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La France, un marché stratégique pour les gérants américains

Pays d'épargnants, la France est le premier marché d'Europe continentale pour la gestion d'actifs. Les institutionnels, qui représentent 73 % des encours en France, constituent une porte d'entrée privilégiée pour percer sur ce marché largement dominé par les acteurs locaux. Plusieurs gérants américains se penchent sur les opportunités offertes par la réforme de l'épargne retraite.

BlackRock gère environ 30 milliards d'euros pour le compte de clients français.

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Par bastien-bouchaud_0_165747');"> bastien-bouchaud">Bastien Bouchaud

Publié le 24 sept. 2019 à 10h54

Avec 4.142 milliards d'euros d'encours à la fin 2017, la France représente le premier marché d'Europe continentale pour la gestion d'actifs. Loin devant l'Allemagne (2.161 milliards) et la Suisse (1.887 milliards), selon une récente étude de l'Efama, le lobby européen des fonds d'investissements. Une manne qui ne passe pas inaperçue outre-Atlantique.

630 sociétés de gestion d'actifs

« Les Français sont de grands épargnants, même s'ils ne sont pas forcément investis de façon diversifiée pour le long terme », note Stéphane Lapiquonne, directeur général de  BlackRock en France. « C'est un marché clef en Europe », ajoute Thomas Chaussier, le directeur France de Morgan Stanley IM en France, qui souligne son caractère « très concurrentiel, avec de nombreux acteurs locaux de toutes tailles ». Il faut dire qu'avec 630 sociétés de gestion, la France concentre bien plus d'acteurs que l'Allemagne (380) ou le Luxembourg (304), dont le champion européen Amundi avec plus de 1.400 milliards d'euros d'encours, mais aussi Natixis IM (plus de 800 milliards d'actifs), BNP Paribas AM (plus de 530 milliards) ou encore La Banque Postale AM (220 milliards).

Les acteurs institutionnels privilégiés

Face à ces établissements disposant de réseaux de distribution captifs, les gestionnaires américains ont eu tendance à privilégier les acteurs institutionnels, qui représentent 73 % du marché français, bien plus qu'en Allemagne (53 %) ou en Espagne (16 %). Une porte d'entrée naturelle pour les étrangers sur le marché français.

« La France est un marché sur invitation », lâche Stéphane Lapiquonne de BlackRock, qui gère environ 30 milliards d'euros pour le compte de clients français. « Les institutionnels et les réseaux de distribution vont faire appel à des expertises étrangères à la carte, selon leurs besoin », ajoute-t-il. C'est notamment la voie suivie par Pimco, Morgan Stanley IM et Wells Fargo AM (WFAM). « Nous sommes des partenaires naturels pour eux », estime Deirdre Flood, en charge de la distribution internationale de WFAM. « Nous ne sommes pas en concurrence directe avec les banques privées, les gérants de fortune ou encore les assureurs », ajoute-t-elle.

WFAM a ouvert cette année une branche parisienne de sa filiale luxembourgeoise et compte élargir son équipe au cours des prochains mois. De quoi se développer au-delà de ses 23 clients institutionnels qui lui ont confié environ 3 milliards d'euros d'actifs. « Une de nos priorités en France est la gestion de fortune, où nous avons des relations de long terme de plus en plus approfondies », explique de son côté un porte-parole de Pimco.

Une dynamique qu'a également connue Goldman Sachs AM, arrivé il y a 14 ans en France. « La croissance a démarré avec la clientèle institutionnelle, mais nous observons ces dernières années une convergence des besoins entre institutionnels et clients retail », explique Yacine Boumahrat, responsable de la distribution de GSAM pour la France. Les actifs réels non cotés (capital-investissement, dette privée, infrastructures, immobilier), l'ESG et les fonds thématiques sont ainsi aujourd'hui plébiscités par les deux segments du marché.

Goldman Sachs AM a quadruplé ses encours sous gestion en France depuis 2010

La société de gestion de la banque de Wall Street, qui va également étoffer ses équipes dans les mois qui viennent, a ainsi pu quadrupler ses encours sous gestion en France depuis 2010, et surveille comme d'autres  la réforme de l'épargne retraite introduite par la loi Pacte. « Nous nous intéressons de plus en plus au marché retail », explique ainsi Thomas Chaussier, qui souhaiterait profiter de la généralisation de la gestion pilotée dans l'épargne retraite. « La réforme des retraites, à commencer par la loi Pacte, devrait offrir de nouvelles opportunités pour les gestionnaires d'actifs pour servir le marché français », résume un porte-parole de Pimco. Quant à Vanguard, le gérant américain spécialisé dans les ETF, il compte sur « l'ouverture du marché français », grâce à la réglementation et à la digitalisation. « Cette dynamique est probablement plus lente que pour d'autres pays européens, mais le mouvement est bien enclenché », explique un porte-parole.

Des compétences recherchées

« La France dispose d'un réservoir de talent impressionnant, aux compétences utiles pour l'ensemble du groupe », souligne Deirdre Flood. Un avis partagé par BlackRock, qui a recruté une quinzaine de personnes au cours de l'année écoulée, sans compter les 140 employés d'eFront. « L'écosystème financier et technologique est très dynamique, c'est une chance pour constituer des équipes qui servent des clients partout dans le monde », souligne Stéphane Lepiquonne. La finance verte est l'autre expertise française qui intéresse les gérants étrangers. « Ce marché est à la pointe sur l'intégration des thématiques environnementales, sociétales et de gouvernance (ESG) dans la gestion », s'enthousiasme ainsi Deirdre Flood.

Bastien Bouchaud

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