23/08/2019 reseauinternational.net  7 min #160661

Pékin et Moscou ne sont pas vraiment des alliés en Asie du Sud

Une réunion du conseil de Sécurité de l'ONU sur le Cachemire s'est tenu vendredi dernier. La convocation du conseil de sécurité avait été exigée par Islamabad et avait été soutenue par la Chine. Mais le chef du ministère russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov, dans une conversation avec son homologue pakistanais Mehmoud Qureshi, a appelé à la désescalade du conflit et a souligné que les désaccords devraient être réglés sur une base bilatérale. Dans cet esprit, la Russie avait obtenu le huis clos pour cette séance où aucune décision n'a pu être prise. Cette position se trouvait venir en soutien de l'Inde, qui a célébré le 15 août la fête de l'indépendance. S'exprimant à Delhi, le premier ministre Narendra Modi a indiqué que la décision d'abolir le statut spécial du Jammu-et-Cachemire renforcerait l'unité du pays et aiderait à surmonter la corruption et le népotisme dans la région où la majorité des habitants sont musulmans. Mais pour l'Instant, leurs protestations ne sont dissuadées que par un contrôle strict de l'armée sur ce territoire.

La forteresse du Fort Rouge, érigée à Delhi il y a des siècles, a été témoin de nombreux événements historiques. Peut-être le plus important d'entre eux s'est-il produit le 15 août 1947, lorsque le premier chef du gouvernement indien, Javaharlal Nehru, a proclamé son indépendance des murs de ce fort.

Ses successeurs ont depuis eu, à plusieurs reprises, à faire des annonces importantes ce jour-là, sur la façon pour le pouvoir de surmonter une des crises que le pays a connues. Cette fois, la crise est de nature internationale et est causée par la décision de Delhi de supprimer les privilèges spéciaux dont l'Etat du Jammu-et-Cachemire a joui depuis plus de 70 ans. À sa place, il y aura deux territoires fédéraux qui jouiront de moins de droits que les États. L'article 370 de la Constitution, qui garantissait au Jammu-et-Cachemire un statut spécial, a été abrogé par les deux chambres du Parlement.

Modi, dans son discours, a déclaré à Reuters que le statut spécial avait contribué à l'enracinement de la corruption et du népotisme dans l'état, et que les droits des femmes et des minorités étaient bafoués. Modi n'a pas laissé sans réaction le premier ministre pakistanais Imran Khan. Le paradoxe historique est que le Pakistan célèbre son indépendance un jour plus tôt, le 14 août. Khan, dans un appel au pays, a désigné l'idéologie du parti au pouvoir en Inde comme nazie et a menacé que si l'Inde attaquait, on lui donnerait une sérieuse leçon.

La réponse indirecte de Modi peut être décryptée dans sa décision de créer un nouveau poste dans l'administration des forces armées : le chef d'état-major de la défense. Cela devrait servir de meilleure coordination entre les forces terrestres, la marine et l'armée de l'air.

Les changements dans la Constitution du voisin ont mis Islamabad, qui revendique l'ensemble du cachemire divisé, dans une situation difficile. Les États-Unis ont critiqué à plusieurs reprises le Pakistan et l'ont même soumis à des sanctions pour avoir soutenu des militants islamistes infiltrés en Inde. Mais l'opinion publique excitée exige de ne pas laisser les frères dans la foi dans le malheur.

Dans ces conditions, la diplomatie pakistanaise a demandé au conseil de sécurité de l'ONU de discuter de l'abolition par l'Inde du statut spécial du Cachemire. La demande du Pakistan a été appuyée par un membre permanent du conseil de sécurité : la Chine. La représentante du gouvernement chinois a déclaré que les actions de l'Inde étaient inacceptables. La Chine soutiendra pleinement la protection par le Pakistan de ses «droits et intérêts légitimes».
Il y a un différend entre la Chine et l'Inde depuis les années 1950 sur une portion de frontière d'une longueur de près de 3500 km. Ces différends concernent également la partie montagneuse du Nord-Ouest du Cachemire, en particulier la région d'Aksai-Chin. La Chine a depuis longtemps pris le contrôle de cette parcelle de terrain presque inhabitée. Cependant, l'Inde revendique Aksai-Chin comme une partie du Cachemire. Le fait que la Chine ait pris la parole du côté du Pakistan n'est pas surprenant. Islamabad est pratiquement un allié de second rang de Pékin.

