Deux évènements ont eu lieu ce mardi 23 juillet 2019. En pleine canicule. En pleines vacances. Deux évènements dont la couverture médiatique a été inversement proportionnelle aux enjeux réels, voire existentiels, de la société. Ces deux rendez-vous doivent être analysés simultanément.
Le premier concerne la ratification du traité de libre-échange entre le Canada et l'UE par l'Assemblée nationale française. Cette ratification n'a qu'une valeur symbolique. La France comme ses collègues de l'UE avait délégué la gestion du traité à la Commission européenne. Par conséquent, la seule et unique signature qui compte dans ce dossier est celle que Donald Tusk a apposé sur le document, le 30 octobre 2016, au nom de l'Union européenne. Tout le reste n'est que mise en scène.
Le CETA, un traité de libre-échange, qui comme tous les contrats du genre, brille par les droits princiers accordés à des entités commerciales, qui ne sont pas tenues en contrepartie par des obligations.
Par la signature de ce genre d'accords, les gouvernants politiques non seulement renoncent à chercher noise à ces nouveaux souverains corporatisés, mais en plus leur accordent des garanties aussi exceptionnelles qu'irrationnelles. Et gare aux rebelles, les coûts des conflits sont si élevés que les dirigeants publics font tout pour les éviter.
Et ce malgré les activités hautement polluantes et destructrices de l'environnement. Car ces organisations sont les principales sources de pollution, étonnamment jamais dénoncées par le pouvoir en place (en France ou ailleurs).
La Presse Canadienne :
On en sait trop peu sur l'impact que le bitume des sables pétrolifères peut avoir sur les végétaux et les animaux dans l'océan pour évaluer les risques de son transport dans les environnements marins, indique une nouvelle étude.
Le document, qui tire ses conclusions de l'examen de plus de 9000 articles scientifiques sur le pétrole et l'environnement, soutient que les informations de base sur plusieurs sources clés de stress et de perturbations sont inexistantes ou indisponibles. ecoquebecinfo.com
Systématiquement porteuses du label « développement durable », ces entreprises continuent leur sinistre oeuvre de destruction de la planète au nom du commerce et dela libre-circulation.
La juteuse transition écologique, initiée par les grandes firmes mondiales, est très à la mode. Elle a permis aux mêmes acteurs polluants de se recycler dans ce qui est appelé aujourd'hui le capitalisme vert. Une appellation anesthésiante qui permet d'engranger les milliards des caisses publiques. Pour quels résultats?
La planète agonise littéralement sous nos yeux impuissants. Bétonnage à tout va, multiplication des centrales à charbon, explosion de la production de plastique, destruction des forêts, des océans, et plus généralement de la faune et de la flore sous toutes leurs formes.
De son côté, la production mondiale de matières plastiques a atteint un niveau record de 359 millions de tonnes en 2018, soit l'équivalent de 11,38 t par seconde (compteur). Ce chiffre a augmenté de 3,2% depuis 2017.
lefigaro.fr
Pour comprendre le désastre écologique que ces entreprises génèrent, il suffit de penser qu'elles veulent s'approprier et contrôler les ressources naturelles en réduisant les coûts au maximum. Les conséquences sur l'environnement leur sont indifférentes. Pire que cela, contrarier leur ambition conquérante peut coûter cher. Très cher. Et cela peut se chiffrer en milliards...
CETA : Un accord qui sent bon le Pétrole et le Gaz. Laurent Horvath
Zéro résultat donc en échange de sommes extravagantes déversées dans les paniers de la haute finance. La transition écologique implantée par l'ensemble des pays ne serait qu'un enfumage bien vert.
challenges.fr
Le deuxième évènement de ce mardi 23 juillet est l'accueil solennel réservé à une jeune fille, Greta Thunberg, une adolescente activiste qui est supposée provoquer une prise de conscience quant à l'urgence de la défense de l'environnement. Sauf que curieusement, Greta Thunberg déclare n'avoir « aucune opinion par rapport à ce vote ». Greta qui est supposée maîtriser les moindres détails de la question environnementale passe ainsi à côté des enfants mis au monde par le dieu-argent? En tout cas, son ignorance des ravages provoquées par les firmes les plus polluantes de la planète grâce aux traités de libre-échange est une preuve accablante du fait qu'elle soit elle-même manipulée.
Plus important est le fait que son indifférence face à la ratification du CETA, Greta désamorce d'un coup d'un seul les problèmes environnementaux que craignent les vrais activistes. En même temps, nous pouvons supposer que si elle avait eu l'intention de dénoncer les pratiques des firmes globales, elle n'aurait pas été invitée et n'aurait pas eu la liberté de parler en direct sous la lentille des caméras...
