Pereira, José Sande Lima, Jorge Alberto Silveira, Ernesto Soca, Néstor Troccoli, Gilberto Vázquezquez Bissio et Ricardo Eliseo Chávez.

La sentence complète, avec les justifications, sera publiée dans 90 jours, mais il semble que la Cour ait accepté l'un des principaux arguments défendus à la fois par les avocats de l'État italien et par le ministère public, à savoir que les enlèvements commis par d'anciens militaires et agents du renseignement ont abouti à la mort des victimes.

« J'étais certain de ce résultat. C'était un tribunal de femmes sérieuses qui connaissent la loi et comprenaient qu'il ne s'agissait pas d'un procès recherchant la vengeance, mais la justice », a déclaré Luca Ventrella, avocat de l'État italien. Tiziana Cugini, la procureure en charge, a déclaré qu' « après un long parcours qui a duré dix ans, nous avons aujourd'hui obtenu la vérité, la connaissance et la justice pour les victimes, pour notre histoire et pour nous tous ».

Le procès devant les tribunaux italiens contre les agents de la dictature brésilienne qui oeuvraient dans le cadre de Condor se déroule séparément, parce que la plainte contre eux a été déposée alors que le grand procès Condor était déjà en cours et que les avocats de la défense des Brésiliens ont affirmé que les preuves et les témoins entendus jusqu'alors ne pouvaient être utilisés de manière rétroactive. Une nouvelle présidente et un nouveau procureur pour cette affaire ont été nommés en juin dernier.

L'affaire juge l'enlèvement et le meurtre du citoyen italo-argentin Lorenzo Viñas, militant de l'organisation Montoneros, qui a lutté contre la dictature en Argentine. Viñas a disparu à Uruguaiana, dans le Rio Grande do Sul, à la frontière avec l'Argentine, le 26 juin 1980.

Les personnes accusées par le ministère public italien sont João Osvaldo Leivas Job, Carlos Alberto Ponzi et Átila Rohrsetzer. Leivas Job était secrétaire à la sécurité du Rio Grande do Sul à la date de l'enlèvement de Viñas, Ponzi dirigeait l'agence du Service national de reneseignement (SNI) à Porto Alegre et Rohrsetzer était directeur de la Division centrale du renseignement du Rio Grande do Sul, selon le procureur.

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La Cour d'appel de Rome. Photo Janaina Cesar/Opera Mundi

Néstor Troccoli

Il y a eu des célébrations lorsque la juge a lu les condamnations, surtout dans le cas de l'ancien lieutenant uruguayen Nestor Troccoli. Il était responsable du Service de renseignement de la marine uruguayenne (Fusna) et accusé d'être directement responsable des morts et de la torture pendant la dictature dans le pays (1973-1985).

« Enfin, justice a été faite », a déclaré Aurora Meloni, veuve de Daniel Banfi, enlevé en Uruguay et assassiné par les militaires en Argentine dans les années 1970.

Pour Cristina Mihura, dont le mari a été arrêté à Buenos Aires et est toujours porté disparue à ce jour, « cette sentence a remis sur les rails le train que la première instance avait fait dérailler. Mais nous devons continuer à lutter pour la justice. Je pense en particulier aux familles des victimes de Troccoli qui n'avaient jamais obtenu justice ».

Andrea Speranzoni, avocat de la défense de l'État uruguayen, a joué un rôle clé dans ce résultat, selon les représentants du pays. « Cette sentence sert d'alarme même pour les crimes commis aujourd'hui, car la justice prend du temps, mais un jour elle arrive ».

« Personne ne s'attendait à une telle sentence, qui changerait complètement les condamnations de première instance », a déclaré Francesco Guzzo, l'avocat de Troccoli. M. Guzzo a déclaré que l'Uruguayen était irrité par cette décision. « Évidemment, nous allons faire appel en cassation », a dit M. Guzzo.

L'arrestation de Pinochet a ouvert une brèche pour la plainte

C'est à la fin des années 1990 que Giancarlo Capaldo, le procureur italien chargé de l'affaire, a reçu une plainte concernant les meurtres d'Italiens dans le cadre de l'Opération Condor. L'accusation a été portée par des mères et des proches d'Uruguayens et d'Argentins disparus, inspirés par l'enquête menée par le juge espagnol Baltasar Garzón, qui a assigné l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet à résidence à Londres pour crimes contre l'humanité.

L'affaire Condor a débuté en février 2015. Après des années d'enquête impliquant plusieurs pays et collaborateurs, Capaldo avait l'intention de conduire les 140 accusés sur le banc des accusés, mais en raison du nombre d'accusés morts pendant l'affaire et des nombreux problèmes bureaucratiques dans certains pays, le nombre d'accusés a été réduit.

Il s'agit du premier procès en Europe reconnaissant l'existence de l'Opération Condor et condamnant les responsables des crimes commis pendant les années où elle a été menée.

Carlos Latuff

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  operamundi.uol.com.br
Publication date of original article: 08/07/2019

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