30/08/2019 mondialisation.ca  7 min #160998

L'Arabie Saoudite reconnait sa défaite au Yémen ...

Yémen, les métastases d'un génocide

Le génocide initié par l'Arabie Saoudite en mars 2015 contre le peuple yéménite ne cesse pas. La famine touche plus de 13 millions de personnes ; des épidémies telles que le choléra sont devenues les pires de l'histoire et sévissent dans tout le pays. Alors que les combats continuent d'ajouter de nouvelles victimes aux plus de 120 000 déjà déclarées dans cette guerre que Riyad a cru pouvoir résoudre en quelques semaines de bombardements, le problème le plus urgent pour la famille saoudienne est que les Houthis non seulement ont résisté à cette guerre mais ont poursuivi leur offensive en lançant plusieurs attaques de missile, tout près de Riyadh, dans le royaume.

Le Roi Salman et son héritier, le Prince Mohammed bin Salman, véritable homme fort du royaume, ne peuvent échapper au bourbier dans lequel ils ne sont maintenus à flot que grâce aux milliards de dollars avec lesquels ils achètent le silence de l'Occident, tandis que le peuple yéménite résiste non seulement à la coalition saoudienne, mais aussi aux secteurs nationaux, qui répondent aux intérêts étrangers, ce qui permettra, lorsque la guerre sera terminée, si le miracle arrive, de voir le pays divisé en deux ou trois pays.

Ces États pourraient se contenter des restes des forces du Président déchu Abd-Rabbu Mansour Hadi, qui, après sa démission dans le cadre de la guerre civile, a forcé Riyad à reprendre son poste afin d'avoir une couverture plus ou moins crédible avant de prendre des mesures contre les forces houthies en 2015. Un autre État pourrait être formé avec les forces Houthies qui ont poussé à l'extrême la capacité de résistance dans l'une des guerres les plus asymétriques de mémoire et qui ont le soutien de la communauté chiite, des sunnites pauvres du pays et, d'une certaine manière, le soutien discret de l'Iran et du Hezbollah. Devant la fragmentation du pays, apparaît un vieux protagoniste qui n'est montré que maintenant et ce sont les séparatistes du Sud, qui ont soutenu Riyad depuis le début de la guerre.

Les séparatistes, connus sous le nom de Conseil de Transition du Sud (CTS), dirigé par Ali Salem al-Huraizi, ont pris le 10 août, après quatre jours de combats, la ville d'Aden, ainsi que plusieurs camps militaires dans la province voisine de Abyan. Aden est considérée comme la capitale de facto du pays, car Sana'a, la capitale historique, est aux mains des Houthis.

La guerre a également dévoré l'accord de paix signé en décembre dernier au sommet de Stockholm entre les Houtis et le « gouvernement » yéménite soutenu par l'Arabie Saoudite, qui permettrait le retrait des troupes des deux côtés du port stratégique d'Al-Hodeidah, pour lequel on se bat depuis mai dernier. En juin dernier, le principal allié de l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis (EAU), a annoncé une réduction significative de ses forces à al-Hodeidah, sous prétexte « d'instaurer la confiance » pour stimuler le processus de paix, sans autre conséquence que les progrès du CTS contre les positions de leurs anciens alliés, actions que les Houtis, en dehors de ces affrontements, utilisent politiquement, comme preuve que les Saoudiens, l'ancien Président Mansour Hadi et les séparatistes ne sont pas en mesure de gouverner ce pays.

Abu Dhabi a financé et formé environ 100 000 Yéménites, parmi lesquels beaucoup de ceux qui constituent aujourd'hui le CTS, qui depuis leur base improvisée de Mahra, une province du sud-est du Yémen, ont lancé des opérations pour conquérir la ville d'Aden, un fait qui a paralysé les forces du Mansour Hadi, non seulement en rompant son alliance avec l'Arabie Saoudite, mais aussi en provoquant une guerre dans la guerre, comme les métastases qui sèment le mal et ne font que prévenir la continuité du génocide yéménite.

