09/10/2019 reseauinternational.net  15 min #162739

Donald Trump, seul contre tous

Les 5 tweets qui changent le monde ?

par Tom Luongo.

Ce week-end, je me suis demandé si  Donald Trump avait atteint le niveau de champion. Quelques jours plus tard, Trump se connecte à Twitter et rajoute une grosse ligne dans son CV.

Il y a eu des signes de changement depuis que Trump a refusé à juste titre d'aller en guerre contre l'Iran après l'abattage d'un drone US.

En commençant par un remaniement majeur de son cabinet avec le renvoi de son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, puis avec sa réaction timide à l'attaque houthie contre le complexe saoudien d'Aramco à Abqaiq, Trump a cherché à désamorcer une situation qui avait volé trop près du soleil et menaçait d'enflammer la région.

Cependant, ces 5 tweets pris dans le contexte des derniers jours, font sauter le voile sur un certain nombre de récits ainsi que sur les opérations en cours.

The United States was supposed to be in Syria for 30 days, that was many years ago. We stayed and got deeper and deeper into battle with no aim in sight. When I arrived in Washington, ISIS was running rampant in the area. We quickly defeated 100% of the ISIS Caliphate,.....

Les États-Unis étaient censés être en Syrie pour 30 jours, c'était il y a de nombreuses années. Nous sommes restés et nous sommes entrés de plus en plus profondément dans la bataille sans aucun but en vue. Quand je suis arrivé à Washington, l'État Islamique était omniprésent dans la région. Nous avons rapidement battu 100% du califat de l'EI,

.....again said “NO,” thinking, as usual, that the U.S. is always the “sucker,” on NATO, on Trade, on everything. The Kurds fought with us, but were paid massive amounts of money and equipment to do so. They have been fighting Turkey for decades. I held off this fight for....

...capturé des milliers de combattants de l'EI, la plupart venant d'Europe. Mais l'Europe ne voulait pas qu'ils reviennent, ils ont dit vous les gardez aux USA ! J'ai dit « NON, nous vous avons fait une grande faveur et maintenant vous voulez que nous les détenions dans des prisons étatsuniennes pour un coût énorme. Ils sont à vous pour les procés ». Ils...

...ont de nouveau dit « NON », pensant, comme d'habitude, que les États-Unis sont toujours le « pigeon » de l'OTAN, pour le commerce, pour tout. Les Kurdes se sont battus avec nous, mais ils ont reçu d'énormes sommes d'argent et de l'équipement pour le faire. Ils combattent la Turquie depuis des décennies. J'ai empêché ce combat pendant...

...figure the situation out, and what they want to do with the captured ISIS fighters in their “neighborhood.” They all hate ISIS, have been enemies for years. We are 7000 miles away and will crush ISIS again if they come anywhere near us!

...presque 3 ans, mais il est temps pour nous de sortir de ces guerres sans fin ridicules, dont beaucoup sont tribales, et de ramener nos soldats à la maison. NOUS NOUS BATTRONS LÀ OÙ CELA NOUS EST BÉNÉFIQUE, ET SEULEMENT POUR GAGNER. La Turquie, l'Europe, la Syrie, l'Iran, l'Irak, la Russie et les Kurdes devront maintenant...

...comprendre la situation, et trouver ce qu'ils veulent faire avec les combattants de l'EI capturés dans leur « voisinage ». Ils détestent tous l'EI, ont été leurs ennemis depuis des années. Nous sommes à 7000 miles de là et nous écraserons l'EI à nouveau s'ils s'approchent de nous !

J'ai posté son fil dans son intégralité parce que c'est important.

En se concentrant sur l'angle État Islamique de ce qui ne va pas avec la politique US en Syrie, Trump simplifie les choses et dit aux Étatsuniens ce qu'ils doivent savoir sur les raisons du retour de certaines troupes de Syrie.

Il joue peut-être avec les nuances ici, mais Twitter n'est pas la plateforme pour les nuances.

Pourquoi ces tweets changent-ils tout ?

Parce qu'ils signalent que Trump...

1- Est ascendant dans sa propre Maison Blanche.

2- Réalise que rien de bon ne vient d'encore plus d'escalade

3- Ne peut pas être réélu s'il est dans des bourbiers dans le monde entier.

