Par Patrick Martin
26 juillet 2019
L'incident remarquable survenu lundi à Nashville, au Tennessee, décrit dans un article publié hier sur le World Socialist Web Site, a d'importantes leçons politiques pour la lutte pour la défense des immigrants et pour s'opposer aux attaques du gouvernement Trump contre les droits démocratiques.
Les résidents du quartier ouvrier Hermitage, dans la capitale du Tennessee, ont défendu un père immigré et son fils, après que des agents des services de l'immigration et des douanes, ICE, eurent tenté de détenir le père pour l'expulser du pays. Le père et le fils ont refusé de quitter leur fourgonnette, garée dans leur propre entrée, après que les agents de l'ICE les eurent accostés.
Quand les voisins se sont rendu compte de ce qui se passait, ils ont passé le mot et une douzaine de personnes sont venues apporter de l'aide au père immigré. Ils ont apporté un bidon d'essence pour qu'il garde son véhicule et la climatisation en marche, ainsi que de l'eau et des sandwichs.
Pendant quatre heures, le père immigré et son fils sont restés dans leur fourgonnette, protégés par leurs voisins qui ont formé une chaîne humaine plusieurs fois pour empêcher les agents de l'ICE de s'approcher, alors que les agents tentaient à plusieurs reprises de convaincre les personnes ciblées de sortir. Finalement, comme ils n'ont pu présenter qu'une ordonnance administrative sans mandat judiciaire, les agents sont repartis bredouilles.
Les commentaires donnés aux médias par ceux qui ont participé à la résistance à l'ICE donnent un aperçu des sentiments réels de solidarité de classe et d'humanitarisme envers les immigrés qui motivent réellement la grande masse des travailleurs. Une voisine a dit que la confrontation avec les agents de l'ICE «a changé ses sentiments à l'égard de ce pays».
Angela Glass a dit à la Nashville Scene: «Ces gens, ils vivent ici depuis 14 ans. Ils ne dérangent personne. Nos enfants jouent avec leurs enfants. C'est juste une grande communauté. Et nous ne voulons pas qu'il leur arrive quoi que ce soit. Ce sont des gens bien. Ils sont ici depuis 14 ans, laissez-les tranquilles. Pour moi, ce sont des Américains»
Une autre voisine, Felishadae Young, a déclaré à la chaîne d'information WZTV: «J'avais vraiment peur de ce qui se passait. Ça m'a fait très peur, parce que ça pourrait être moi, ma famille. Ça peut être n'importe qui. Ça pourrait être vos voisins, tout comme c'était mon voisin aujourd'hui.» Elle a ajouté: «Je sais qu'ils vont revenir, et quand ils reviendront, nous reviendrons.»
De tels commentaires démentent les efforts incessants de toutes les factions de l'élite dirigeante américaine pour faire de la race et la nationalité les caractéristiques fondamentales de la société, afin de diviser la classe ouvrière et de monter les travailleurs les uns contre les autres.
Trump, bien sûr, vilipende les immigrants dans les termes les plus extrêmes et racistes, cherche à créer une atmosphère de pogrom contre eux, et dépeint les travailleurs nés aux États-Unis dans leur ensemble comme hostiles et rancuniers envers les efforts des immigrants pour vivre et travailler en Amérique.
Les partisans de la politique identitaire qui dominent le Parti démocrate alimentent ce récit de Trump en disant que les travailleurs blancs sont animés d'une hystérie raciale envers les minorités. La version la plus débridée de ces calomnies a été exprimée par des experts des médias comme Charles Blow du New York Times, qui a récemment écrit: «Les Blancs et la blancheur sont au coeur de la présidence Trump», ajoutant que «les concitoyens - peut-être un tiers d'entre eux» étaient des racistes blancs qui ont démontré leur racisme par un soutien constant à Trump.
Cette image apocalyptique de l'Amérique au bord de la guerre raciale est contredite par la vidéo de Nashville de travailleurs, blancs et noirs, hommes et femmes, se tenant par la main pour défendre un père immigrant et son fils contre la détention et la déportation.
La réaction des autorités de Nashville démontre la préoccupation de l'élite dirigeante américaine face à la profonde impopularité de la persécution anti-immigrée de Trump et la crainte que les rafles et l'emprisonnement des immigrants et de leurs familles ne provoquent une explosion d'opposition populaire.
Les agents de l'ICE à Nashville, confrontés à des résidents locaux hostiles, ont appelé la police. Mais les autorités locales ont donné pour instruction à la police de ne pas participer à la détention du père immigré, mais seulement de «maintenir l'ordre», c'est-à-dire de s'assurer que la foule n'attaque pas les agents de l'ICE. Le maire de Nashville et deux de ses trois adversaires à l'élection municipale du 1er août prochain ont publié des déclarations exprimant leur solidarité avec ceux qui ont soutenu la famille immigrante et s'opposant à tout rôle de la police locale dans l'application de la politique d'immigration de Trump.
La divergence croissante entre la politique gouvernementale et les sentiments populaires explique l'échec, jusqu'à présent, des rafles de l'ICE ordonnées par Trump contre des quartiers d'immigrants dans dix grandes villes. L'ICE n'a détenu que 35 des 2000 immigrants initialement ciblés pour la détention et l'expulsion immédiate lors des rafles annoncées par Trump au début du mois.
Les responsables de l'administration de Trump et ses partisans dans les médias se sont plaints du fait que les «militants» ont alerté les immigrants sur leurs droits juridiques, les ont encouragés à les faire valoir de façon plus agressive et ont cherché à mobiliser un soutien matériel pour ceux qui risquent d'être arrêtés et déportés.
Plus généralement, l'opposition à la persécution des immigrés par Trump s'est traduite par des manifestations dans plus de 700 villes impliquant des dizaines de milliers de travailleurs, jeunes et étudiants. Plusieurs milliers de personnes ont participé à des activités de médias sociaux pour alerter les quartiers d'immigrants avant les rafles de l'ICE et pour faire connaître les atrocités commises par le gouvernement américain, tels que les mauvais traitements infligés aux immigrants détenus, en particulier aux enfants.
La résistance populaire aux déportations de masse contraste fortement avec le rôle du Parti démocrate, qui a approuvé le mois dernier un financement supplémentaire de 4,6 milliards de dollars pour le régime d'établissements de détention de Trump, où les immigrants sont soumis à la séparation familiale, au surpeuplement, à la quasi-famine et à la promotion délibérée de la maladie par négligence et refus de soins médicaux.
Cette semaine, dans l'accord budgétaire bipartite annoncé par Trump lundi dans un tweet triomphant, la direction démocrate du Congrès a accepté d'abandonner tout effort législatif visant à bloquer le détournement par Trump de milliards de fonds du Pentagone pour construire son mur promis depuis longtemps le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, ainsi que de financer intégralement les opérations anti-immigrants du département de la Sécurité intérieure, qui inclut l'ICE, la patrouille frontalière et le réseau des camps de concentration gérés par le gouvernement fédéral et des sociétés privées.
La défense des immigrants - et la lutte pour défendre les droits démocratiques de tous les travailleurs, sans distinction de race, d'origine nationale, de sexe ou d'orientation sexuelle - est la responsabilité de la classe ouvrière. Elle ne peut être menée par l'intermédiaire du Parti démocrate et du système politique bipartite contrôlé par la grande entreprise. Elle exige la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière sur la base d'un programme socialiste révolutionnaire, cherchant à unir les travailleurs de chaque pays dans une lutte commune contre le capitalisme.
(Article paru en anglais le 25 juillet 2019)