Comment peut-on être activiste et accueillie par les plus hautes instantes politiques d'un pays, et faire l'impasse sur les principaux générateurs de pollution. A priori cela n'a pas de sens. Sauf si cette intervention volontairement politisée n'est qu'une énième manipulation des citoyens qui sont priés de détourner leur regard de la ratification...
Bref, le 23 juillet fut surtout une journée chargée de symboles. Par la ratification du CETA, par l'accueil d'une héroïne qui a dénigré le monde politique, et qui malgré elle a promu le capitalisme vert, le monde du business transnational a pu savourer une victoire politique.
Quant au parlement, il a acté ce 23 juillet la fin de l'Etat public, la fin de la démocratie, et la fin de l'Etat constitué par et pour des peuples. L'avènement d'un monde corporatisé et déshumanisé est une réalité qui n'a pas fini de s'en prendre à la planète...
Les tribunaux d'arbitrages : ISDS
A part la suppression des droits de douane sur une multitude de produits, le CETA propose le mécanisme de tribunaux d'arbitrages (ISDS) qui permet aux entreprises ou aux investisseurs d'attaquer directement les législations et les gouvernements.
Suite l'accord commercial USA-Mexique-Canada, les gentilles entreprises canadiennes se sont rapidement mises à la page sur les bonnes pratiques importées des USA et elles ont fait appel à des dirigeants américains aux méthodes musclées.
De manière pratique, le cas de l'entreprise pétrolière canadienne TransCanada augure du futur européen. L'expert dans le transport de pétrole et de gaz a lancé en 2016 une plainte contre le gouvernement américain. Motif: pour des considérant environnementaux, le gouvernement Obama a refusé la construction d'un pipeline de pétrole des sables bitumineux canadiens pour relier les USA. Mise à l'écart, l'entreprise canadienne demande 13 milliards $ de dédommagement pour ce refus.
TransCanada fait partie de ces nouvelles générations d'organisations guerrières. Dès 2014, elle a engagé l'une des plus grande agence de relations publiques américaine, Edelman, pour faire pression sur le gouvernement US. Son propriétaire Richard Edleman avait déjà été condamné pour avoir monté en ligne de faux groupes de réseaux sociaux afin d'influencer l'opinion publique. Ces campagnes avaient été réalisées pour faire croire qu'elles venaient des citoyens alors que tout était conçu par les employés d'Edleman. Ces mêmes méthodes agressives ont été utilisées en faveur de TransCanada et le pipeline Keystone XXL.
Selon l' UNCTAD, l'année 2015 a vu un record de 70 entreprises privées qui ont lancé des nouvelles actions en justice contre les gouvernements grâce aux accords de libre-échange. Même si les gouvernements gagnent souvent les poursuites dans le format d'arbitrage ISDS, ils ont dépensé un montant moyen de 8 millions $ puisés sur les fonds publics. Mais pour les entreprises le jeu en vaut la chandelle. ( liste des entreprises et des pays)
De plus, la possibilité pour les entreprises privées de poursuivre les Etats a vu fleurir un nouveau business aux niveaux des grandes études d'avocats qui poussent et encourgagent les entreprises à tenter leur chance. ( lire dossier du Corporate Europe Observatory and the Transnational Institute. En anglais)
Importation de pétrole hautement polluant: Comment contourner les législations locales
Les domaines pétroliers et gaziers de l'accord sont passés totalement sous silence par les politiques européens. Dans la presse, aucun mot n'a transpiré sur la libéralisation des exportations de pétroles hautement polluants. Pourtant l'accord est clair: Il incorpore le pétrole bitumineux, le schiste ainsi que les entreprises actives dans ces domaines.
En 2012, pendant que l'Europe planchait sur le bannissement de l'importation du pétrole des sables bitumineux, le gouvernent canadien du premier ministre Harper travaillait dans l'ombre pour contourner toute entrave à une industrie pétrolière qui pèse plus de 20% dans les exportations du pays. La plus-value de la vente à l'Europe du pétrole bitumineux canadien, au lieu des prix bradés des USA, est estimée à plus de 7 milliards $ annuellement.
Dans son plan, Harper devait également «blanchir» le pétrole bitumineux de l'Alberta et le schiste, qui sont les formes de pétrole le plus dévastatrices pour l'environnement. Il fit appel à l'ancien lobbyiste du tabac Ezra Levant. Celui-ci inventa la notion de «Pétrole Éthique» via la Ethical Oil Institute. Le tour de force de ce génie de la communication fonctionna et réussi à semer le trouble avec, là encore, des méthodes guerrières dont les européens sont totalement désarmés.
In fine, il sera également possible pour les entreprises américaines, logées au Canada, de forcer l'exploitation de schiste sur le sol européen et de transgresser toutes les entraves procurées par les législations environnementales.