Mais la position de Moscou est équilibrée. Lavrov a déclaré à Qureshi que les désaccords avec l'Inde devraient être réglés sur une base bilatérale par des méthodes politico-diplomatiques. En d'autres termes, Moscou a soutenu Delhi. Le fait est que l'Inde rejette les tentatives des pays tiers de négocier le différend avec le Pakistan ou de transmettre la question à l'ONU. À Delhi, on invoque l'accord conclu avec le Pakistan après la guerre de 1971. Il stipule que les différends doivent être résolus sur une base bilatérale.

Moscou et Pékin ont récemment renforcé leurs politiques de sécurité et leurs structures internationales. C'est un fait. Mais le fait est qu'en Asie du Sud, les routes des deux puissances se sont séparés.

Dans la presse russe le professeur au MGIMO (Institut d'État des Relations Internationales de Moscou) Sergueï Lounev a déclaré : « La Situation au Cachemire lui-même va probablement s'aggraver. Le Pakistan, qui était auparavant le tuteur des insurgés, ne va maintenant plus particulièrement les retenir. Et la séance du conseil de Sécurité ne changera rien. La Chine, sans aucun doute, soutiendra le Pakistan. Les États-Unis prendront une position évasive, mais avec une indulgence du côté de l'Inde. La Russie appellera à un règlement Pacifique. Mais on ne trouvera d'accord sur rien ».

Le président russe Vladimir Poutine a, de son côté, félicité les dirigeants indiens pour leur fête nationale, soulignant que les deux pays sont liés par « un partenariat stratégique particulièrement privilégié ».

Alors que Vladimir Poutine avait enregistré un succès diplomatique en organisant le sommet RIC (Russie Inde Chine) en marge du G20 d'Osaka, que cela avait été précédé par 4 mois de consultations tripartites entre février et juin 2019, lancées lors de la réunion des trois ministres des affaires étrangères à Wuzheng (Chine) les 27-29 février.

Les trois pays s'étaient alors entendus pour ne pas reconnaître le Juan Guaido comme Président du Venezuela.

L'entrée de l'Inde et du Pakistan dans l'organisation de coopération de Shanghaï (OCS) en 2017 avait été une grande victoire diplomatique pour Moscou, qui espérait régler les différents entre Pekin, New Dehli et Islamabad dans ce cadre. La réunion des chefs de gouvernement de l'OCS à Tashkent le 31 octobre sera, d'ailleurs l'occasion d'évaluer l'ampleur de la crise diplomatique entre indo-pakistanaise. Pour l'instant, aucun de ces deux pays n'a annoncé sa suspension ou son retrait de l'organisation.

Depuis les années 2000 l'Inde joue une politique d'équilibriste entre Washington, Moscou et Pékin afin de s'affirmer comme un acteur majeur en Asie-Pacifique. Toutefois, aucune de ces puissances n'a intérêt à voir le Pakistan basculer dans l'islamisme radical, ce qui briserait l'axe Pekin-Islamabad, au nom de la défense des « frères » Ouïghours, ce qui donnerait une autre sanctuaire (celui-ci protégé par l'arme atomique) aux terroristes du djihad international menaçant l'Europe, l'Asie centrale et le Caucase du Nord. Peut-être que l'Inde de Modi joue la politique du pire dans la région, en provoquant la rue pakistanaise afin d'obtenir, in fine, l'isolement international de son voisin occidental, devenu refuge de l'extrémisme musulman international...

-------- Sources :

 ng.ru

 rg.ru

via: lemonderusse.canalblog.com

 reseauinternational.net

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