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Le grand rabbin du Royaume-Uni participe à la campagne de droite contre Corbyn

Par Jean Shaoul
29 novembre 2019

Mardi, alors que Jeremy Corbyn lançait le «manifeste de l'ethnicité et de la foi» du Parti travailliste, un groupe jusqu'alors inconnu, la Communauté unie contre l'antisémitisme du Parti travailliste, a installé trois panneaux d'affichage sur des camions et des camionnettes arborant le hashtag #NeverCorbyn, (JamaisCorbyn) et les messages: «Un vote pour le Parti travailliste est un vote pour le racisme», «Empêchez l'antisémitisme d'accéder à la résidence du premier ministre» et «Un foyer pour les défenseurs de la négation de l'Holocauste et du terrorisme». Les panneaux publicitaires avaient été financés par un financement participatif bien avant l'événement.

Lorsque le dirigeant travailliste est entré dans la salle, des manifestants ont brandi des pancartes indiquant «Corbyn raciste - inapte à être premier ministre» et ont scandé «Raciste, raciste» et «Corbyn est un raciste».

Corbyn était sur le point de lancer un manifeste qui parle d'un: «gouvernement travailliste qui construira une société et un monde libérés de toute forme de racisme, y compris l'antisémitisme et l'islamophobie».

La veille, le Times de Murdoch a lancé une attaque hystérique contre Corbyn sous la forme d'une tribune libre écrite par Ephraim Mirvis, grand rabbin de Grande-Bretagne. Le billet était intitulé «Que vont devenir les Juifs en Grande-Bretagne si le Parti travailliste arrive au pouvoir prochainement?»

L'attaque de Mirvis était sans précédent pour une campagne électorale au Royaume-Uni, où les dirigeants religieux ont pour convention de s'abstenir de parrainer des candidats. Accusant Corbyn d'antisémitisme, Mirvis a écrit que le dirigeant travailliste était responsable d'un «poison cautionné par la direction» prenant racine dans le parti. Les Juifs craignaient à juste titre un gouvernement travailliste, a déclaré Mirvis.

«La communauté juive observe avec incrédulité», a-t-il écrit, «pendant que les partisans de la direction travailliste pourchassent des parlementaires, des membres et même du personnel hors du parti pour avoir défié le racisme anti-juif».

Donnant des consignes sur la manière de voter, il a déclaré: «Dans quelle mesure un chef de l'opposition de Sa Majesté doit-il être considéré comme inapte à exercer les plus hautes fonctions?»

Quelques heures plus tard, les calomnies du grand rabbin ont été suivies d'insultes supplémentaires de la part de Justin Welby, archevêque de Canterbury et chef de l'Église anglicane, connu depuis longtemps comme «le Parti conservateur en prière». Welby a tweeté sur le «profond sentiment d'insécurité et de peur ressenti par de nombreux Juifs britanniques».

Mardi soir, sur fond d'une couverture médiatique relevant d'une chasse aux sorcières, Corbyn a été interviewé pendant 30 minutes sur la BBC par l'ancien rédacteur en chef du Sun, Andrew Neil (encore la propriété de Murdoch). Neil a démarré l'interview en citant les commentaires de Mirvis, affirmant que ce dernier avait raison et insistant à plusieurs reprises pour dire que Corbyn présente ses excuses aux Juifs britanniques.

Les efforts de Corbyn pour se défendre et défendre son parti ont provoqué une deuxième série de gros titres et d'éditoriaux le dénonçant comme un «extrémiste de gauche» dangereux.

Personne ne devrait être dupe quant à ce qui se passe.

La persécution et le harcèlement de Corbyn sont une opération de déstabilisation politique coordonnée de droite visant à empêcher son élection et à faciliter son renvoi ultérieur en tant que dirigeant du Parti travailliste.

Les États-Unis orchestrent cette campagne de propagande noire, en collaboration avec les groupes de pression israéliens et les agences de sécurité britanniques et israéliennes. Elle est dirigée politiquement par les blairistes de droite du propre parti de Corbyn, les libéraux démocrates, le gouvernement conservateur et des médias propatronat complaisants et corrompus.

La stratégie de cette offensive a été révélée par le président américain Donald Trump et son secrétaire d'État Mike Pompeo. Trump a déclaré plus tôt ce mois-ci sur la radio LBC au chef d'extrême droite du Parti Brexit, Nigel Farage, qu'il s'opposait à l'élection de Corbyn au poste de premier ministre. Cela faisait suite à une intervention en juin lorsque Pompeo avait dit que Washington ne permettrait pas à un gouvernement travailliste dirigé par Corbyn de prendre ses fonctions et qu'il «riposterait» pour l'en empêcher.

Lors d'une conférence d'organisations juives américaines, Pompeo a été interrogé pour savoir s'il serait disposé, dans l'éventualité que Corbyn soit élu, à «intervenir avec nous si la vie devenait très difficile pour les Juifs au Royaume-Uni?»

