La victoire éclatante du Frente de Todos (FdT) lors des Primaires, Ouvertes, Simultanées et Obligatoires (PASO) du 11 août 2019 en Argentine est un fait très important et décisif pour la vie politique du peuple argentin et de même dans la perspective de Notre Amérique à l'étape historique que nous vivons, marquée par un impérialisme étasunien affaibli qui essayant de restaurer vainement son hégémonie mondiale perdue l n'a de cesse d'attaquer ses adversaires actuels et futurs par tous les moyens à sa portée, et en particulier à travers le monopole qu'il exerce sur le système monétaire qui domine les finances et le commerce mondial.
L'analyste uruguayen Aram Aharonian [1] souligne l'importance de ce triomphe électoral parce qu'il représente « l'échec du modèle de restauration néolibérale du Fonds Monétaire International (FMI) et des politiques des Etats-Unis d'Amérique, conduit en Argentine par le gouvernement de Mauricio Macri », et parce que « il ouvre la possibilité à de nouveaux chemins dans une région où on a voulu imposer le dans collectif imaginaire un échec supposé des gouvernements progressistes ».
Comme d'autres observateurs attentifs, Aharonian, remarquent que « le néolibéralisme tremble devant les prochaines élections en Uruguay et en Bolivie, qui pourraient mettre fin à la fête programmée depuis Washington (...) Les analyses laudatives de la presse hégémonique transnationale se sont transformées en adieux lugubres après la débâcle électorale. La revue spécialisée Forbes, le Financial Times, l'agence Bloomberg, coïncident sur que les 'investisseurs' savent que le temps de Macri est épuisé et qu'il y a un risque croissant de faillite ».
Et voilà qu'il souligne que ce « n'est pas le premier échec de la droite dans la région. Une droite qui répète le dogme néolibéral comme argument unique, en gouvernant pour 'les marchés' et non pour leurs peuples. L'énorme échec n'a pas été seulement celui du gouvernement de Macri, il a été celui de ses commanditaires et scénaristes, spécialement le FMI et de son encore chef Christine Lagarde ».
La rapide, audacieuse et intelligente, réponse sociale.
Il est clair que l'étendue du triomphe de la binôme Alberto Fernández et Cristina Fernández du FdT a dépassé les prévisions, mais le changement de gouvernement sera décidé lors des élections d'octobre prochain, et en vue de la brutale réaction initiale du marché financier centré aux États-Unis et de celle de l'actuel président Mauricio Macri et de ses collaborateurs proches, il est évident que la politique argentine vivra un interrègne dangereux pendant deux mois, ou bien sous les menaces et les pressions constantes des créanciers voraces étrangers, de l'oligarchie locale et du gouvernement des Etas-Unis, ainsi que des légitimes exigences populaires à des réajustements immédiats contre l'explosion inflationniste à cause la dévaluation du peso.
Comme dans d'autres moments de la relativement récente histoire argentine marquée par les politiques néolibérales, la lutte de classes se manifestera dans toute son étendue, et étant donnée l'histoire répressive du gouvernement de Macri il ne faut pas écarter qu'il essaiera d'utiliser, pour changer en octobre le résultat des primaires du mois d'août, tous les moyens à sa portée. Mais de la même manière, il faut rappeler les niveaux de résistance atteints par les luttes sociales et politiques en Argentine, en termes d'unité, massivité et combativité pendant les moments critiques créés par les politiques néolibérales, et qui ont mené à la formation du mouvement politique qui a assuré les victoires électorales de Néstor et de Cristina Kirchner.
C'est pour cela qu'il est important de souligner ce qu' a dit Hugo Yasky, secrétaire général de la Centrale de Travailleurs Argentins (CTA) et député pour la province du Buenos Aires du Frente pour la Victoria, lors la réunion de la Table Nationale de la CTA, après avoir analysé la gravité de la situation de misère qui affecte le peuple travailleur, et après avoir freiné les tentatives prévisibles du gouvernement de Macri pour changer en octobre le résultat électoral en sa faveur.
Après avoir fait remarquer l'impérieuse nécessité de la mobilisation syndicale et populaire pour compenser immédiatement la dépréciation brutale du peso et de son effet inflationniste sur tous les produits et services, Yasky a abordé la stratégie à suivre pour les mois qui viennent, et « en vertu de cela nous avons décidé de déclarer la CTA en état de séance permanente. Nous croyons que nous avons la capacité d'etre présent dans les lieux où nos gens sont en ce moment en souffrance, la CTA doit être en conditions de réclamer et d'être présent dans un moment si difficile. Nous assumons que l'élection a déclenché une espèce d'orage spéculatif de ceux qui ont de l'argent contre ceux qui veulent seulement travailler en paix » [2].
