30/08/2019 francais.rt.com  7 min #160993

Un maire breton jugé pour avoir interdit les pesticides dans sa commune

Pesticides : malgré l'annulation de son arrêté, le maire de Langouët fait des émules

Depuis l'annulation de l'arrêté anti-pesticides du maire de Langouët en Bretagne, de nombreux élus ont décidé de suivre son exemple. A six mois des municipales, les agriculteurs vont-ils devenir des boucs-émissaires ?

Sommes-nous en train d'assister à un divorce entre les riverains des communes rurales et leurs agriculteurs ? L'exemple du maire de la commune de Langouët en Ille-et-Vilaine pose la question. Héros de l'environnement pour les uns, démago pour les autres, Daniel Cueff s'est fait connaître en prenant un arrêté interdisant l'épandage de pesticides à moins de 150 mètres des habitations ou locaux professionnels sur le territoire de sa commune de quelques 600 habitants.

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Cependant, le mardi 27 août le tribunal administratif de Rennes a ordonné la suspension de son arrêté invoquant «l'incompétence» d'un maire pour réglementer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur sa commune. Cette prérogative relève normalement du ministère de l'Agriculture. Cela n'a pas empêché de nombreux maires de suivre l'exemple de l'édile de Langouët.

Audincourt, Revest-des-Brousses, Val-de-Reuil... Soucieux de «protéger» leurs administrés, des maires de tous bords politiques multiplient les arrêtés anti-pesticides. Cité par l'AFP, Daniel Cueff affirme que certains l'appellent même pour lui demander si le sien «est libre de droits» et dit avoir reçu 47 000 messages de soutien, ainsi qu'un appel de Nicolas Hulot.

«On soutient le maire de Langouët. Il faut se tenir les coudes», a expliqué à l'AFP Brigitte Moya, maire d'Aubenas-les-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), qui a pris un arrêté en août. Dans le même département, Brigitte Reynaud, maire de Revest-des-Brousses, a agi à l'identique. «C'est à nous de pousser pour que les pratiques agricoles changent», juge-t-elle.

Le maire UDI de Sceaux (Hauts-de-Seine), Philippe Laurent, secrétaire général de l'Association des maires de France, qui a aussi signé un arrêté, défend «une façon de mettre le débat sur la place publique» alors que la population est «à 90% en faveur de l'interdiction, même plus.»

Dans la Somme, le maire (divers droite) de Saint-Maulvis, Jean-Philippe Bauden a fait de même «pour faire réagir» les agriculteurs. «On sait que c'est très dangereux leurs produits», justifie l'édile de cette commune de 287 habitants.

Marc-Antoine Jamet, maire PS du Val-de-Reuil, commune de 16 000 habitants dans l'Eure, a lui, pris un arrêté pour interdire les pesticides à moins de 150 mètres de la voie publique, le jour même où celui de Langouët était suspendu. «Je cherche un électrochoc, un effet d'entraînement, un effet de masse [face] au problème que représente les pesticides [et face] à l'urgence et l'importance des dangers qui menacent la planète», a-t-il expliqué.

Le maire de Val-de-Reuil déclare aussi : «A aucun moment ce n'est un geste hostile à l'égard des agriculteurs pour qui j'ai de l'admiration. C'est peut-être un moyen de les aider.» Pas sûr qu'il convainque. Sur son compte twitter, un agriculteur répond : «Monsieur, vous êtes chevalier du mérite agricole. L'agriculture 🇫🇷 a besoin d'homme responsable et méritant. Votre arrêté vous discrédite en faisant du buzz. Rencontrez plutôt les #agriculteurs locaux et progresser ensemble. #dialogue. Dégoûté»

Manque de dialogue avec les agriculteurs

Le manque de dialogue avec les agriculteurs est d'ailleurs le principal reproche de ces derniers qui se sentent placés devant le fait accompli. Mais les maires disent aussi vouloir faire réagir le gouvernement comme Bertrand Astric, maire sans étiquette de Boussières dans le Doubs, qui a interdit le glyphosate sur tout le territoire de la commune. «Les maires prennent les choses en main puisque l'Etat ne le fait pas», affirme-t-il.

Je viens de signer l’arrêté interdisant ⁦@valdereuil_info⁩ l’utilisation de pesticides à moins de 150 mètres de toute activité humaine. Il s’agit de protéger la santé de tous, mais c’est aussi un marqueur : celui de la nécessité écologique, de l’impératif environnemental.

Le 29 août, le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume a promis que l'Etat imposerait des «zones de non traitement» si riverains, élus et agriculteurs n'arrivaient pas à se mettre d'accord pour établir ensemble des «chartes» territoriales d'épandage. Mais il n'a évoqué qu'une zone de deux à cinq mètres autour des habitations alors que la plupart des émules du maire de Langouët estiment eux la distance de sécurité à 150 mètres.

Thierry Coué, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), qui dénonce régulièrement «l'agribashing»  a réagi sur le compte twitter de l'organisation en écrivant : «Le maire, garant du dialogue dans sa commune, ne peut pas prendre des décisions qui excluent les principaux concernés, les agriculteurs ! Nous, nous misons sur le dialogue au plus près du terrain avec tous les acteurs». Mais les agriculteurs sont-ils prêts à envisager une remise en cause de leurs méthodes d'exploitation ? Contactée par RT France, la FNSEA n'était pas l'immédiat en mesure de répondre.

En attendant, la ministre de la Transition écologique a choisi son camp. Le 27 août sur France inter Elisabeth Borne déclarait  : «Je partage totalement la préoccupation du maire de Langouët. Oui, il faut prévoir une distance minimale entre les épandages et les habitations et je mettrai en consultation un projet de réglementation dans les prochains jours.»

Jean-François Guélain

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