Pompeo a répondu: «Il se peut que M. Corbyn réussisse à relever le défi et à se faire élire. C'est possible. Sachez que nous n'attendrons pas qu'il fasse ces choses pour commencer à réagir. Nous ferons de notre mieux... c'est trop risqué, trop important et trop difficile après coup.»

Cette réaction est en cours.

Le Jewish Chronicle a joué un rôle essentiel. Le 7 novembre, il a publié à la une un appel aux non-juifs de ne pas soutenir le Parti travailliste, qui constituerait «une menace existentielle» pour la communauté juive en Grande-Bretagne. Stephen Pollard, défenseur du libre marché et rédacteur en chef du journal, écrit également fréquemment pour le Daily Express, le Daily Mail, le Sun et le Daily Telegraph: l'aile droite de la presse britannique.

Jonathan Freedland, du Guardian anti-Corbyn, est intervenu dans la mêlée en suggérant que les Juifs britanniques «aborderont la prochaine élection avec une inquiétude qu'ils ont rarement connue auparavant». Le Guardian contenait également une lettre d'opposants à Corbyn proclamant qu'ils ne voteraient pas pour le Parti travailliste aux élections générales du 12 décembre, parce que sa direction avait rendu le parti antisémite.

Parmi les signataires figurent l'auteur conservateur Eurosceptic Frederick Forsyth, Tony Parsons, qui se présente comme «la racaille conservatrice», l'actrice Joanna Lumley, l'homme d'affaires conservateur Ghanem Nuseibeh, qui préside le mouvement musulman contre l'antisémitisme, et Maajid Nawaz, le président fondateur de Quilliam, un groupe de réflexion qui entretient des liens intimes avec l'État.

Toutes les affirmations selon lesquelles le Parti travailliste est un parti antisémite sont des mensonges obscènes. L'enquête Chakrabarti de 2016 n'a révélé «aucune preuve» d'antisémitisme systémique dans le Parti travailliste, alors qu'un comité restreint parlementaire multipartite en 2016 avait conclu qu'«il n'existait aucune preuve empirique fiable pour appuyer la notion d'une prévalence plus élevée d'antisémitisme que dans d'autres partis politiques». Les incidents d'antisémitisme au sein du Parti travailliste comptent pour 0,08 pour cent de ses quelque 500.000 membres, soit le tiers du pourcentage dans la population générale.
Plus généralement, une étude détaillée des attitudes envers les Juifs et Israël en Grande-Bretagne, réalisée par l'Institute for Jewish Policy Research, a révélé que les niveaux d'antisémitisme étaient parmi les plus bas au monde, 2,4 pour cent seulement exprimant de multiples attitudes antisémites. Cela contraste avec quelque 70 pour cent qui ont une opinion favorable des Juifs. De plus, 17 pour cent seulement avaient une opinion favorable d'Israël et 33 pour cent exprimaient une opinion défavorable.
L'Economist a publié le mois dernier un sondage qui révélait que les gens «très à gauche» étaient les moins susceptibles d'avoir un point de vue antisémite, tout en ayant de loin le point de vue le plus critique d'Israël. La plupart des gens établissaient clairement une distinction entre Israël et les Juifs et ne tenaient pas les Juifs pour responsables des crimes commis par les gouvernements israéliens successifs. En revanche, la «droite» et le «centre» avaient tendance à confondre Israël et le peuple juif.

Outre un nombre restreint de personnalités marginales, les personnes ciblées et accusées d'antisémitisme au sein du Parti travailliste sont des antisionistes. Comme l'a révélé le film d'Al-Jazeera, The Lobby, l'ambassade israélienne à Londres a financé une campagne gérée par Labour Friends of Israel (les Amis travaillistes d'Israël) pour saper Corbyn en raison de son soutien de longue date aux droits des Palestiniens. À cette fin, le lobby sioniste a cherché à qualifier d'antisémitisme toute opposition au gouvernement d'extrême droite du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son oppression des Palestiniens.

Il faut s'opposer inconditionnellement aux accusations selon lesquelles Corbyn est un antisémite et que le Parti travailliste placé sous sa direction constitue une menace pour les Juifs. Cependant, les responsables de cette campagne immonde ne pouvaient le faire que grâce au refus de Corbyn de mobiliser les centaines de milliers de personnes qui avaient rejoint le Parti travailliste en raison de sa promesse de s'opposer à l'austérité et au militarisme contre la droite blairiste.

Au lieu de cela, confronté à des attaques calomnieuses contre des alliés clés tels que Ken Livingstone, Marc Wadsworth, Jackie Walker et Chris Williamson, Corbyn a accepté la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour l'Holocauste, qui déclare que traiter Israël d'«entreprise raciste» est antisémite, et puis a jeté ses alliés en pâture. Dès lors, s'opposer aux calomnies sionistes devint impossible sous la direction de Corbyn.

Dans son entrevue avec Andrew Neil sur la BBC, Corbyn s'est tortillé misérablement en acceptant que le grand rabbin, un sioniste fanatique qui a décrit le raciste antimusulman Boris Johnson comme un «ami de longue date», parle au nom de «la communauté juive».

(Article paru en anglais le 28 novembre 2019)

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