09/11/2019 wsws.org  9 min #164091

Les leçons de la grève des travailleurs de l'automobile de Gm

Le scandale montant de la corruption du syndicat Uaw et la nécessité de comités de la base

Par Tom Hall
9 novembre 2019

Aux États-Unis, les travailleurs de l'industrie automobile font face à une situation extraordinaire. Le syndicat des United Auto Workers (UAW) tente actuellement de faire passer en force un accord chez Ford, calqué sur un accord utilisé pour mettre fin à la grève chez General Motors à la fin du mois dernier. Le  vote écrasant pour le "non" (article en anglais) des travailleurs à l'usine de montage de Ford à Chicago, mercredi, montre la détermination des travailleurs du secteur de l'automobile à se battre.

En même temps, le président de l'UAW, Gary Jones, fait face à des accusations criminelles imminentes pour avoir volé les cotisations des travailleurs, dans le cadre du scandale croissant de la corruption qui a déjà fait tomber de nombreux dirigeants et responsables.

Les arguments en faveur de la formation d'organisations indépendantes, de comités de base représentant les intérêts des travailleurs ne pourraient être plus clairs. Avec l'UAW, les travailleurs ont non pas une organisation ouvrière, mais une association de criminels qui bénéficient de l'exploitation accrue des travailleurs qu'ils prétendent représenter.

Le  dernier acte d'accusation (article en anglais) contre Jones se lit comme le scénario d'un nouvel épisode du Parrain. Lors de conversations apparemment interceptées par des enregistreurs cachés ou par une écoute électronique, Jones et ses associés discutent de la façon de dissimuler le vol des cotisations de leurs membres, promettent à un proche associé que sa famille serait «prise en charge» s'il portait le chapeau de l'affaire.

La semaine précédant l'appel de l'UAW à la grève chez GM, afin d'affaiblir la résistance des travailleurs en les affamant sur le piquet de grève, le WSWS Autoworker Newsletter (bulletin des travailleurs de l'automobile) écrivait: «S'ils négocient quelque chose, ce sont leurs négociations pour mitiger leurs peines.» L'évolution des choses montrent qu'il ne s'agissait pas d'une exagération rhétorique mais de l'expression des préoccupations réelles de la bureaucratie syndicale.

L'accord de GM et, si l'UAW arrive à les faire passer en force contre l'opposition massive, les accords de Ford et de Fiat Chrysler devraient être considérés comme nuls et non avenus. Ces accords et ceux qui les ont précédés ont été présidés par un appareil corrompu qui a volé des millions de dollars provenant des cotisations, s'ajoutant aux dizaines de millions de dollars de pots-de-vin patronaux par l'intermédiaire des centres de formation conjointes de la société et l'UAW.

La corruption de l'UAW, aussi importante soit-elle, n'est pas la cause des trahisons. C'est le résultat de la fonction et de la forme sociale des syndicats et de la façon dont les syndicats ont réagi à l'offensive de la classe dirigeante qui a débuté il y a plus de quarante ans.

Comme l'a expliqué David North, président du comité de rédaction du WSWS International, en 1998, la divergence entre le fonctionnement réel des syndicats et leur fonction théorique d'organisation défensive de la classe ouvrière est «le résultat de la fonction socio-économique du syndicalisme. Se fondant sur la base des relations de propriété capitalistes, les syndicats sont, par nature, obligés d'adopter une position hostile à l'égard de la lutte de classe.

«Déployant toute leur énergie pour en arriver à des ententes avec les employeurs sur le prix de la force de travail et sur les conditions générales dans lesquelles la plus-value sera extraite des travailleurs, les syndicats sont obligés de garantir que leurs membres vont fournir en contrepartie leur force de travail selon les termes du contrat conclu.»

La défense de la légalité capitaliste, cependant, signifie la suppression de la lutte de classe. «C'est pourquoi les syndicats finissent par compromettre leur capacité à atteindre même les objectifs limités auxquels ils se sont officiellement consacrés.» ( le marxisme et les syndicats)

L'hostilité des syndicats à l'égard de la lutte de classe est étroitement liée à leur perspective nationaliste. Dans chaque pays, les syndicats s'emploient à défendre «leur propre» section nationale de capitalistes de la concurrence étrangère et de faire des travailleurs étrangers des boucs émissaires comme cause des licenciements et réductions de salaires.

Les syndicats nationalistes et pro-capitalistes ont réagi au déclin du capitalisme américain et la dérive à droite des classes dirigeantes dans les années 1970 et 1980 en collaborant activement avec le patronat pour isoler les grèves, persécuter les travailleurs militants et réprimer artificiellement toute opposition à la montée des inégalités sociales.