Le CTS a mené de fortes batailles avec les troupes pro-Saoudiennes dans la province de Shabwah, dans l'est du pays, en même temps qu'il rassemblait des chefs tribaux à Hadramout, la plus grande province du pays et voisine de Mahra, pour tenter de les intégrer dans ses rangs. Pendant ce temps, les troupes houthies ont utilisé des drones et des missiles contre Aden, tuant une cinquantaine d'hommes des forces séparatistes, dont Abu Yamamamah (Munir Mahmoud al-Yafi), l'un des plus anciens et des plus connus commandants des forces du Sud. Certaines versions blâment le fondamentaliste Islah (Congrégation Yéménite pour la Réforme), principal parti politique d'opposition lié aux Frères Musulmans, pour cette dernière action.

Une guerre entre le Nord et le Sud

Le paradigme de la guerre au Yémen passe de la confrontation entre les forces Houthies qui résistent à la coalition saoudienne et leurs alliés locaux à une véritable guerre, qui commence entre le nord et le sud du pays. Selon certaines sources locales, la vigueur renouvelée avec laquelle les séparatistes du Sud agiraient serait liée aux intérêts des Émirats Arabes Unis, qui définissent des priorités différentes de celles de leurs partenaires saoudiens. Pour les Émirats, il est essentiel d'anéantir l'influence de plus en plus importante des Frères musulmans, ainsi que plusieurs bataillons d'Al-Qaïda dans la péninsule islamique et Daesh, qui, selon différents commandants des forces émiriennes, ont une présence croissante dans le conflit et leur influence pourrait tôt ou tard atteindre les Émirats. Alors que les Saoudiens considèrent qu'il est fondamental d'exterminer la résistance houthie, considérée comme une alliée de Téhéran.

On a toujours su qu'entre Mansour Hadi et les Émirats Arabes Unis, il y a une forte tension, et qu'Abu Dhabi, tout en accompagnant les Saoudiens depuis la première heure dans leur guerre au Yémen, n'a jamais accepté de garder Hadi au pouvoir, maintenant président yéménite destitué, qui a publiquement reproché aux EAU de soutenir les séparatistes, une accusation que les EAU ont rejeté. À la mi-août, le Prince héritier d'Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed, a rencontré le roi Salman bin Abdelaziz et le Prince héritier Mohammed bin Salman à la Mecque pour sauver la coalition.

Le Sud a une longue tradition séparatiste, rappelez-vous qu'entre 1967 et 1990, dans le cadre de la guerre froide, le pays a été divisé entre le Yémen du Nord pro-occidental et le Yémen du Sud, qui est devenu le premier État marxiste du monde arabe. En 1994, une nouvelle tentative séparatiste a éclaté, qui est restée en sommeil depuis. En 2018, il y a eu quelques protestations dans le sud contre le gouvernement de Hadi ; mais cette nouvelle explosion a commencé le 7 août dernier, lors d'une procession funèbre de soldats du sud tués par un bombardement de Houthis quelques jours auparavant. En passant par le palais présidentiel, la garde a violemment réprimé les manifestants en scandant des slogans anti-Hadi, initiant cette nouvelle vague ségrégationniste. L'armée de l'air saoudienne a donc dû bombarder ceux qui, quelques heures plus tôt, comptaient parmi ses alliés.

A Mascate, capitale d'Oman, un autre groupe yéménite est apparu, le Mouvement Révolutionnaire pour le Sud, lui aussi séparatiste mais confronté au CTS, en raison de sa proximité avec les EAU, qui craignent que cette région du pays ne devienne un nouveau théâtre d'opérations où se jouent les intérêts des pays du Golfe et non ceux du Yémen.

Plus de quatre ans après le début de la guerre, la paix est encore beaucoup plus lointaine que la possibilité d'une nouvelle guerre qui se répand comme des métastases dans un corps de plus en plus malade.

Guadi Calvo

Article original en anglais :  Yemen, las metástasis de un genocidio, Alainet, le 27 août 2019

Traduction  Réseau International

La source originale de cet article est  Alainet.org
Copyright ©  Guadi Calvo,  Alainet.org, 2019

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