24/07/2019 wsws.org  8 min #159545

La rumeur d'un accord entre Fiat-Chrysler et Renault laisse présager des licenciements massifs

Le gouvernement de l'Ontario radie un prêt de renflouement consenti à Chrysler en 2009

Par Carl Bronski
24 juillet 2019

Le gouvernement populiste de droite du premier ministre conservateur de l'Ontario, Doug Ford, a annoncé la semaine dernière qu'il allait radier 445 millions de dollars en prêts accordés à Chrysler Corporation (maintenant Fiat-Chrysler) dans le cadre du plan de sauvetage fédéral-provincial de 2009. Cette mesure fait suite à une radiation semblable de 2,8 milliards de dollars en remboursements de prêts à General Motors et Fiat-Chrysler annoncée l'an dernier par le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau.

Dans l'ensemble, le gouvernement conservateur fédéral et le gouvernement libéral de l'Ontario ont transféré 13,7 milliards de dollars aux patrons de General Motors et de Chrysler, tout en extorquant d'énormes concessions des travailleurs de l'automobile au niveau des salaires et des bénéfices. Bien que les registres fédéraux et provinciaux sur les remboursements soient opaques, on estime que près de 4 milliards de dollars ont été convertis en dons purs et simples aux entreprises.

Lors du renflouement du secteur automobile au Canada et aux États-Unis en 2009, Chrysler a été divisée en une «Ancienne Chrysler» qui a fait faillite et une «Nouvelle Chrysler» plus viable qui a finalement fusionné avec l'italienne Fiat en 2014. La nouvelle Fiat Chrysler Automobiles (FCA) a enregistré des bénéfices de 4,3 milliards de dollars américains en 2017 et de 3,6 milliards en 2018. GM a également réalisé des milliards de dollars de profits au cours de la dernière décennie en raison de l'exploitation accrue de sa main-d'œuvre.

Le fait que le gouvernement conservateur et le gouvernement libéral aient annulé des milliards de dollars de dettes envers les contribuables de ces géants de l'automobile montre bien que les deux partis sont les serviteurs éhontés de l'oligarchie financière.

Élu à la tête d'un gouvernement majoritaire en juin 2018, Ford a immédiatement déclaré que l'Ontario était «ouverte aux affaires.» Son gouvernement a lancé une attaque généralisée contre les droits des travailleurs, renforcé les pouvoirs de la police, alimenté l'hostilité à l'égard des réfugiés, éviscéré les mécanismes de réglementation, réduit le financement de l'éducation et des soins de santé, et se prépare maintenant à criminaliser l'opposition de la classe ouvrière, notamment la grève que les enseignants menacent de déclencher cet automne.

En avril, Ford s'est vanté que son administration se consacrait à l'augmentation des bénéfices des entreprises. «Notre gouvernement réduit les impôts, les tarifs d'électricité et la paperasserie. Il n'y a jamais eu de meilleur moment pour les constructeurs automobiles d'investir dans la province de l'Ontario», a-t-il déclaré.

Le cadeau de Ford à FCA fait suite à l'annonce de l'entreprise que le troisième quart de travail à son usine d'assemblage de Windsor sera éliminé en octobre, entraînant la perte permanente de 1500 emplois. La radiation par M. Trudeau, l'an dernier, des obligations de GM à l'égard des prêts non remboursés a eu lieu quelques semaines à peine après que GM eut annoncé qu'elle fermerait son complexe d'Oshawa plus tard cette année, causant la perte de 2300 emplois dans l'assemblage et de 2700 autres dans la fabrication de pièces.

Le président d'Unifor, Jerry Dias, a, comme on pouvait s'y attendre, gardé le silence sur le fait que les constructeurs automobiles n'allaient pas rembourser leurs dettes envers les fonds publics. Le président d'Unifor, qui siège au Conseil du Partenariat pour le secteur canadien de l'automobile aux côtés des PDG des cinq principaux constructeurs automobiles du Canada, a demandé aux gouvernements fédéral et ontarien de fournir aux constructeurs automobiles 50% de tout nouvel investissement dans leurs usines canadiennes. De telles largesses ne profitent qu'aux riches actionnaires, tandis que les travailleurs de l'automobile continuent à subir des réductions de salaires, d'emplois et d'avantages sociaux, ainsi qu'un effort acharné pour accélérer la production.

Dans leur réponse à la plus récente annonce de mises à pied à Windsor et à l'annonce de la fermeture de l'usine de GM d'Oshawa en novembre dernier, les représentants d'Unifor ont affirmé avoir été pris de court par la direction. Lors d'une conférence de presse en avril, le président de la section locale 444 d'Unifor de Windsor, Dave Cassidy, a minimisé les mises à pied, qualifiant les compressions de «décision strictement commerciale fondée sur le Pacifica». À Oshawa, après quelques mois de fanfaronnades et une campagne nationaliste infâme ciblant les travailleurs mexicains, Dias et Unifor ont humblement accepté la décimation de la main-d'œuvre automobile de la ville en échange d'une promesse douteuse de 300 emplois d'estampillage de pièces après-vente, un peu plus du dixième des anciens employés de l'usine.

