26/11/2019 entelekheia.fr  11 min #165078

Des lanceurs d'alerte révèlent les mensonges de l'Organisation pour l'Interdiction des Armes Chimiques.

« Attaque chimique » de Douma : Wikileaks révèle de nouvelles preuves de manipulation du dossier de l'Oiac

Vous vous souvenez de l'attaque chimique de Douma, en Syrie, qui avait donné lieu à des frappes de missiles de représailles de la part des USA, de la France et du Royaume-Uni ? Une nouvelle fuite, cette fois de Wikileaks, prouve que le rapport de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), qui semblait établir la culpabilité d'Assad, a été trafiqué.

Par Tim Hayward
Paru sur  le blog de l'auteur sous le titre Wikileaks Reveals Further Evidence of "Sexed-Up Dossier": OPCW faces growing call for answers

Alors que les représentants de presque tous les États du monde se réunissent cette semaine à La Haye, tous les regards devraient être tournés vers elle : l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques - dont ils assistent à  la conférence - a été mandatée par les peuples du monde pour jouer un rôle vital dans l'atténuation des maux de la guerre.

Au lieu de cela, il semble que l'OIAC ait été manipulée pour servir les intérêts des bellicistes.

En octobre dernier déjà, des nouvelles alarmantes concernant la falsification du dossier de l'OIAC sur « l'attaque chimique » de Douma tombaient :

« Révélation majeure » d'un lanceur d'alerte de l'OIAC : Jonathan Steele s'adresse à la BBC - 27 octobre 2019 -  Posté par Tim Hayward

Ce qui suit est la transcription d'une interview donnée par Jonathan Steele (ancien correspondant principal du Guardian pour le Moyen-Orient) à Paul Henley, dans le cadre de l'émission Weekend du BBC World Service, le 27 octobre 2019.

Jonathan Steele : « J'étais à Bruxelles la semaine dernière... J'ai assisté à une séance d'information donnée par un lanceur d'alerte de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. C'était l'un des inspecteurs envoyés à Douma en Syrie en avril de l'année dernière (2018) pour vérifier les allégations des rebelles selon lesquelles des avions syriens auraient largué deux bidons de chlore gazeux, tuant jusqu'à 43 personnes. Il affirme avoir été chargé de prélever des échantillons dans les zones touchées, et dans les zones neutres, pour vérifier s'il y avait des dérivés chlorés...

Paul Henley : Et ?

JS :... et il a constaté qu'il n'y avait pas de différence. Il a donc laissé entendre qu'il n'y avait pas eu d'attaque au gaz chimique, parce que dans les bâtiments où les gens seraient morts, il n'y avait pas plus de produits chimiques organiques chlorés que dans les rues normales ailleurs. Et j'ai demandé à l'OIAC de me faire part de ses commentaires, et elle n'a pas encore répondu. Mais cela suggère qu'il s'agissait en grande partie de propagande...

PH : Propagande menée par ?

JS :... menée par les rebelles pour essayer de provoquer une intervention des avions américains, ce qui s'est effectivement produit. Des avions américains, britanniques et français ont bombardé Damas quelques jours après ces informations. Et en fait, c'est la deuxième fois qu'un lanceur d'alerte se présente. Il y a quelques mois, il y a eu une fuite du rapport de la personne qui avait enquêté sur la balistique pour savoir si ces bouteilles avaient été larguées par des avions, en examinant les dégâts infligés au bâtiment et les dommages sur les côtés des bouteilles. Et il a décidé, conclu, que la probabilité la plus élevée était que ces cylindres avaient été placés au sol, et non largués à partir d'avions.

PH : Ce serait une révélation majeure....

JS :... ce serait une révélation majeure...

PH :... étant donné le nombre de personnes qui réfutaient catégoriquement que ces vidéos avaient pu être des mises en scène, à l'époque.

JS : Eh bien, ces deux scientifiques, je pense qu'ils sont apolitiques - ils n'auraient pas été envoyés par l'OIAC à Douma s'ils avaient eu des opinions politiques tranchées. Ils veulent s'adresser à la Conférence des États membres en novembre, le mois prochain, donner leur avis et être autorisés à faire part publiquement de leurs préoccupations. Parce qu'ils ont essayé de soulever leurs objections en interne et qu'ils ont été - ils disent qu'ils ont été - censurés, leurs opinions ont été censurées. »

Les critiques et les pays non occidentaux sont parvenus à cette compréhension il y a quelque temps. Les principaux enquêteurs de l'OIAC le savent pertinemment. Leur connaissance a d'abord été mise en lumière par la  fuite d'un rapport censuré, puis par un  témoignage de première main entendu par un panel international, et maintenant par la  publication par Wikileaks d'un email dans lequel un inspecteur de l'OIAC exprime la plus vive inquiétude au sujet de la partialité intentionnelle introduite dans une version expurgée du rapport dont il est coauteur. Des faits cruciaux concernant les accusations d'utilisation d'armes chimiques à Douma en 2018, écrit-il, « se sont transformés en quelque chose de tout à fait différent de ce qui avait été rédigé à l'origine ».

Les médias occidentaux ont caché le problème - pour le dire crûment - parce qu'il en font partie. Les journalistes des organes d'information grand public n'ont pas l'autonomie dont ils auraient besoin pour remplir leur mission d'investigation.

Mais la nouvelle a émergé.

Introduction  de l'article de Peter Hitchens dans le Mail on Sunday du 23 novembre :

« Nouveau scandale sur un dossier manipulé: des fuites d'emails explosives affirment que le rapport de l'organisation de l'ONU sur l'attaque présumée au gaz toxique par Assad a été trafiqué - était-ce pour justifier les attaques de missiles britanniques et américains contre la Syrie ? »

Dans le Mail on Sunday [édition dominicale du titre de presse grand public britannique Daily Mail, NdT], Peter Hitchens  écrit que ce qui a été découvert « semble être le pire exemple de manipulation en faveur d'une guerre depuis l'invasion de l'Irak et les dossiers truqués de Tony Blair ». Stefania Maurizi  pose une question critique dans La Repubblica, le premier journal national italien : « L'organisation lauréate du prix Nobel de la paix 2013 fera-t-elle la lumière sur les graves accusations portées par le lanceur d'alerte après cet email ? »

Espérons que les questions seront maintenant clairement posées et que cet article fera l'objet de mises à jour au fur et à mesure qu'elles seront couvertes dans les médias.

Tim Hayward est professeur de théorie politique environnementale à l'université d'Édimbourg. Avec d'autres universitaires, journalistes et chercheurs, il fait partie du Groupe de travail sur la Syrie, la propagande et les médias  (Working Group on Syria, Propaganda and Media).

Traduction et notes Entelekheia
Photo Pixabay

Note d'Entelekheia :

"We've been lied to. We've been manipulated..."
Tucker Carlson lets American public know about OPCW whistleblowers and the suppressed claim that there was no evidence at all for a chlorine attack in Douma last year.

(Tweet : « On nous a menti... On nous a manipulés » Tucker Carlson informe le public américain sur les lanceurs d'alerte de l'OIAC et l'affirmation censurée selon laquelle il n'y avait aucune preuve d'une attaque au chlore à Douma l'an dernier).

Même maintenant, alors que l'animateur-vedette de Fox News Tucker Carlson, qui jouit d'une audience massive, a courageusement décidé de faire la lumière sur cette affaire face au public américain, nous pouvons parier que sur le sujet, on continuera à entendre les mouches voler dans les rédactions du Figaro, du Monde, de Libération, etc, et a fortiori sur nos chaînes de télévision françaises.

 entelekheia.fr

 Commenter