10/10/2019 reporterre.net  13 min #162826

Extinction Rebellion, rejoint par des Gilets jaunes, a étendu son occupation au centre de Paris

Les activistes d'Extinction Rebellion qui occupent la place du Châtelet, à Paris, ont décidé ce jeudi d'étendre leur mouvement de blocage. Des Gilets jaunes les ont rejoints. Reporterre a suivi cette journée en continu.

  • Paris, reportage|

20h30 : Nous arrêtons le direct. En Assemblée générale, les activistes d'Extinction Rebellion ont décidé d'arrêter l'occupation de la rue de Rivoli pour la nuit, quitte à recommencer ce vendredi. Nos reporters vont se reposer mais continuent à surveiller l'évolution de l'occupation.

Voici les trois faits marquants à retenir de cette journée :

  1. toute la journée, les activistes d'Extinction Rebellion ont étendu leur occupation à la rue de Rivoli, qu'ils bloquaient à partir de la rue du Renard ;|
  2. de nombreux Gilets jaunes ont rejoint les activistes, ils ont construit une cabane place du Châtelet ;|
  3. les activistes s'interrogent sur l'attitude du gouvernement vis-à-vis de leur occupation et se demandent qu'elle sera sa réponse dans les heures qui viennent.|

20h : A l'issue d'une AG sur le Rojava, des activistes d'Extinction Rebellion ont décidé de rejoindre le rassemblement de soutien au Kurdistan irakien place de la République. La manifestation étant « sauvage » (non déclarée), les CRS ont suivi les militants et les ont aspergé de gaz lacrymogène. Les soutiens au Rojava et les activistes d'Extinction Rebellion ont ensuite tenté de faire convergence à Châtelet, mais ils ont été nassés et empêchés de se retrouver.

18h30 : Thomas, peace keeper, respire les pots d'échappement depuis le début de la journée. « C'est pertinent de continuer les blocages rue de Rivoli, on a démultiplié notre capacité à déranger. On pousse le pouvoir à réagir alors qu'il feint de nous ignorer. C'est un bordel monstre (sic) cette circulation ! Les gens doivent se poser la question "mais qu'est-ce qu'il se passe ?" Et nous, on leur répond qu'on va droit dans le mur. C'est aussi intéressant d'être à 100 mètres des bureaux d'Anne Hidalgo [la maire de Paris, l'Hôtel de Ville étant de l'autre côté du carrefour], qui dit nous soutenir. Mais nous voulons des actes ! L'occupation de Châtelet est une victoire à double tranchant : d'un côté, on peut continuer notre activité politique dans la rue, mais l'absence des forces de l'ordre est étonnante. On voit qu'ils tentent de diviser les mouvements sociaux. Séparer les Gilets jaunes que l'on fait passer pour violents de Extinction Rebellion qu'on dit gentils, ça ne va pas fonctionner. Je suis pour qu'on envoie samedi un bloc XR à la manif des Gilets jaunes, pour montrer qu'on est là les uns pour les autres. »

La rue de Rivoli, près de la tour Saint-Jacques, vers 18h15.

L'intégralité des interlocuteurs rencontrés par nos reporters s'interrogent sur la stratégie actuelle du gouvernement : pourquoi ne réagit-il pas ? Que prépare-t-il ? « C'est paradoxal d'avoir subi l'année dernière une telle répression et d'être complément libres aujourd'hui », dit Thomas, pantois.

18h : « On travaille, vous nous cassez les c****** ! » s'emporte un motard. « On n'a pas votre temps, bande de fainéants », embraie un cycliste. « Ils refusent de discuter, déplore un peace keeper. Malheureusement le dialogue n'est pas possible à tous les coups. »

« Bravo, vive la révolution », les encourage un automobiliste.

17h45 : Serge, Gilet jaune, a rejoint Extinction Rebellion ce matin pour bloquer, à leurs côtés, la rue de Rivoli. En première ligne face aux voitures, il régule la circulation, oriente le trafic vers d'autres rues. Des peace keepers en gilets oranges apaisent les tensions avec les plus mécontents.

Serge.

« Je suis là pour la convergence, dit Serge. Je suis Gilet jaune depuis les débuts du mouvement, le 17 novembre dernier. Nous aussi, on bloquait au début de manière pacifique et sympathique avant d'être violentés par la police et de subir la répression judiciaire. » Autour de lui, le trafic est dense, les Parisiens sortent du travail. « C'est palpitant de bloquer le cœur de Paris, ça donne de la force. Il faut que les gens comprennent que c'est a cause de Macron, tout ça. J'appelle à sa démission. »

16h50 : Tous les jours, les activistes d'Extinction Rébellion rédigent et impriment une nouvelle édition de leur gazette, intitulée RIO.