Le renflouement de 2009 a été imposé par la collusion des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA) - qui sont devenus Unifor en 2013 -, des patrons de Chrysler et de General Motors, du gouvernement conservateur fédéral et du gouvernement libéral de l'Ontario. Les TCA ont accepté de rouvrir les conventions remplies de concessions d'une durée de trois ans que le syndicat avait négociées au printemps 2008 et ont imposé de nouvelles réductions radicales des avantages sociaux et des congés payés, des changements aux règles de travail et d'autres concessions, estimées êtres équivalentes à plus de 20$ de l'heure par travailleur.

Allant encore plus loin que les bureaucrates des TUA aux États-Unis, les dirigeants des TCA ont insisté pour que, dans un souci d'«équité», le contrat chez Ford soit rouvert pour lui accorder les mêmes concessions que ses concurrents, même si la compagnie n'a jamais demandé, et encore moins reçu, de fonds de sauvetage.

Les conventions conclues en 2009 avec les TCA ont réduit les salaires des nouveaux employés de 4$ l'heure (de 24$ à 20$ l'heure) et prolongé de six à dix ans la durée de leur emploi au niveau inférieur du deuxième échelon. Les salaires et les indemnités d'ajustement au coût de la vie des travailleurs plus anciens ont été gelés. Les retraités ont perdu leur indemnité d'ajustement au coût de la vie.

Le syndicat a accordé d'autres concessions dans les conventions collectives qu'il a négociées à l'automne 2012. Il s'agissait notamment d'inscrire les travailleurs nouvellement embauchés dans un régime de retraite hybride qui ne leur garantit aucun montant de pension fixe et qui les oblige, pour la toute première fois dans un contrat de travail automobile avec les trois grands constructeurs automobiles de Detroit (les Trois de Detroit), à payer des cotisations de retraite élevées. D'autres concessions ont suivi en 2016.

Depuis des décennies, les TCA/Unifor collaborent à la destruction des emplois et du niveau de vie au nom de la sauvegarde des «emplois canadiens.» La réalité, c'est que cette politique n'a pas sauvé un seul emploi. Au lieu de cela, le syndicat des travailleurs de l'automobile a supervisé une réduction de plus de 50% du nombre de travailleurs horaires chez les Trois de Detroit au Canada depuis 2001. Depuis que l'argent du plan de sauvetage a été distribué en 2009, 7000 autres travailleurs de l'automobile (incluant les récentes annonces de licenciements) ont perdu leur emploi chez GM et Chrysler.

Cet automne, les contrats des travailleurs de l'automobile aux États-Unis doivent être renouvelés, et les Travailleurs unis de l'automobile se préparent une fois de plus à faire adopter à toute vapeur les concessions radicales exigées par les patrons de l'automobile. En l'absence d'une lutte indépendante menée par les travailleurs de l'automobile, organisés indépendamment de la bureaucratie pourrie des TUA et en opposition à celle-ci, ces concessions franchiront la frontière l'an prochain lorsque les contrats canadiens des Trois de Detroit arriveront à échéance.

Les travailleurs de l'automobile au Canada et aux États-Unis doivent rejeter cette séparation artificielle de leur lutte selon des lignes nationales. Ils doivent s'unir pour organiser des comités de la base dans les usines, indépendants d'Unifor et des TUA, pour monter une contre-offensive contre les patrons de l'automobile. Ces comités devraient lancer un appel urgent pour que les travailleurs de l'automobile du Canada, des États-Unis, du Mexique et d'ailleurs dans le monde se battent ensemble pour défendre les emplois et le niveau de vie de tous les travailleurs.

Le fait que Ford et Trudeau remettent des milliards aux patrons de l'automobile alors même qu'ils jettent des milliers de travailleurs de l'automobile et des secteurs connexes au chômage démontre qu'une lutte politique est nécessaire pour s'opposer aux attaques contre les emplois et les conditions de travail imposées par Unifor et les constructeurs automobiles. Rejetant l'alliance politique réactionnaire d'Unifor avec les libéraux, qui représentent les grandes entreprises, les travailleurs de l'automobile doivent faire appel à d'autres sections de travailleurs qui font face à des attaques similaires pour se joindre à une lutte commune contre les laquais du monde corporatif que sont Ford et Trudeau. Une telle lutte doit avoir pour objectif le combat pour un gouvernement de travailleurs voué à des politiques socialistes, afin que les vastes ressources de la société puissent être déployées pour garantir des emplois décents pour tous, au lieu d'utiliser les fonds publics pour engraisser les poches des cadres du secteur automobile et de l'élite dirigeante des entreprises.

(Article paru en anglais le 22 juillet 2019)

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