Répliquant devant les caméras, place d'Italie à Paris, à une femme au lendemain de l'acte 53 des Gilets jaunes, le préfet de police Didier Lallement lui a dit qu'ils ne se trouvaient «pas dans le même camp». Médias et politiques réagissent.
Le 17 novembre, au lendemain d'affrontements violents sur la place d'Italie à Paris, entre forces de l'ordre et manifestants lors de l'acte 53 des Gilets jaunes, une femme présentée par BFMTV comme une Parisienne explique au préfet de police de Paris, Didier Lallement : «Oui je suis Gilet jaune», ce à quoi le haut-fonctionnaire passe son chemin en répliquant, sans la regarder : «Nous ne sommes pas dans le même camp, Madame.»
Ce fonctionnaire, répondant à une citoyenne, lui répond « nous ne sommes pas dans le même camp, madame. »
Voilà qui illustre la dérive autoritaire: un préfet n’a pas de « camp » dans l’exercice de sa fonction.
La séquence a été isolée, reprise sur les réseaux sociaux et âprement commentée par des personnalités médiatiques et politiques. A quels camps supposément opposés le préfet fait-il allusion ?
Le député de la France insoumise, Alexis Corbière a notamment relevé sur Twitter : «Les propos du préfet Lallement sont intolérables mais révélateurs. Il n'est pas un préfet au service de l'intérêt général, mais un militant pour qui cette citoyenne n'est pas dans le "même camp" que lui.»
Le préfet de police à une femme #giletjaune : "Nous ne sommes pas dans le même camp, madame".
Allô @CCastaner, c'est pour un signalement👇
Le fondateur du parti Les Patriotes, Florian Philippot s'est également interrogé sur cette notion de «camp» : «M. Lallement ne se considère donc pas comme préfet de la République mais comme préfet d'un "camp" ? Pas acceptable.»
Pas acceptable.
Le préfet de police à une femme #giletjaune : "Nous ne sommes pas dans le même camp, madame".
Allô @CCastaner, c'est pour un signalement👇
Le député de la France insoumise, Eric Coquerel, a demandé au micro de France info, ce 18 novembre, la démission du préfet Lallement pour la gestion du maintien de l'ordre le 16 novembre 2019 à Paris : «Je mets [Didier Lallement] en accusation», a-t-il déclaré. Interrogé sur une éventuelle démission du préfet, l'élu de Seine-Saint-Denis a répondu : «Je trouve qu'après ce weekend, oui», avant de préciser : «Au-dessus de M. Lallement, il y a M. Castaner dont le bilan est catastrophique depuis plus d'un an en matière de maintien de l'ordre.» Eric Coquerel a aussi estimé que pour le gouvernement «l'objectif était plus d'empêcher de manifester que de faire respecter le droit de manifester, qui est constitutionnel.»
Dans une publication de son blog ce 18 novembre, le chef du file du mouvement, Jean-Luc Mélenchon a pour sa part qualifié Didier Lallement de «zélé de la macronie qui doit se faire bien voir».
Le «devoir de réserve» doit-il s'appliquer au préfet ?
Sur Twitter, les journalistes David Dufresne et Pierre Jacquemain ont renvoyé au code de déontologie de la police nationale, mais si le préfet de police de Paris dirige bien les effectifs parisiens et de petite couronne, c'est plutôt à la jurisprudence concernant le devoir de réserve des fonctionnaires qu'il faudrait renvoyer, car celui-ci s'impose à tous les agents publics et pèse sur eux d'autant plus lourdement qu'ils occupent un poste hiérarchique élevé, notamment les ambassadeurs et les préfets.
Lallement, dans «le camp» de Macron ?
Interrogé par RT France, l'ancien commandant de police, Jean-Pierre Colombies, s'est inquiété du fait que la relation entre la police et la citoyenneté était remise en cause par le domaine du politique : «Castaner devrait démissionner car il en rajoute avec ses déclarations, notamment lorsqu'il brandit des sondages favorables à la police le 17 novembre. Les syndicats de police majoritaires devraient demander sa démission car il utilise l'institution pour masquer le divorce entre les citoyens et cette politique. S'il y a une fracture aujourd'hui, c'est entre ce pouvoir et les Français.»
L'ancien policier estime également que le gouvernement et le préfet devraient mieux prendre en compte les demandes des manifestants : «Les Gilets jaunes, ça continue, un an après le début de cette crise, alors il faut prendre acte qu'il y a un vrai problème, que ce pouvoir politique est déconnecté et qu'il ne fait même pas un petit peu semblant d'aimer un peuple qu'il ne connaît pas, à l'évidence. Ce gouvernement ne fait preuve d'aucune empathie, il n'en est pas capable. Macron n'a pas de colonne vertébrale philosophique parce que c'est simplement un banquier ultralibéral, mais en tant que préfet, Didier Lallement ne devrait pas se trouver dans "le camp" d'Emmanuel Macron, il devrait toujours être dans celui de l'intérêt général.»