Le journal « RIO », pour « rébellion internationale d'octobre ».

16h30 : Un dispositif policier s'est discrètement positionné près de l'occupation. Trois fourgons de CRS stationnent au croisement des rues Bertin-Poirée et de Rivoli.

16h15 : La cantine croule sous les dons de nourriture, « mais on manque de mobilier et de vaisselle », dit l'une des bénévoles. Ils préparent un couscous pour ce soir pour des centaines de personnes.

Une zone de gratuité a été installée sur la place : « Prenez, déposez ce dont vous avez envie. » On trouve des vêtements, des bandes dessinées, des parapluies...

Le blocage du restaurant McDonald's de la rue de Rivoli est terminé.

16h : Doris, jeune retraité : « Pour l'instant, c'est blanc et poli. La différence de traitement et de répression par le gouvernement, c'est du racisme et du mépris de classe. Il va falloir que les membres de XR, en tant que privilégiés, le dénoncent et qu'ils viennent le samedi avec les Gilets jaunes, ou à Bure. La non-violence... quand ils se feront éborgner, comment ils réagiront, hein ? » Doris poursuit : « Les Gilets jaunes aussi, ils construisaient de belles choses dans leurs cabanes avant qu'elles soient détruites. Il faut que XR revendique cette liberté pour tout le monde. »

15h45 : Gilles, d'Attac, se félicite des dernières actions : « Maintenant, la rue de Rivoli est piétonne. Ce qui est bien, à Châtelet, c'est qu'il y a de la place pour tout le monde, les écolos, les Gilets jaunes... des gens de la Zad sont venus faire une discussion hier aussi, ce soir, il y a une AG sur le Rojava... Des gens de différentes sensibilités se croisent et construisent ensemble. On dit que la place du Châtelet est trop Bisounours, mais il suffit en réalité de s'en emparer ! »

15h30 : Une cabane des Gilets jaunes a été construite dans la nuit place du Châtelet une « manière de marquer la convergence entre les différents mouvements sociaux », dit l'un de ses occupants. « C est beau de pouvoir reconstruire nos cabanes comme l'automne dernier avant que l'État ne les détruisent. Ici, on ressent la même joie, le même désir d'être ensemble, d'habiter un lieu et de se battre contre le gouvernement », explique Régis, qui retrouve ici les débuts du mouvement.

La cabane des Gilets jaunes.

Une vingtaine de Gilets jaunes occupent la cabane : « Maintenant que la cabane est là, il faut les faire venir, les Gilets jaunes ! »

15h00 : Un terrain de volley-ball s'est improvisé sur la chaussée à côté de la place du Châtelet. Un cimetière de trottinettes et de vélos électriques en libre service ont été rassemblés en tas pour dénoncer le « vélo nucléaire » et leur durée de vie limitée.

14h15 : D'après notre reporter sur place, rue de Rivoli, d'autres enseignes ont fermé, en raison du blocage d'Extinction Rebellion : les agences bancaires de la BNP et de la Banque populaire. Quant au Starbucks Coffee boulevard de Sébastopol, il est bloqué depuis ce matin.

14h : Une quarantaine de personnes ont bloqué le McDo rue de Rivoli. Plus personne n'entrait dans le restaurant. Un groupe de musique - saxo et clarinette - jouait, une assemblée générale était en cours. Les activistes ont également bloqué toute circulation entre l'Hôtel de Ville et le Louvre. Les gendarmes se tenaient pour le moment éloignés. Le « Paris sans voiture » d'Anne Hidalgo est devenu réalité.

Le restaurant McDonald's bloqué rue de Rivoli.

Catherine, la soixantaine, a déjà passé deux nuits à occuper la place du Châtelet : « aujourd'hui, c'est un moment charnière, a-t-elle affirmé. On est sorti de la place pour bloquer un espace encore plus large. Ça devenait trop confortable. » Le Macdo est dénoncé comme « un symbole du futur invivable qu'on nous prépare ».

13h00 : Ce matin, devait se dérouler une action sur les migrations environnementales, mais elle n'a pas pu se tenir en raison de la présence des forces de l'ordre sur le lieu de l'action. Malgré tout, Carola Rackete, capitaine du Sea-Watch 3, le scientifique Serge Janicot et le chercheur spécialiste des migrations François Gemenne ont pris la parole sur la chaussée, près de la place du Châtelet.