Cela fait maintenant quarante ans que l'UAW a  rejoint (article en anglais) le conseil d'administration de Chrysler et a commencé à aider les entreprises à licencier des dizaines de milliers de travailleurs, en commençant par les plus militants. Au milieu des années 1980, l'UAW a entamé le processus d'établissement de structures mixtes entre l'entreprise et le syndicat, ce dernier s'intégrant toujours plus étroitement dans la gestion de l'entreprise sur la base de la doctrine du corporatisme, à savoir l'identité supposée des intérêts du patronat et les travailleurs.

Ce lien a été incorporé dans la transformation de l'UAW en «UAW-GM», «UAW-Ford» et «UAW-Chrysler». L'identité des intérêts, toutefois, n'était pas entre les travailleurs et la direction, mais entre l'UAW et la direction - contre les ouvriers. La corruption flagrante des dirigeants de l'UAW, la facilité avec laquelle l'argent et les cadeaux passent entre l'entreprise et le syndicat, s'explique par le fait que les deux organisations font partie de la même équipe.

Au cours des cinquante dernières années, les groupes de réforme au sein des syndicats n'ont pas manqué: Teamsters (chauffeurs) pour un syndicat démocratique (TDU), Mineurs pour la démocratie, Steelworkers Fightback (la riposte des métallos), le groupe pour des nouvelles voies de l'UAW, dont le but déclaré était de «démocratiser» le syndicat ou s'opposer à la corruption et au «bureaucratisme». Mais chacun d'entre eux, où ils ont obtenu des postes, a seulement réussi à créer une nouvelle génération de bureaucrates qui sont, si cela est possible, encore plus hostiles aux intérêts des travailleurs que les précédentes.

Ceux qui prétendent aujourd'hui que tout serait différent si seulement eux mêmes étaient installé au siège du syndicat à Solidarity House et contrôlaient les vastes ressources financières de la bureaucratie commettent les mêmes fraudes que les travailleurs ont maintes fois constatées.

Les travailleurs doivent être doublement méfiants à l'égard de tous les candidats à la réforme qui sont loués dans les pages du Detroit Free Press et d'autres médias. Les auteurs de tels articles d'éloges présentent des «réformateurs» autoproclamés dans le but de maintenir les travailleurs enchaînés à l'UAW.

Les déclarations selon lesquelles les travailleurs doivent continuer à verser des cotisations à l'UAW sont particulièrement insidieuses. En termes simples, cela signifie que les travailleurs doivent continuer à soutenir financièrement le style de vie auquel la bureaucratie est habituée, regorgeant de parties de golf au frais de la princesse, de champagne adapté aux goûts des tsars privés et de chalets d'hiver, tandis que les travailleurs de l'automobile sont obligés de mourir de faim sur le piquet de grève.

Le World Socialist Web Site et le Socialist Equality Party (Parti de l'égalité socialiste) appellent à la formation de comités d'usines indépendants de la base. Ces comités écarteront naturellement tous les responsables syndicaux actuels et anciens et seront organisés et dirigés par des travailleurs de la base, sans aucun responsable ou bureaucrate permanents.

Contrairement aux syndicats, qui défendent les «droits du patronat», y compris le prétendu «droit» de faire un profit, les comités de base commencent par les droits et les besoins de la classe ouvrière, qui sont fondamentalement incompatibles avec les intérêts des capitalistes. Une fois créés, ces comités constitueront un moyen par lequel les travailleurs exerceront un contrôle sur la production et instaureront une véritable démocratie sociale.

Enfin, les comités de base reposeront sur le principe de l'internationalisme et sur l'identité des intérêts de tous les travailleurs. La vague de solidarité qui s'exprimait entre les travailleurs américains et mexicains au cours de la grève de GM montre que les intérêts de la classe ouvrière sont les mêmes dans tous les pays et que les travailleurs de différents pays sont plus que jamais liés par la production mondiale et partagent le même destin.

L'organisation de tels comités ne se fera pas spontanément. Ils doivent être préparés et guidés par un noyau des travailleurs les plus dévoués et les plus conscients de leur classe, qui ont déjà commencé à se pencher sur les questions fondamentales de perspective.

Ce qu'il faut avant tout, c'est qu'une partie décisive des travailleurs ait été éduquée aux principes du socialisme, l'antipode de la flagornerie patronale de l'UAW. L'histoire de la lutte des classes montre que la présence d'un groupe, même restreint, de travailleurs ayant l'esprit socialiste a de vastes répercussions sur l'issue des luttes de centaines de milliers de personnes.

Le Socialist Equality Party et le World Socialist Web Site se tiennent prêts à aider les travailleurs disposés à franchir cette première étape nécessaire. Contactez-nous aujourd'hui à autoworkerswsws.org.

(Article paru en anglais le 8 novembre 2019)

 wsws.org

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