4- Se lave les mains des luttes intestines arabes

5- Répond à la realpolitik d'une Arabie Saoudite vulnérable

6- Comprend que la Syrie est un gâchis de l'ère Obama qui est maintenant une guerre impossible à gagner

7- Déclare à Israël quelles sont les limites de son soutien.

8- Informe ses alliés que les États-Unis ne subventionnent plus leurs aventures.

9- Prévient les Néocons qu'il a fini de conclure des accords qu'ils ne respectent pas.

10- Considère les conflits en Syrie, en Irak et en Afghanistan comme étant impossibles à gagner selon les normes néoconservatrices/israéliennes.

Je pourrais ajouter beaucoup d'autres choses à cette liste. Beaucoup plus. Parce que dans le contexte des derniers jours, ces 5 tweets sont une bombe qui fait exploser les possibilités d'une politique étrangère future très différente de celle des États-Unis si Trump survit à cette pression ridicule pour le destituer.

Trump ne l'a pas fait en réponse aux procédures de destitution de la Chambre des Représentants. Au contraire, il les met au défi de le destituer avant qu'il ne démolisse leurs plans.

On aurait pu voir ces tweets arriver depuis des semaines. L'effondrement de Benjamin Netanyahou en Israël remet en cause la plupart des raisons pour lesquelles les États-Unis sont restés en Syrie en premier lieu.

Alors que Netanyahou luttait pour sa vie politique et sociale, Trump a dû voir qu'il était temps de couper les appâts, car il avait déjà trop pêché dans cette rivière. La politique israélienne pourrait être gelée beaucoup plus longtemps que les deux prochaines semaines.

En fait, pas moins de deux articles parus dans Haaretz ce week-end confirment qu'Israël sait que 1)  l'Arabie Saoudite doit rechercher la paix avec l'Iran et les Houthis et 2) que  Trump ne viendra pas à leur secours.

Netanyahou a fait l'erreur de penser que l'amour de Trump pour Israël l'emportait sur celui pour les États-Unis. Quels que soient les défauts de Trump, c'est un patriote.

Trump était plus que disposé à accepter les désirs d'Israël si cela signifiait que les avantages pour les États-Unis en valaient la peine.

Trump voulait protéger le monde de l'Iran. Cela n'a jamais été réalisable.

Parce que cela a toujours été en arriver à la guerre ou non. Netanyahu et autres ont toujours pensé qu'ils pourraient manipuler Trump le péquenaud dans une guerre en leur nom le moment venu.

Ils ne l'ont pas fait. Ils sont en colère. Ils en ont après lui. Et il les laisse tomber pour le bien des États-Unis et, franchement, du monde entier.

L'Iran, la Russie et la Chine ont toujours su si le bluff serait suivi. Ils ont joué le jeu jusqu'au bout. Et Trump s'est éloigné de l'abîme, avec intelligence. Il n'y a pas d'autre politique à ce stade que de changer de cap et de laisser les instigateurs, l'Arabie Saoudite, Israël, l'Europe et les anciennes administrations US s'en rendre compte par eux-mêmes.

Trump n'est pas castré par cette tentative de destitution, elle lui donne du courage.

Pourquoi ?

Parce qu'il n'a rien à perdre et tout à gagner ici. Sa collecte de fonds n'a pas besoin de Sheldon Adelson ou de l'AIPAC, c'est une bonne chose et se retirer de la Syrie ne fera qu'augmenter sa cote de popularité.

S'il échappe à la destitution, il peut s'en prendre sans réserve à ses accusateurs et finalement faire ce qu'il a promis en tant que candidat. Sinon, il est fini de toute façon.

Jouer la carte de destitution n'était pas la bonne décision. Cela a enlevé toutes les chaînes de Trump, a montré qu'il n'y avait plus de place pour des accords. Maintenant, c'est la guerre.

Et ça rend les choses beaucoup plus simples.

La vérité, c'est que les attaques perpétrées en Arabie Saoudite par les Houthis ont maintenant poussé les gens à se demander ouvertement si la Maison des Saoud tiendra encore un an. C'est peu probable.

Et Trump se rend compte, comme le prouvent ces 5 tweets, que la présence étatsunienne ne permet pas de résoudre les problèmes de la région. Les États-Unis sont la raison pour laquelle ces gens qui se détestent ne règlent pas leurs différends.