Et Yasky a ajouté que « nous allons lancer une convocation pour essayer de coordonner avec les organisations syndicaux, avec la CGT, avec les différentes centrales syndicales, d' être en ce moment en contact permanent avec tous les nôtres dans les régions du pays. Nous les travailleurs, sommes conscients que dimanche il y a eu une affirmation populaire écrasante, repoussant l'ajustement, la dollarisation, la spéculation financière, et réclamant de retourner vers une Argentine du travail et de salaire digne. Cette affirmation écrasante est à la moitié du chemin. Il manque l'élection d'octobre. Nous ne pouvons permettre que quoi que ce soit s'interpose dans ce chemin. La solution à la crise économique et sociale de l'Argentine est politique. Il y a eu une épopée populaire ce dimanche qui a fait que le peuple s'est prononcé massivement ».
Et aussi il a souligné que « le mouvement syndical et le mouvement social doivent protéger ce triomphe pour pouvoir finir en octobre de sortir définitivement les riches qui gouvernent pour les riches et avoir un gouvernement qui est pour tous les argentins, pas seulement pour les riches, pas seulement pour les spéculateurs financiers, pour ceux qui mène la fuite des capitaux. Et dans cette décision, est clef, le rôle des mouvements syndicaux. Nous devons être en réflexion permanente, et être en conditions d'éviter tout type de provocation. La forme sauvage dans laquelle ont été réprimés hier les collègues de ATE est le type de réponse que le gouvernement veut donner. Les trolls qui convoquent à des cacerolazos et travaillent pour le gouvernement ne font pas du bien au pays en ce moment. Nous devons être capables d'arriver à décembre en faisant que le vote populaire ait plus de valeur que les représailles et le dommage économique des spéculateurs et de ceux qui veulent avoir un gouvernement de riches pour les riches ». [3].
Cet appel se reflète déjà dans les mobilisations qui ont commencé le jeudi 15 avec la « Journée Nationale de Luttes » dans la Ville du Buenos Aires et d'autres lieux du pays, et dans les décisions de la Confédération de Travailleurs de l'Économie Populaire convoquée pour « définir un plan de lutte en ce qui concerne les mesures qu' ils exigent pour le secteur de l'Économie Populaire, et de la même manière dans la déclaration d'état d'alerte et de mobilisation » lancé par les Mouvements Populaires.
Comme le signale savamment Abraham Nuncio dans le quotidien mexicain La Jornada [4], « les propriétaires des capitaux en fuite (les fameux marchés) ont déjà voté contre les forces qui sont écrasé celles de Macri en donnant lieu à une grande crise en Argentine. Ils sont les alliés dont dispose l'impérialisme des États-Unis. Il faut les combattre pour les neutraliser, et pas seulement dans un pays ni en période d'élections ».
Les prochains mois prochains seront non seulement extrêmement importants pour les argentins, mais aussi pour les pays de Notre Amérique qui souffrent sous des gouvernements vendeur de-patries/collabos, répondant à l'impérialisme, et qui sont affaiblis par la croissante mobilisation populaire, comme ceux du Brésil et de l'Équateur, par exemple, et pour nos peuples, peut être importante l'expérience et les résultats qui surgissent de la stratégie de lutte conjointe de syndicats et de mouvements populaires exprimée par Hugo Yasky.
Alberto Rabillota* pour El Correo de la Diaspora
* Alberto Rabilotta. Journaliste argentino-canadien depuis 1967. Au Mexique pour la « Milenio Diario de Mexico » Correspondant de Prensa Latina au Canada (1974). Directeur de Prensa Latina Canada, pour l'Amérique du Nord (1975-1986) Mexique, USA, Canada. Correspondant de l'Agence de Services Spéciaux d'Information, ALASEI, (1987-1990). Correspondant de l'Agencia de Noticias de México, NOTIMEX au Canada (1990-2009. Editorialiste sous de pseudonymes -Rodolfo Ara et Rocco Marotta- pour « Milenio Diario de Mexico » (2000-2010, Collaborateur d'ALAI, PL, El Correo, El Independiente et d'autres médias depuis 2009.
Traduit de l'espagnol pour El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi
El Correo de la Diaspora. Paris, le 16 août 2019
Cette création par elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported. Basée sur une œuvre de www.elcorreo.eu.org.