Carola Rackete : « Le combat pour les migrants et le climat sont très liés. Le lac Tchad disparaît de la maladie du changement climatique, qui assèche les lacs mais aussi le cœur des hommes et femmes qui y habitent et doivent quitter leurs terres. Le changement climatique est la conséquence d'un modèle qui apporte la prospérité à une petite part de l'humanité. Nous pouvons décider de ne plus être complices de ces gouvernements, d'être les acteurs du changement. Nous devons être une communauté d'empathie, de compassion, face à l'inhospitalité des décideurs envers les personnes qui migrent, souvent à cause des dégradations du climat. »

 François Gemenne, très applaudi, a remercié les activistes « du temps et de l'énergie » qu'ils consacrent « à mettre les dirigeants et les industriels devant leurs responsabilités » : « Contrairement à ce que pratique Emmanuel Macron, on ne peut pas faire la politique du "en même temps", a-t-il dit. Choisir c'est renoncer, notamment renoncer à des intérêts économiques. L'écologie, c'est une lutte de tous les instants contre des gens qui vont s'accrocher jusqu'au bout à leurs derniers puits de pétrole. La responsabilité première du politique, dans ce contexte, c'est de choisir et d'engager la collectivité. »

A droite, Carola Rackete. 

Aux alentours de midi et demi, les activistes ont bloqué une voie de bus rue du Renard, à proximité de l'Hôtel de Ville de Paris. Une équipe de policiers est arrivée sur place. Le journaliste de Brut Rémy Buisine, qui filmait les forces de l'ordre dans leurs véhicule a été invectivé par certains d'entre eux, qui souhaitaient qu'il supprime sa vidéo. Un policier a cassé sa carte de presse en deux.

La carte de presse cassée de Rémy Buisine. 

12h30 : Martin a expliqué le blocage de la rue de Rivoli par une volonté de hausser le ton devant l'indifférence du gouvernement. « Le blocage de la place du Châtelet se passe trop bien : il n'y a pas de réaction des pouvoirs publics. Nous ne pouvons pas nous y résoudre, notre but n'est pas de partir sans une réaction de l'État. Nous allons muscler le bras de fer, et tant qu'il n'y aura pas de réponse, on va paralyser Paris. »

Le choix de bloquer la rue de Rivoli a été fait dans le but de provoquer plus de gêne dans la circulation automobile.

À quelques pas, cinq activistes avaient les bras coincés dans des arms blocs, pour compliquer une éventuelle intervention des forces de l'ordre. Après près de deux heures de blocage rue de Rivoli, la police est restée très discrète. Les activistes ont nourri les barricades de palettes et les ont décoré de drapeaux.

« C'est très malin de la part du pouvoir qui mise sur un enlisement, a estimé Damien. J'y vois plusieurs raisons : ils cherchent à redorer leur image après les gazages  au pont de Sully, ils cherchent à nous diviser avec les autres luttes en nous traitant différemment comme une colonie de vacances, et il y a peut être aussi un petit calcul électoraliste. À titre personnel, je trouve qu'on manque encore de messages politiques forts, mais c'est en train d'évoluer avec l'arrivée des Gilets jaunes. Il faut qu'à partir de cette occupation, on se tourne et s'ancre vers d'autres luttes, qu'on combatte sur le terrain des projets destructeurs comme EuropaCity. »

Avec une trentaine de camarades, mardi soir, Damien est allé prêter main forte aux squatteurs de Mains d'œuvres, à Saint-Ouen, en voie d'expulsion. « Le quartier était bouclé par la police, a-t-il raconté. On a essayé de forcer le barrage pour aider les squatteurs mais on s'est vite retrouvés plaqués au sol, les LBD pointés sur nous. L'occupation de Châtelet montre qu'on peut faire le nombre, il faut maintenant se déployer sur les terrains de luttes très concrètes. »

10h30 : Ce jeudi 10 octobre depuis 10 h, des dizaines de militants d'Extinction Rebellion ont bloqué deux artères de Paris : la rue de Rivoli et le boulevard Sébastopol‬.

Les activistes ont rappelé les quatre revendications du mouvement : la reconnaissance de la gravité et de l'urgence des crises écologiques actuelles ; la réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone en 2025 ; l'arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres à l'origine d'une extinction massive du monde vivant et la création d'une assemblée citoyenne chargée de décider des mesures à mettre en place pour atteindre ces objectifs et garante d'une transition juste et équitable. « Tant que nous n'aurons pas obtenu cela, nous continuerons de bloquer », ont-ils assuré.

« Nous sommes la rage du phacochère, la colère de l'orang-outang, la carapace de la tortue et les défenses de l'éléphant », ont chanté les bloqueurs.

Depuis lundi 7 octobre, des membres d'Extinction Rebellion venus de toute la France bloquent la place du Châtelet, à Paris, dans le cadre de la semaine de rébellion internationale d'octobre (RIO).

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