L'Iran et les Houthis intensifieront leur jeu contre les Saoudiens s'ils ne cèdent pas. Le fait que Trump se retire de Syrie montre clairement qu'ils ne couvrent plus leurs arrières.

Le message est clair : « Débrouillez-vous les gars ».

L'alliance entre les États-Unis, les Saoudiens et les Israéliens semble plutôt pitoyable du point de vue de la realpolitik en ce moment.

J'ai toujours critiqué la politique étrangère de Trump parce qu'elle menait toujours au même résultat. Les États-Unis ont toujours été forcés de battre en retraite et de laisser leurs « alliés » dans l'embarras.

Maintenir une présence intenable en Syrie, pousser l'Iran, l'Irak et le Liban financièrement jusqu'à leur point de rupture, et réitérer son soutien au prince héritier Mohammed bin Salman après l'affaire Kashoggi et la guerre au Yémen tout en renforçant les sanctions contre la Russie et en déclenchant une guerre commerciale avec la Chine sont autant d'erreurs.

Elles n'ont fait qu'unir l'opposition US dans le mépris d'une guerre d'usure asymétrique et hybride. Ils n'ont pas eu d'autre choix. Trump a nommé les noms de ceux qui ont besoin de régler les problèmes du Moyen-Orient, ils sont tous là, sauf Israël.

Mais tout tourne autour d'Israël.

Et leurs apologistes n'ont pas perdu de temps pour aller sur les ondes et sur Twitter pour hurler à l'injustice. Même Nikki Haley est sortie de derrière le comptoir de la Waffle House pour s'en plaindre.

Ils savent que si Trump survit les prochaines semaines, c'est Israël qui prendra les décisions politiques ici et non les décideurs politiques.

De plus, Trump a finalement mis le monde au courant que la doctrine Brzezinski/Wolfowitz est morte maintenant qu'il est à la Maison-Blanche. Semer le chaos pour que personne ne puisse contrôler le Moyen-Orient n'est pas son travail.

L'accent sera mis sur la façon dont les États-Unis abandonneront les Kurdes. Ils joueront l'aspect humanitaire jusqu'au bout parce qu'ils n'ont rien d'autre. Mais le gouvernement Assad a offert de protéger les Unités de Protection du Peuple (YPG) à plusieurs reprises au cours des deux dernières années, et le gouvernement Assad a volontiers attaché son chariot aux États-Unis, sachant pertinemment que Trump était d'accord avec ce plan.

Et Poutine tire les ficelles d'Erdogan. Poutine veut encore plus que Trump que l'EI soit détruit, parce que le but de l'Opération Syrie était de lui donner un pays et de le diriger ensuite contre la Russie.

Ce point sera oublié dans l'accrochage de perles qui s'enchaînera dans les cycles d'information de trente minutes comme les seringues de botox s'enchaînent pour Nancy Pelosi.

Compte tenu de ces 5 tweets et de leurs implications pour les personnes les plus exposées à ce qui va suivre,  ce que j'ai dit récemment à propos du coup d'État contre lui est réel et semble prophétique maintenant.

La question est toujours de savoir s'il y a une quinzaine de personnes au Sénat que l'on peut convaincre de se débarrasser de lui. Les cinq premiers sont déjà inscrits - Graham, Rubio, Romney, Collins, Murkowski.

Si Trump s'attend à être destitué et condamné, il n'agit certainement pas comme tel. Comme je l'ai dit ce week-end, c'est trop un combattant de rue et un troll pour y aller doucement.

De plus, s'il n'était pas aux commandes, le secrétaire d'État  Mike Pompeo n'aurait pas à se rendre en Grèce pour mettre en place d'autres lignes d'approvisionnement dans les Balkans en vue d'une OTAN post-Turquie.

Qu'il survive ou non à cette situation, Donald Trump vient de lancer une bombe qui a fini par faire éclater l'hypocrisie de la politique US au Moyen-Orient.

Et je ne pense pas que le génie retourne dans sa lampe.

source :  Are These the Five Tweets That Change the World?

traduction  Réseau International

 reseauinternational.net

 Commenter

Référencé par :

1 article